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Vie de La Brochure
6 janvier 2020

En 1905, l’Algérie dispensée de la loi laïque

Dans la vie les paradoxes ne manquent jamais. Les mêmes qui voulaient l’Algérie française ne souhaitaient pas qu’elle bénéficie des lois sociales de la France, des lois démocratiques de la France ou de la loi laïque de 1905 ! Je peux pousser l’observation jusqu’à dire que les défenseurs de d’Algérie français étaient des opposants à la France française car membres du parti de l’étranger... D’où mon intérêt pour l’article ci-dessous qui cependant me laisse sur ma fin. Il me faudrait retrouver les articles que j’ai déjà écrits sur le sujet. J-P Damaggio

 

Nouvel Observateur 15 août 2019

L’islam sous contrôle

La loi de séparation des eglises et de l’Etat de 1905 ne s’appliquait pas dsz l’autre côté de la Méditerranée. L’administration y avait organisé le cultge musulman.

François Reynaert

 La question est lancinante dans notre XXIe siècle : comment organiser l'islam, deuxième religion du pays, tout en respectant la liberté des cultes ?

Faute de savoir répondre, on pourra au moins rappeler qu'elle ne se pose pas pour la première fois. Quand, en juillet 1830, la France conquiert l'Algérie, elle devient déjà, de fait, un pays partiellement musulman. Et le temps des contradictions face à cette réalité peut - déjà - commencer.

Dans l’«acte de capitulation» que le maréchal de Bourmont fait signer au dey d'Alger, le 5 juillet 1830, il prend l'engagement que «l'exercice de la religion mahométane restera libre». Rapidement, comme nous l'explique le spécialiste Raberh Achi dans l'excellente « Histoire de l’Algérie à la période coloniale » (La Découverte), les autorités, craignant (à raison) que l'islam ne devienne une arme de résistance contre l'occupation, font tout pour le circonscrire. Les habou - ces biens inaliénables dont les revenus servent à entretenir les mosquées - sont incorporés au domaine public. Peu à peu, les différents ministres servant le culte, imams, cadis (juges religieux), sont formés sous la surveillance des autorités, et payés par elles - comme c'est le cas pour les autres religions, dans cette France qui vit sous le régime du Concordat (1801-1905).

De par l'acte de capitulation, les musulmans se voient cependant conférer ce que l'on appelle dans le jargon colonial le «statut personnel », c'est-à-dire le droit de se marier, d'hériter, etc., selon leurs mœurs religieuses propres. C'est un «privilège» à double tranchant. Pendant presque toute la période coloniale, ce «statut personnel» servira de base au refus de donner un statut de citoyen de plein droit aux musulmans d'Algérie. Puisqu'ils veulent leur loi à eux, on ne peut les considérer comme des Français...

L'arrivée progressive, à partir des années 1840, de colons européens majoritairement chrétiens va de pair avec la montée en puissance de l'Eglise catholique. Au début de la conquête, par crainte de susciter une réaction violente des populations, les autorités militaires lui ont interdit tout prosélytisme. Cela n'empêche pas quelques hiérarques de former de grands rêves. Charles Lavigerie, nommé archevêque d'Alger en 1867, est hanté par le souvenir de saint Augustin (évêque d'Hippone, actuelle Annaba) et de saint Cyprien de Carthage. Il a pour ambition de faire retourner l'Afrique du Nord au christianisme qui était le sien à la fin de l'Empire romain. Il porte en particulier ses espoirs sur les Kabyles, qu'il voit comme les descendants de ces chrétiens antiques. Pour commencer ce lent travail d'évangélisation, il ouvre des écoles et fonde même deux villages destinés aux orphelins, administrés par les Pères blancs et les Sœurs blanches, les deux ordres missionnaires qu'il a créés. En fait, ses écoles et ses villages forment des hommes et des femmes francisés, totalement coupés du reste de la population. L'expérience tourne court.

L'apogée des rapports tortueux de la France avec l'islam algérien a lieu en 1905. A Paris, fin décembre, une majorité républicaine vote la loi de séparation des Eglises et de l'Etat et décrète advenu le règne de la laïcité, cette magnifique valeur universelle. Cette même majorité a pourtant du mal à lui faire passer la Méditerranée. Pourquoi risquer que le texte ne fasse perdre le contrôle sur une religion toujours redoutée? L'application de la loi de séparation à l’Algérie est réglée par des décrets de 1907 qui laissent toute latitude à l'administration d'organiser le culte musulman comme elle l'entend. Les imams, par exemple, ne sont plus officiellement salariés. Ils reçoivent des « indemnités temporaires de fonction », ce qui permet de les maintenir sous la coupe du pouvoir. Gambetta avait prévenu quelques décennies plus tôt: «L'anticléricalisme n'est pas un article d'exportation.»

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