Pietro Ingrao poète
Au cours des annes 90 mon facteur devait s'étonner. Chaque semaine il déposait dans ma boîte aux lettres un hebo italien, L'Espresso. Un jour j'ai découvert l'article ci-dessous évoquant des poèmes de Pietro Ingrao. Je me suis adressé à ma librairie italienne favorite et je l'ai reçu. Ce n'est pas tant à cause de la poésie ou de l'utopie. Ecrire de la poésie, j'imagine, doit être une grande discipline ou de la discipline qu'impose toute lecture. Et en matière d'utopie je me suis rendu à l'"analyqse de Vazquez Montalban : est utopique l'idée de tout transformer en marchandises et non l'idée d'améliorer la vie de chacun. Donc un achat à cause de l'homme politique Ingrao ? En effet, ce communiste de la gauche du PCI a toujours été original. JPD
P.S. Mes maigres connaissances en italien et mes limites très limitées en français font que j'ai mis la version italienne pour les poésies.
Pietro Ingrao poète par Enzo Siciliano
Chère utopie, je ne t’abandonnerai pas
Il est surprenant qu'un homme politique comme Pietro Ingrao, un polémiste ardent, un homme de rassemblements, écrive des vers dans lesquels l'institution de la poésie, l'obscurité symbolique du verbe, le choix du mot sont tant respectés et souffert. "La grande fièvre du faire" est le deuxième volume de poésies (Siciliano écrit liriche) que publie Ingrao, après "Le doute des gagnants" qui date de 1986. Ayant abandonné le champ des interventions actives, Ingrao se protège derrière un travail stylistique assidu. À y regarder de plus près, cependant, il n'y a pas de schizophrénie entre les deux domaines. «Fleuve sans drapeaux sans rives / pourtant éternel Fleuve d'existence»[1]: Ingrao présente ainsi l'existence pars ses adieux à la politique, et les sentiments du passé se prolongent dans le balayage des rythmes.
Si l'on perçoit le fil rouge d'une dialectique entre ces deux volumes, entre ordre et désordre, qui était la même qui a gouverné l'utopique Ingrao en politique, une controverse émerge qui a toujours été conséquente en lui: la technologie touche et viole les choses, cela ne doit pas être touché et violé. Ce livre est né pour défendre la valeur jalouse du mot et le besoin de rendre à nouveau ses signes et symboles, vierges. On lit dans "Come corsa": «Cette lumière du mot, / des sons qui s'embrassent étroitement / et se répandent dans le signe / comme une course sur un bord que la mer / n'atteint pas encore se profile». Et, aussi, dans "Distances": «Et pourtant nous sommes loin, dispersés / ne nous soudons pas / nos races folles / en jouant / le chuchotement de la vidéo, la soif / commande, le désir désolé / de se tenir dans lesmots[2]».
Il convient de mentionner une réflexion. Pour l'essentiel, chez les hommes de la culture marxiste, la littérature, même dans ses connotations avant-gardistes, a toujours été ouverte à l'optimisme. Les temps ont changé. En Ingrao, résiste, plus que le marxiste, le communiste, et la littérature prend le caractère d'une résistance lucide et désespérée. C'est encore l'humanisme existentiel qui tente de se frayer un chemin ici, selon ce que Sartre pensait être le sort du communisme une fois libéré du stalinisme et des cauchemars du socialisme réel. Bref, l'utopie qui fut chez Ingrao en tant qu’homme politique continue chez l’Ingrao écrivain.
PIETRO INCRAO, "La forte fièvre du faire", Mondadori, pp. 96, 22 mille lires.
La poésie que j'ai choisie
OÙ
Peut-être que la lumière se brisait
peut-être que tu étais fatigué,
nous ne nou sommes pas parlé depuis longtemps,
fermé
à nous les cathédrales de l'ordre;
seules sont rompus les musiques
du sous-sol, les rares
halètement de l'air,
où nos pas se déplacent lentement.
DOVE
Forse si rompeva la luce
forse eri stanca,
non ci parliamo da tanto,
chiuse
a noi le cattedrali dell'ordine;
solo rotte musiche
del sottosuolo, i rari
sussulti dell'aria,
dove adagio muovono i nostri passi.
[1] «Fiume senza bandiere senza sponde/ eppure eterno Fiume dell'esistere»
[2] «Questa luce della parola,/ suoni che s'abbraccianc stretti/ e spandersi nel segno/ come corsa su lembo dove mare/ non giunge eppure incombe». E, anche, in "Distanze": «Eppure siamo lontani, dispersi/ non ci saldano/ le folli corse nostre/ nell'agire/ il sussurro del video, la sete/ di comando, il desolato desiderio/ di stringerci nella parola».