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Vie de La Brochure
24 mai 2020

Castan et Ingres

Ingres Castan (1)

Tout ce qui était lié à Montauban n’avait pas de secret pour Félix Castan. Donc il avait une pensée sur Ingres, pensée vers laquelle le précédent article m’a poussé. Il n’est pas surprenant que Castan se soit jeté avec attention sur les dessins pour susciter en 1980, une petite brochure où, surprise, je retrouve Anne-Marie Garat évoqué voici peu à cause d’Ernest -Pignon-Ernest.

«Il fonde véritablement l'art moderne…» indique Castan. J’en doute.. quand une part de l’art moderne s’est fondée contre lui ! Mais je n'ai pas fonction pour juger.

J-P Damaggio

 Ci-contre la couverture de la brochure

 Présentation de Castan

 Ce Montalbanais, voyageur immobile...

Rêveur éveillé. Merveilleusement éveillé : mais rêveur d'abord.

Otons de notre mémoire les Mariages de Raphaël, Vœu de Louis XIII, Mort de Saint Symphorien, Apothéose d'Homère, Age d'or, et autres Bain Turc... Suivons à la trace l'un des adolescents les plus précoces de l'histoire de la peinture, voué aux beaux-arts par son père dès l'enfance, dans une ville à l'apogée de sa puissance manufacturière (l'une des trois capitales du Sud-Ouest, en cette fin de XVIIIe siècle) et qui va en pleine Révolution se former à Toulouse, où il recueille les enseignements d'une prestigieuse tradition : il garda de son enfance le goût de l'harmonie et les idéaux solides d'une bourgeoisie confiante en ses destins.

Il apprend à Toulouse l'horreur des canons de beauté et des stylisations : tout être humain, réel ou allégorique, doit être individualisé. Point de figure qui ne soit portrait.

La passion du portrait restera l'axe de son génie.

Ces portraits qui appartiennent en parts égales au rêve et à la réalité... Entre les grands portraitistes qui jalonnent l'histoire, Titien, Holbein, Cranach, Clouet, Velasquez, Rembrandt, comment intervient-il ? Quoique non idéologiques, ses portraits n'en sont pas moins mis en place socialement. Quoiqu'ils n'aient pas un but essentiellement psychologique, ils n'en sont pas moins personnalisés et caractérisés avec acuité. Mais la novation radicale est sans doute ailleurs, elle émane de l'aventure obsessionnelle de deux siècles d'art toulousain : ce que peint Ingres, à travers l'individu, c'est sa propre sympathie pour le modèle, il magnifie à la fois le modèle dans sa vérité et le peintre dans sa conscience de portraitiste d'une époque.

La dualité du face à face, la dialectique des deux regards fonde un art immatériel, non de la chose, mais de la relation. Le rapport du peintre à son modèle gouverne toute la mise en œuvre formelle. L'enfant prodige choyé par sa famille et par ses maîtres (« Ingron », disait-on en occitan) garde ses yeux étonnés jusqu'à 87 ans et les pose, pour comprendre, sur tous ceux qui se livrent de pied en cap à la puissance de ses crayons et de ses pinceaux.

Personne n'a exalté mieux que lui l'immense rêve d'une société d'individus pleinement autonomes et liés dans le seul réseau de la reconnaissance mutuelle. Peintre de la reconnaissance au sens fort : le premier et le plus significatif, au lendemain de la Révolution des Droits de l'Homme.

A Paris, il tient tête au dogmatisme de David, non sans interroger son savoir magistral, et trouve sa pâture dans les zones alors mal explorées des arts dits primitifs ou orientaux. Néo-classique ? Plutôt, promoteur du romantisme, un peu à la manière de son contemporain Stendhal.

A Rome et à Florence, parfois, son rêve dérapera vers des synthèses faussement historiques et parfaitement académiques, sauf dans les détails et sauf dans les études préparatoires.

Il reviendra à Paris chargé d'une lèpre, pour laquelle il sera adulé.

Mais il reste lui-même partout où son rapport direct à la personne, au corps, à l'objet, fait appel à son essentielle et originelle naïveté et aux ressorts de sa véritable personnalité méditative, pour qui la pensée, toute la pensée est au bout de l'instrument qui peint ou de l'instrument qui dessine. En cela, il fonde véritablement l'art moderne, tel qu'il se développera jusqu'à nos jours : l'acte engendre la pensée, l'exécution créatrice précède la conception qui en est l'aboutissement.

Son discours, c'est de peindre, alors que jusqu'à lui, au moins dans le principe, le discours et la conception précédaient l'exécution.

On comprend pourquoi lui sont si étrangères ces compositions académiques, auxquelles il se consacre trop souvent, et dans lesquelles son esprit ne parvient pas à se retrouver. En revanche, l'homme est tout entier dans ce qu'on appelait alors croquis et études : objets partiels et plénitude de la conscience et de l'inspiration.

Il n'est pas sans signification que sa collection de dessins et d'études ait été conservée par Ingres, pour être léguée au musée de sa ville natale. La face intime de son travail n'avait jamais cessé, quelle qu'ait été la distance, de le rappeler vers ses origines. Le Festival d'Occitanie et le groupe « Art Nouveau - Art Occitan » lui rendent hommage, avec trois peintres montalbanais : Marcelle Dulaut (1921-1978), Yvette Chon¬Faure (1932), Savi-Léojac (1927), et leur ami périgourdin Lajot (1944), sans dissimuler les contradictions qui les séparent.

Savi, le réel à travers le songe, songe dominateur, preuve que les sources d'Ingres-le-romantique restent inépuisables. Marcelle Dulaut, un acte de sympathie pour ces écoliers datés de 1950, posant sans mystère ; des dessins datant de 1947 ou 1948, un rapport diversifié au corps ; une « étude » enfin, qui fait surgir de la page où se structure le vide (dans la plus libre spontanéité) un plein focalisant le regard, à l'exemple des études d'Ingres, véritables fins en soi. Lajot, des anti-portraits, sur le modèle ingresque lui-même, dépecé. Yvette Chon-Faure, art d'isoler la draperie, détachée de ses fonctions décoratives ou de masque, pour un travail spécifique, comme Ingres s'y est souvent complu... Félix-Marcel CASTAN.

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