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Vie de La Brochure
11 novembre 2020

Vazquez Montalban en Franc-Tireur et Partisan

montalban

Dans un bilan politique précédent à partir du dernier Pepe Carcalho, Milenio je concluais ainsi :

«Nous vivons une époque où la promesse d’un futur radieux a fait place à celle d’un futur désespérant. Sauf pour les kamikazes. Avec cette obsession d’une culpabilité générale qui fait de la vie au présent un calvaire. Sauf pour les millionnaires. Il n’y a plus de futur, plus de présent et encore moins de passé. Il ne reste rien sauf les diverses formes de chirurgie esthétique pour sauver les apparences. L’ultime révolution possible consiste donc à déchirer les apparences.»

1 ) Les réponses sont perdues, il nous reste les questions

Vazquez Montalban a cru au communisme, il s’est trouvé bien au milieu de cette famille, cette communion des saints mais au cours es années 80 le constat est amer : cette réponse au capitalisme a échoué. Certains ont toujours refusé ce constat et se sont repliés dans leur forteresses même pas assiégées, d’autres ont déserté car sans l’imaginaire perdu ils se sont sentis nus. Manolo n’a pas cessé de rappeler que les questions demeurent et qu’il reste non pas à inventer un autre imaginaire mais à déchirer les apparences. Mais comment ?

 2 ) Le peuple préfère les réponses aux questions

L’imaginaire perdu reposait sur un peuple inventé par les intellectuels : la classe ouvrière, le prolétariat, à différencier du lumpenprolétariat.

Vazquez Montalban aurait pu rester un poète incompris ou même entrer dans la grande famille des poètes maudits grâce à son style subnomal. Il a préféré sur un coup de dé, passer à l’écriture de romans policiers ! Oui il a cherché le succès et il l’a obtenu. Une trahison ? Une obsession plutôt : les réponses sont toujours du côté du peuple or les intellectuels qui avaient apporté l’imaginaire révolutionnaire, les vérités absolues, ne peuvent plus le faire. Doivent-ils pour autant baisser les bras ? Non, ils peuvent faire leur part dans la lutte sociale mais leur part, sans plus. Ils ne sont plus messianiques car l’heure n’est pas à la quête d’un messie. Bref Vazquez Montalban sera du côté du peuple dans les stades.

 3 ) L’identité n’est pas le contraire de l’universalité

Question symbolique dans la recherche d’une autre voie vers la lutte sociale. Sur ce point comme sur d’autres Manolo a été confronté très tôt aux thèmes cruciaux de l’histoire sociale d’où que l’on peut apporter à ses réponses. La Catalogne est-elle une nation ? Oui et il faut lutte en faveur de l’identité catalane mais ne pas tomber dans la xénophobie. J’a envie de dire que l’identité est un besoin populaire et l’universalité une démarche intellectuelle. Au nom de le la grandeur de l’universel des intellectuels vont cracher sur le peuple qui aime le foot et au nom de l’identité d’autres vont cracher sur la prétention à l’universel. La reconstruction d’un projet émancipateur passe par l’équilibre des stratégies.

 4 ) D’où la place de l’ironie comme réponse

Face au slogan massif et solide, il n’y a pas d’alternative, une des réponses pour le déstabiliser tient dans le sourire ironique cher à Manolo. Mais là encore il y a ironie et ironie ! « La vérité sans ironie est un dogme, et l’ironie sans vérité est frivole.». Nous revenons à cette question de la vérité qui si elle est toujours partielle n’en est pas moins une vérité. Il a fallu longtemps pour découvrir que la terre est ronde et longtemps aussi pour comprendre qu’elle n’est pas pour autant au centre du monde !

Comment ne pas relire aujourd’hui, avec passion ce constat montalbanien de 1992 :

«Je crois qu’à chaque moment les formes culturelles seront de plus en plus ironiques parce qu’on va passer par de longues périodes pendant lesquelles les déroutes de la raison vont être flagrantes et constantes et je pense en ce moment même à une foule de faits : la réapparition de la xénophobie, les religions s’activant une fois de plus, les spiritualismes de diverse nature, les intégrismes de toutes sortes et les catéchismes absolument pour tout.»

 5 ) La bataille de l’information

En France on le sait moins mais sa vie durant MVM fut un journaliste si bien qu’en Espagne il existe à présent un prix international de journalisme Vazquez Montalban. En fait deux prix : un pour la culture et la politique et l’autre pour le journalisme sportif. En 2019 après une interruption depuis 2014 il a été attribué à Leila Guerriero (Junín, 17  février 1967) une journaliste argentine (je note en passant qu’il ne faut pas confondre precio et premio). Vous pouvez ire ici en espagnol, un long article qui est comme un roman.

La bataille de l’information fut le premier livre de MVM et son ultime obsession. Mais, et je boucle la boucle, cette bataille fut aussi bien celle de Jaurès créant L’Humanité, sauf qu’il ne peut être question de propagande même si l’adversaire est devenu champion en propagande !

 6 ) Vazquez Montalban en Franc-Tireur et Partisan

Vazquez Montalban a fait tout ce qui n’état pas recommandable de faire :

a)    Il a écrit des polars quand il n’était pas de bon ton d’écrire des polars

b)   Il a continué d’afficher son engagement politique quand il était de bon ton de montrer son désengagement.

c)    Il a écrit sur la mémoire historique quand il était de bon ton d‘oublier.

d)   Il a déplu autant à ses amis (meurtre au comité central) qu’à ses ennemis

Il a pourtant reçu des Prix (il s’en est moqué dans le roman El Premio) car son succès populaire a été incontestable. Les francs-tireurs sont légions à travers le monde mais à ce jour ils n’ont pas réussi à créer une Internationale ! Manolo av     ait commencé le travail, Saramago l’avait continué, Leonardo Padura en est le fleuron actuel avec Paco Ignacio Taibo II, ou Salman Rushdie. Franc-tireur, voici la réponse aux questions qui sont toujours là.

Jean-Paul Damaggio

P.S. Ces réflexions sont le produit de la lecture du livre en image et dont l'introduction est accessible gratuitement sur internet  (en espagnol)

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