Rossanda, Vazquez Montalban, Ken Loach

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Le décès de Rossana Rossanda m’a renvoyé vers ma bibliothèque où j’ai deux livres d’elle (en italien car rien n’existe en français à ma connaissance). Sur l’un, j’ai eu envie de reprendre sa réponse à un article de Vazquez Montalban au sujet du film de Ken Loach, Land and Freedom. Cet article était paru sur L’Humanité le 4 octobre 1995. Elle répond le 13 octobre.

L’article de L’Humanité était inclus dans un vaste dossier de deux pages au sujet du film et j’ai repris l’ensemble (il y a un entretien sans langue de bois avec Ken Loach) car il offre une vue d’ensemble du débat, même si la position de l’Italienne est totalement inexistante en France.

Pour le dire de manière schématique, après 1968 Rossana Rossanda e ses amis ont été exclus du PCI pour des positions dites «gauchistes». Et en effet elle se situait à la gauche du PCI tout en dénonçant le stalinisme de l’URSS, position assimilée à un soutien au féroce anticommunisme ambiant. Ce courant pourrait inciter à un parallèle avec la LCR par exemple sauf qu’à aucun moment ce courant ne s’est réclamé de Trotsky. Il suffit de voir comment elle évoque Berlinguer.

 Concernant le film de Ken Loach qui fait la part belle aux objectifs du POUM et des anarchistes sa réponse déplace le regard.

En 1995 tous les acteurs du dossier de l’Humanité dénoncent le stalinisme (facile l'URSS n'est plus là!) y compris José Fort qui pour moi n’a jamais cessé d’être un stalinien. Vazquez Montalban n’est pas tendre avec Staline dont il est à présent prouvé que le dirigeant du POUM, Andreu Nin, est mort sous les tortures des agents staliniens. Mais alors en quoi un débat Rossanda/Manuel ?

Rossanda explique que le film de Ken Loach n’a pas justement, mis l’accent sur le cas Nin, un moyen qui aurait été plus simple, si le premier but du film était de dénoncer les communistes. Les archives de Russie venant de démontrer la culpabilité communiste dans sa disparition il était possible de faire un film à la manière de l'Aveu. Ken Loach et en celà fidèle à lui-même a gardé son regard fixé sur la "base".

A débattre uniquement de mauvais coups portés aux Brigades de l’Internationale (et ajoute Montalban à juste titre, en exonérant le rôle des socialistes) on contourne la vraie question qui touche toutes les révolutions : quel rapport établir entre l’action à la base et l’action de sommet ? (pour être schématique). C’est une évidence, il fallait d’abord battre militairement le franquisme avant de se lancer dans des expériences nouvelles de gestion de la terre sauf que, par la victoire militaire, le pouvoir est ensuite en mesure d’empêcher les expériences nouvelles à la base ! C’est une question de tous les jours et de partout. Peut-on réclamer la démocratie pour demain, avec un parti très peu démocratique ?

Un exemple connu. Les pouvoirs français, en imposant une guerre terrible à l’Algérie pour son ascension à l’Indépendance, installe ensuite indirectement au pouvoir, les militaires. Ceux qui rejetaient l’action armée par crainte de cette situation, s’ils ne pouvaient gagner, ont pu dire ensuite qu’ils avaient raison : l’Algérie allait devoir supporter des militaires d’abord légitimes (d’où un certain nombre d’avancées) mais au bout d’un moment illégitimes. 

Rossana évoque le cas de l’URSS d’abord allergique, à travers son parti communiste local, à la stratégie de Castro qui pourtant fut victorieuse.

 Pour en revenir au film de Ken Loach : Montalban a ses raisons, Rossanda les siennes, et Ken Loach encore les siennes. Sauf à être de mauvaise foi, ils aspirent à la même révolution donc leurs divergences sont riches. Ils confirment tous que la Guerre d’Espagne a été un champ d’expériences qui, ayant concerné toute l’Europe, induit des analyses qui méritent une confrontation européenne. Et d’abord pour sortir du face à face espagnol-espagnol. Je pense que les pages en document sont une source importante de ce débat. J-P Damaggio