1940 : La lucidité d’Alexandra David-Néel

Je vais célébrer Alexandra Myrial en rassemblant ses articles de La Fronde ce qui ne signifie pas que je sous-estime celle qui deviendra Alexandra David-Néel suite à son mariage en 1904. Elle changera d’activité délaissant le théâtre, le chant, le journalisme pour le voyage comme moyen de gagner sa vie. Car telle est son obsession permanente : gagner sa vie elle-même, et le voyage lui permettra d’écrire des livres plus rémunérateurs que ceux sur le féminisme. Elle changera d’activité mais elle restera la même : une femme lucide. Cette lettre du 16 mai 1940, écrite de Chine en est la preuve éclatante. Alors que son mari, sous l’effet des médias français, célèbre la grandeur de l’armée britannique et française, ridiculisant celle des «boches», elle le ramène à la réalité qui sera vérifié un mois après ! Impressionnant ! J-P Damaggio

 Extrait de la lettre d’Alexandra David-Néel à son mari

Catholic Hospital, Kanting, 16 mai 1940

Tout le monde prévoyait une grande offensive pour ce printemps. Peut-être ne prévoyait-on pas qu'elle atteindrait les proportions qu'elle vient de prendre. Je crois que la réputation de l'Intelligence Service anglais a été surfaite, comme nombre d'autres choses anglaises. Il nous conviendrait mal, du reste, de railler les Britanniques, nous aussi, avons manqué de «flair». Hitler a un plan qui est d'opérer rapidement, il s'y est préparé de longue date tandis que d'autres ne songeaient qu'à trafiquer ou bêlaient : « Paix ! paix ! » Or, on ne peut pas faire régner la paix à soi tout seul, il faut que le voisin soit dans les mêmes sentiments, et notre voisin ne l'était pas. Nous allons payer pour notre conduite envers les Tchèques et pour notre conduite envers l'Espagne républicaine.

Mais de ce qu'on blâme les fautes commises par son père ou par sa mère, il ne s'ensuit pas qu'on manque de les défendre quand ils sont attaqués et qu'on ne leur souhaite pas d'échapper, autant qu'il est possible, aux conséquences de leurs méfaits. Il est bien possible que si j'étais un homme en âge de le faire, je m'engagerais... Mais une femme... et qui n'est pas électeur, se trouve dans une tout autre condition.

Si l'Italie entre en guerre contre nous, il faut nous attendre à ce que les communications postales deviennent encore plus difficiles. Donc, bien que je t'aie écrit le 4 et le 8 mai, je tiens à t'envoyer encore quelques lignes.

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