L’usine de Castelsarrasin rendait malade (1923)

Il a fallu ce fait divers parisien pour évoquer une maladie qui a dû faire beaucoup plus de dégats que sur Jean-Aimé Crémoux. JPD

 La Dépêche 30 avril 1923

FAITS DIVERS : UNE VICTIME DE LA GUERRE

Un manœuvre des Ferronneries du Midi, M. Jean-Aimé Crémoux, âgé de 48 ans, demeurant 52, rue des Blanchers, qui avait été envoyé, pendant la guerre, aux usines de Castelsarrasin, en était revenu avec un empoisonnement du sang par le cuivre. Sa santé avait toujours été précaire depuis lors et fréquemment il devait interrompre son travail.

La mort d'un de ses fils, décédé il y a deux ans, à l'âge de 14 ans, acheva de lui enlever l'énergie qui pouvait lui rester et, hier matin, à neuf heures, dans un accès de neurasthénie, il tentait de mettre fin à ses jours en se coupant la gorge avec un rasoir. Il ne réussit qu'à se faire, à la partie médiane et antérieure du cou, une blessure, certes, vaste et profonde, de quinze centimètres de long sur trois de large, intéressant les tissus cutanés et sous-cutanés, mais s'arrêtant au niveau de la région laryngo-pharyngienne et ne paraissant heureusement pas devoir mettre, ses jours en danger.

Sa fille entrant, vers neuf heures du matin, dans sa chambre, s'approcha de son lit et, sans lui avouer tout d'abord sa tentative, il la chargea d'aller chercher un voisin, prétextant qu'il s'était blessé. L'enfant vit alors sur une chaise un rasoir rempli de sang et comprit ce qui s'était passé. Le père ne put s'empêcher de dire : Je souffrais trop, j'avais trop de chagrin.

M. le commissaire Marie, prévenu, se transporta en toute hâte au domicile du désespéré, en compagnie du docteur Frézières, qui donna à M. Crémeux les premiers soins et conseilla son transport à l'Hôtel-Dieu, où, grâce à la diligence du commissaire du quatrième arrondissement, il arrivait peu après, dans la camionnette automobile de la police.