En 2008 Marcel Maurières et moi
Pour fêter ma retraite, loin de toute idée de banqueter j’ai décidé d’écrire un livre pour rendre hommage à quarante enseignants, un par année de ma vie professionnelle où je suis sous le prénom de Louis (cliqez plus loin sur 1983). Je l’ai mis en accès libre sur le blog (sans les photos malheureusement) en 2016. Je savais parfaitement que Marcel était parmi les quarante mais qu’avais-je pu écrire ? Je ne sais plus si le livre a été publié avant ou après son décès en avril 2008. Je retrouve les quelques mots avec surprise. Je donne en référence une lettre à lui de 2003 où je lui indique que je vais mettre mes archives en ordre pour recroiser l’abbé Glasberg et André Gros. C’est ce que je viens de faire en écrivant le livre à son sujet presque vingt ans après ! Pour le reste je laisse le lecteur se faire une idée.
J-P Damaggio
P.S. La photo de Marcel était sur le facebook de son fils Patrick qui m’a tant aidé cette année à me retrouver à ses côtés.
Hommage à Marcel en 2007
« - Je trouve que la vie adulte, c’est la vraie vie ». (enfant de 8 ans, Montech)
1983 « Louis, j’ai retrouvé cette lettre à Marcel qui doit dater de 2003,
Cher Marcel, Merci beaucoup pour ton mot. J’ai étudié le cas phénoménal de l’abbé Marcellin sans croiser cet autre abbé Glasberg qui est cependant d’une toute autre époque. Comme j’étudie le bulletin catholique pour les questions de laïcité peut-être son nom apparaîtra-t-il. Je sais seulement avec notre histoire de la résistance qu’il fut curé de Léribosc. Pour André Gros je n’ai pas de réactions de la dame de Monteils. Je pense que j’avais mis tous les renseignements de l’entretien dans l’article des Nouvelles (que tu me remets en mémoire) mais, si nécessaire, en cherchant dans mes archives, (que j’avais eu le projet de ranger l’an dernier, grâce à un travail à mi-temps, mais c’est pas encore au point) peut-être puis-je en retrouver les éléments. Tant de papiers qui s’accumulent ! De toute façon avec la retraite en juin, je veux préparer un livre pour le bicentenaire du TetG qui tentera un portrait de 82 révoltés dans l’histoire de notre département, alors il faudra bien que je me replonge sur le cas d’André Gros (il est dans la liste encore incomplète des 82 : j’ai retenu pour le moment 50 noms[1]). Que ces quelques mots vous trouvent en forme malgré les soucis de l’âge. Toutes mes amitiés à vous deux. »
Son arrivée à Montauban, où il décida de passer sa retraite, constituait un retour au pays, après un parcours atypique. Devenu inspecteur, le hasard le plaça dans la circonscription de Louis. A titre professionnel, il le rencontra en diverses occasions et l’inspecta même. Louis a été directeur d’école sous son «règne». Le maître-mot de sa philosophie : la convivialité. En arrivant dans son secteur, il s’étonna de l’absence de machines à café dans les écoles non qu’il ait des intérêts dans la production de la petite graine, mais pour lui, autour d’un café, on pouvait mieux se parler. Un collègue avait gagné un voyage de quatre jours, avec Euromarché, sur son temps de travail. L’inspecteur accorda un congé en suggérant à la personne de ne pas se mettre en vue sur la photo de groupe. Pédagogiquement, il venait d’une circonscription où il avait mis en place un journal d’enseignants qui manifestait un grand sens du dialogue. Pour parler de Marcel Maurières Louis va cependant s’éloigner des questions scolaires car il l’aida surtout à devenir historien. Communiste, dès son arrivée il décida de créer une commission « histoire » dans la fédération du PCF. Quel travail abattu ! Comme Bernard Souloumiac, Marcel Maurières allie toujours la fermeté des opinions et la souplesse du dialogue. En 1980, c’était le soixantième anniversaire de la création du PCF et, après ce premier prétexte, la commission décida de poursuivre ses efforts et engrangea quelques succès. Le PCF n’était pas lié à la réalité car il ne tirait pas mieux les leçons de ses succès que de ses échecs ! La commission d’histoire produisit un livre d’histoire locale sur la Résistance en Tarn-et-Garonne qui s’épuisa assez vite, à la surprise générale, sans en déduire que la démarche entreprise avait une valeur politique globale. Cette démarche Marcel Maurières en fut l’équilibriste. Elle devait naviguer entre le dogme et le réel. Dans la commission, Pierre Juge était le dogme qui n’aurait jamais pu se lancer dans un tel travail, et Louis posait le réel sur la table, à savoir les sujets qui fâchent. Avoir des convictions et être dogmatique sont deux choses totalement différentes. En guise de convictions, le dogmatique a des croyances. La conviction repose sur un argumentaire et la croyance refuse tout argumentaire. La conviction conduit au respect des autres convictions et la croyance à l’excommunication des autres croyants. Le dogmatisme du PCF n’avait rien d’original : il reflétait une tendance générale des hommes vers cette posture plus facile que la conviction. Choisir la facilité est une démarche naturelle de tout un chacun.
Louis ne cesse de se dire que la crise du PCF fut le gaspillage le plus fou de l’histoire française. Tant de joies jetées aux orties ! Tant de compétences suscitées puis enterrées. Tant de sédiments emportés par le vent. Tant de pages aussitôt écrites, aussitôt oubliées. Marcel appartient à la famille des infatigables, une famille qui puise où la force d’exister ? Dans l’idée toute simple que l’ignorance conduit à l’esclavage et que l’esclavage n’a rien d’humain. Donc il faut produire du savoir et un savoir actif et non pas deux fois bloqué : par le dogme et par l’oubli.
Louis, je sais qu’au même moment tu découvres Jacques Rancière, un philosophe qui vient de publier un livre de chroniques tenues dans un journal du Brésil. J’imagine sans mal le bonheur d’un débat autour de cette citation : «Le pieuse pensée qui veut utiliser la connaissance du passé pour garantir l’avenir en est peut-être restée au temps des princes et des précepteurs qui leur enseignaient les exemples à imiter pour gouverner les peuples et gagner les batailles. »