Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
6 avril 2021

Qui était le footballeur Garrincha ?

Garrincha

Voici un court texte d’Eduardo Galeano pour aider à faire connaître cet écrivain. L'histoire a retenu Pelé ou Maradona. Garrincha aussi c'est l'histoire du Brésil. Pour une présentation plus classique : ICI. J-P Damaggio

 GARRINCHA

Un de ses nombreux frères l'avait baptisé Garrincha, ce qui est le nom d'un petit oiseau inutile et laid. Quand il commença à jouer au football, les médecins voulurent l'écarter : ils diagnostiquèrent que cet anormal, ce pauvre résidu de la faim et de la polio, ignorant et boiteux, avec un cerveau d'enfant, une colonne vertébrale en « s » et deux jambes tordues du même côté ne serait jamais un sportif.

Jamais il n'y eut d'ailier droit comme lui. Au Mondial 1958, il fut le meilleur à son poste. Au Mondial 1962, le meilleur joueur du tournoi. Mais tout au long des années qu'il passa dans les stades, Garrincha fut davantage : il fut l'homme qui donna le plus de joie aux spectateurs de toute l'histoire du football.

Quand il était là, le terrain de jeu était une piste de cirque; le ballon, un animal dressé; le match, une invitation à faire la fête. Garrincha ne se laissait jamais prendre la balle — enfant qui protège sa mascotte —, et la balle et lui faisaient des diableries qui faisaient mourir de rire le public : il sautait sur elle, elle bondissait sur lui, elle se cachait, il s'échappait, elle le poursuivait. Sur son chemin, ses adversaires se rentraient dedans, s'emmêlaient les jambes, avaient le tournis, tombaient sur les fesses. Garrincha exerçait ses espiègleries de fripon au bord du terrain, sur l'aile droite, loin du centre: élevé dans les faubourgs, il jouait dans les faubourgs. Il jouait pour un club appelé Botafogo, ce qui signifie «allume-feu», et c'était bien ce qu'il était : l'allume-feu qui incendiait les stades, fou d'eau-de-feu et de tout ce qui brûlait, lui qui fuyait les foules, en s'échappant par la fenêtre, parce que des lointains faubourgs l'appelaient une balle qui demandait à être jouée, une musique qui exigeait d'être dansée, une femme qui voulait être embrassée.

Un gagnant ? Un perdant avec de la chance. Et la chance ne dure pas. On dit bien, au Brésil, que si la merde avait de la valeur, les pauvres naîtraient sans cul.

Garrincha mourut de sa mort : pauvre, ivrogne et seul.

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 023 719
Publicité