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Vie de La Brochure
2 janvier 2021

L’arrestation du communard Paschal Grousset

Grousset

Il m’est arrivé plusieurs fois d’évoquer sur ce blog le natif de Grisolles, Paschal Grousset. Les Editions La Brochure ont même réédité un texte de ce communard exemplaire. JP D.

 5 juin 1871 CAPTURE DE PASCHAL GROUSSET

 Le Figaro, les détails relatifs à l’arrestation de Paschal Grousset.

Depuis cinq ou six jours on soupçonnait fortement que Paschal Grousset, l'ex-délégué aux relations extérieures, devait être caché dans la rue Condorcet. Il y a trois jours ces soupçons se changèrent en quasi-certitude ; on allait dans le quartier jusqu'à dire qu’il venait chaque matin déjeuner chez une demoiselle Hacard, avec laquelle il entretenait depuis sept ans environ des relations intimes et qui loge, 39, rue Condorcet.

Hier donc, à une heure et demie de l'après-midi, M. Duret, commissaire de police, accompagné de deux agents de la sûreté et d'un serrurier, se présentait au quatrième étage de cette maison. Il avait été prévenu que deux femmes y étaient logées, mais que l'une d'elles venait de sortir; c'était Mlle Hacard, qui était allée acheter quelques journaux.

Après un coup de sonnette, auquel il ne fut fait aucune réponse, M. Duret fit enfoncer la porte, et vit d'abord une femme qui lui tournait le dos. Cette femme, pourvue en apparence d'une abondance chevelure noire, ou plutôt, d'un chignon énorme attaché au sommet de la tête, était en jupon noir et en camisole.

— Vous êtes Paschal Grousset, s'écria l'agent de l'autorité en saisissant le bras de cette femme et en la forçant de se retourner.

Grousset, car c'était bien lui, n'essaya ni de nier, ni de faite la moindre résistance ; il avoua son nom et se déclara homme de lettres et membre de la Commune.

Puis il demanda à reprendre ses vêtements masculins. Ce qui lui fut accordé, et la perquisition commença immédiatement.

 Tout d'abord Grousset resta parfaitement impassible, se vantant qu'on n'eût jamais mis la main sur ses papiers, et se flattant qu'il en serait toujours ainsi.

Mais lorsqu'on eut donné l'ordre de fouiller le ciel de lit, il se troubla et pâlit.

— Vous avez la cachette, s'écria-t-il.

On saisit en effet une liasse énorme de documents, dont l'étude sera probablement intéressante pour l'histoire des relations extérieures pendant la Commune.

Après un premier interrogatoire assez sommaire chez le commissaire de police, Grousset fut dirigé vers la mairie du IXe arrondissement.

Il avait demandé la permission de fumer un cigare, plaisir dont il était privé depuis dix jours environ qu'il était déguisé en femme.

C'est en effet le 23 qu'on a cessé d'entendre parler de lui, et tout porte à croire que c'est depuis ce jour-là qu'il s'est réfugié chez la demoiselle Hacard.

Mademoiselle Hacard est une fort jolie brune de 24 ans environ, de taille moyenne, d'un extérieur modeste, qui ne manque pas d'une certaine distinction.

Elle paraît fort attachée à Grousset, qu'elle devait épouser avant peu; elle a fait tout ce qu'elle a pu pour le sauver et s'est dite prête à donner sa vie pour lui.

Un de ses grands soucis, hier, a été de savoir si on l'avait conduit à pied; elle redoutait pour lui la longueur de la route, et surtout les fureurs de la foule.

Sous ce dernier rapport, ses craintes n'étaient pas exagérées.

En effet, à peine arrivé à la mairie Drouot, Grousset fut reconnu et immédiatement salué des cris :

— A mort, l'assassin ! à mort, l'incendiaire ! qu'il aille à pied !

Un peloton de troupe fût chargé d'escorter la voiture qui le renfermait, mais il ne put contenir la fureur des assaillants ; on s'efforçait d'approcher de lui, on lui montrait le poing et on essayait de le frapper.

Plusieurs fois déjà, M. Duret s'était mis à la portière pour inviter la foule à respecter son prisonnier.

— Prenez patience, disait-il, justice sera faite, mais mon honneur de magistrat est engagé à ce que je remette Paschal Grousset vivant entre les mains de la justice.

On l'écoutait d'abord avec déférence, mais bientôt les clameurs reprenaient violemment, et il est probable que justice aurait été faite sur l'heure, si le cortège n'avait rencontré M. le général Pradier, qui s'enquit des causes de tout ce bruit. Il prit aussitôt indifféremment tous les officiers et soldats qu'il trouvait sur la route et en fit une escorte assez imposante pour dompter le torrent.

 On se dirigea vers le Palais de l'Industrie par les boulevards et la rue Royale.

Au point où les décombres s'amoncellent à l'entrée du faubourg Saint-honoré, la fureur de la foule redoubla avec plus de violence que jamais.

— Regarde, misérable, ce que tu as fait ! A mort l'incendiaire ; qu'on le fusille sur les ruines des maisons qu'il a brûlées !

— Cette foule est féroce, dit Paschal Grousset.

— Il faut être philosophe, lui dit M. Duret; il y a une quinzaine de jours, si l'on m'eût saisi, j'aurais pu être à votre place et vous à la mienne, qui sait alors si vous m'eussiez sauvé des fureurs de tout ce monde.

Cependant la voiture avançait lentement. Grousset ne pouvait comprendre, disait-il, qu'on pût le confondre avec les iconoclastes du Louvre et des Tuileries, lui homme de lettres, lui artiste.

Après un trajet long et souvent interrompu, le cortège fit enfin son entrée au palais de l'Industrie, siège de la grande prévôté militaire, d'où Paschal Grousset a été dirigé le soir même sur Versailles.

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