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Vie de La Brochure
11 janvier 2020

B. Traven à Toulouse

B

Il s’agit d’un spectacle qui s’est déroulé sur la scène du Théâtre de la cité pendant trois jours  où onze comédiens font du Mexique le centre du monde. Le titre, B. Traven, ne me disait rien mais la présentation annonçait le nom d’un écrivain qui certes écrivait en allemand mais était Mexicain ! En fait dire « Mexicain » est un peu exagéré car l’homme consacra sa vie à deux choses : écrire certes mais en même temps cacher sa biographie ! Quand on achète un livre de lui on constate que les droits d’auteur vont à sa veuve et sa fille, preuve incontestable qu’il a bien existé mais en se cachant sous tant de pseudos que, comme le fait le texte de la pièce si bien, il est possible d’inventer de théories sans fin sur qui il était. Cette obsession renvoie à un débat classique : pour un écrivain l’œuvre dit tout, la biographie rien ! Déjà on imagine un radical, passablement anarchiste et l’œuvre est bien en effet passablement anarchiste. Passablement pas pour dire qu’elle est passable, mais pour dire qu’elle peut passer pour anarchiste. Si tel est le cas, c’est bien la bio qui a fait l’art ! Peut-être un anar qui a fui la féroce répression suite à la révolution allemande de 1918.

Mais puisque B. Traven ne nous donne même pas la clé de son prénom il n’est en fait que le prétexte de la pièce de théâtre qui croise tant et tant d’autres histoires avec le Mexique en référence. Celle de Trotsky qui se réfugié en deux occasions en ce pays des révolutions, celle de Zapata, celle de Dalton Trumbo le cinéaste qui doit fuir Hollywood, celle d’un boxeur Arthur Cravan qui a fui avec Léon et qui est peut-être B. Traven !

Non content de croiser les parcours d’hommes repérables avec celui de tous les masques, le spectacle recoupe tant de périodes : 1916-1917, 1950, 1968, 1994, 2009 et pour ne pas s’y perdre, des annonces écrites apparaissent sur les écrans de la scène, pour bien garder le fil, des écrans qui servent à un spectacle total : cinéma, textes, décor avec un fond musical permanent, le tout parfaitement intégré pour justement produire un tout. Dans ce moment théâtral si riche rien n’est gratuit et puisqu’il s’agit en fait de biographies à cause d’un homme sans biographie, à la fin, nous assistons aux multiples morts de la plupart des personnages : Trotsky bien sûr, Arthur aussi, le docteur de B. Traven, et celui qui mène l’enquête, le complice de celle qui mène l’enquête mais qui en fait cherche autre chose que l’enquête : comment son père le cinéaste Dalton Trumbo poursuivi par la CIA a-t-il pu survivre au Mexique ?

Le Mexique est-il plus fort que les biographies au point que le masque y est roi pour cacher ces vies que nous ne saurions voir ? Le Mexique à travers ses mythes passés, les squelettes, les fêtes des morts, le quetzal, et ses mythes imposés comme le sucre du Coca Cola, le Mexique qui n’est ni l’Amérique latine, ni l’Amérique du Nord, le Mexique dont la difficile identité rend difficile les identités au point que l’on meurt à en vouloir trop savoir !

L’enquêtrice partie des USA n’a  pas l’intention de tomber amoureuse de son caméraman mais le Mexique l’a rend amoureuse de son caméraman, un homme qui veut filmer comme filment les grands cinéastes du monde. Et quand, dans un squat parisien de 1994 débarque un jeune qui part pour le Chiapas pour être aux côtés des zapatistes, il en bouleverse la vie au point qu’une des animatrices du squat part pour le Mexique en 2009 !

Et si le spectacle n’était là, en fait, que pour interroger le sens des idéaux ? Les idéaux perdus de 1917, de 1945, de 1968, de 1994 au point qu’en 2009 la règle est devenue de ne plus avoir d’idéaux ? D’un côté le capitalisme qui gagne à tous les coups (même au Mexique le pays des révolutions) et de l’autre ses opposants qui ne savent comment lui échapper. Et si B. Traven, je veux dire l’œuvre de B. Traven apportait la solution : fuyons nos biographies au nom de l’art qu’il nous reste à produire face au capitalisme qui veut qu’on investisse nos biographies pour tuer l’art ? La lutte ne consiste plus à démasquer l’adversaire mais à se masquer pour lui échapper. Et si B. Traven en plus d’une fille officielle avait eu un fils portant le nom aujourd’hui du sous-commandant Marcos sauf que Marcos n’existe plus ayant déjà pris un autre pseudo en l’honneur d’un camarade mort ?

A Frédéric Sonntag, qui a écrit et mis en scène la pièce j’ai juste une question à poser : et le Crime organisé qui fait l’histoire du Mexique depuis l’an 2000  où le placer ? J-P Damaggio

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