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Vie de La Brochure
1 avril 2020

L’historien et les erreurs

1 ) L’historien étudie l’histoire réelle

C’et une évidence l’historien n’est pas un romancier : il étudie à partir des documents auxquels il accède le passé et c’est déjà beaucoup de travail. Pourtant…

Est-ce à dire, que l’histoire est un monde sans alternative, que suivant un marxisme mécaniste le capitalisme suit inévitablement le féodalisme et qu’il est suivi du fait des contradictions du dit capitalisme par le socialisme ?

Dans ce cas l’action des grandes figures ne serait que l’effet inévitable des événements n’ayant donc aucune capacité propre à les provoquer ?

2 ) La réalité serait linéaire et évidente

L’historien serait donc seulement celui qui décrit une réalité passée ?

Je crois qu’il s’agit là de sa première responsabilité mais elle ne peut s’arrêter là sous peine de lui nier toute utilité et de rejoindre ainsi ceux qui pensent que le passé c’est l passé et qu’il ne sert donc à rien de le remuer, pire même il ne servirait alors qu’à rouvrir des plaies.

3 ) Et si l’erreur n’est pas un si…

Je connais particulièrement cet exemple : en octobre 1851 les démocrates-socialistes pensent qu’ils vont gagner les élections de mai 1852 sauf que certains pensent à préparer une action clandestine au cas où. Une analyse sérieuse de la réalité n’aurait-elle pas dû leur faire comprendre que le coup d’Etat devenait évident ?

L’erreur n’est pas de réécrire l’histoire mais d’interroger un moment qui révèle une erreur d’analyse, étude qui puisse permettre aux un et aux autres de ne pas répéter cette… erreur.

4 ) Pointer l’erreur pour juger le passé ?

Il est bien évident, avec l’exemple donné, que l’historien intervient après les événements et il lui est bien facile de distribuer les bons points (les succès) et les mauvais (les erreurs). Ceux qui ont sous-estimé l’approche du coup d’Etat de 1851 sont plus faciles à montrer du doigt après le coup d’Etat !

Or discerner des erreurs (et je m’inscris dans ce devoir de l’historien) ne consiste pas à juger mais à admettre qu’il existe toujours plusieurs choix possibles an une société, aux uns et aux autres et que l’historien pointe un choix qui a été fait contre un autre choix possible sans se soucier de reconstruire le passé. Disons que les adeptes de la clandestinité préparée pour empêcher le coup d’Etat auraient peut-être tout aussi bien perdu que les adeptes de l’insouciance mais peu importe, ce qui importe c’est pour l’historien de voir comment et pourquoi un choix prédomine sur un autre, afin de permettre ensuite de ne pas répéter la même erreur en politique quitte à en produire une autre.

5 ) Les hommes font et défont l’histoire

L’historien ne donne aucune clef aux acteurs du présent, il invite par contre à étudier la réalité en tenant compte des études qu’il a pu produite sur telle ou telle époque. Les gilets jaunes n’étaient pas une jacquerie mais l’étude des jacqueries pouvaient servir à mesurer les mérites et les limites de cette action, les nouveautés produites et les erreurs commises.

6 ) L’historien est forcément engagé

Parmi les intellectuels certains sont plus ou moins engagés. Un physicien par exemple pour conduire sa recherche en s’engageant ou pas même si dans le fond son choix d’action a une dimension engagée plus ou moins consciente.

L’historien (je ne sais pour le géographe) est forcément engagé. Je ne dis pas engagé dans tel ou tel parti mais engagé par le matériau sur lequel il travaille. L’histoire étant l’histoire de la lutte des classes, l’historien se retrouve d’office d’un côté de la barrière. Non qu’il veuille plaider pour les vainqueurs ou les vaincus (c’est du domaine de son engagement politique) mais parce qu’il va traiter son matériau d’un certain point de vue. Au nom de l’objectivité rêvée, il  peut étudier en se tenant sur la rive de la rivière histoire, mais même là il s’engage.

7 ) L’analyse, la critique et l’analyse critique

En permanence l’historien lutte contre l’anachronisme qui consiste à analyser une action en dehors de son contexte réel, à l’analyser en fait pour elle-même. J’ai parlé d’engagement car les matériaux sont des actions et non des données, les matériaux sont en mouvement permanent, mouvement dans lequel l’historien lui-même est pris. Quand Champollion découvre les hiéroglyphes il est face à une donnée fixe, il est linguiste plus qu’historien. Par la lecture qu’il permet des hiéroglyphes il relance la recherche historique. Il peut relancer l’analyse critique que j’appelle l’étude d’erreurs comme celles qui fait que des peuples au même moment n’ont pas eu d’écriture. La vérité, la grandeur ne fut pas d’avoir une écriture mais avoir une écriture permettait tel ou tel développement social impossible chez les peuples voisins n’ayant pu accéder à cette action. L’historien n’est pas là pour juger et il n’est pas là seulement pour chercher à comprendre, il est là pour inventer une autre façon de penser capable de nous aider à vivre mieux notre passé, notre présente et notre futur. J-P Damaggio

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