Le vote Mélenchon de 2017 et le FN
(Cet article est une réponse à un commentaire de Gérard que je reprends à la fin)
Dès 1984, anticommunisme aidant, le score du FN a été mal interprété par un effet de la réalité : au moment où le vote PCF s’effondre celui du FN devient fort donc ce serait l’électorat communiste qui a fait le bonheur du FN ! Les communistes ont levé les bras au ciel de leur antifascisme, et on est passé à la suite. Or je vis dans un département très peu communiste et le plus FN de la région ! Inversement dans le département le plus communiste (les Hautes-Pyrénées) le vote FN était presque le plus faible. Je dis presque car il était le plus faible dans le département le plus à droite, l’Aveyron. Oui, une part de la droite a été un barrage plus fiable que la gauche à la montée du FN. Une anomalie de 1984 ? Il se trouve que le même phénomène dure depuis 30 ans ! Sauf que petit à petit il y a eu des glissements d’autres électorats vers le FN.
Mais alors d’où venait le vote FN des Européennes de 1984 ? Pour l’essentiel des abstentionnistes car pour cette deuxième élection européenne Le Pen avait compris qu’il allait mobiliser : pour une fois il y avait des postes de députés à gagner vu que c’est la proportionnelle. Oui le courant d’extrême-droite est très ancien en France comme ailleurs mais il est toujours très difficile à cristalliser car il est comme tout électorat, très divers. Jusque là je peux être d’accord avec Gérard
Faisons maintenant le grand saut en 2017.
Il se trouve que j’ai croisé Gérard chez les Alternatifs dont une partie s’est fondue dans Ensemble ! mouvement auquel il est resté fidèle mais, malgré le soutien majoritaire de ce parti à Mélenchon en 2017, Gérard a affiché, comme aujourd’hui, son rejet de Mélenchon.
Mon parcours a été différent puisqu’en 2017 j’ai participé pleinement à la vie de LFI mais, je l’ai répété, sans admiration aucune pour Mélenchon.
J’ai apprécié la naissance d’un mouvement dont j’ai vérifié qu’il avait mobilisé à 80% des personnes extérieures à la politique même si ma circonscription a pu être particulière.
1 la nation
« le discours nationaliste de Mélenchon ne pouvait que favoriser Le Pen » ?
Fidèle à son modèle Mitterrand, Mélenchon termine toujours ses campagnes à Toulouse et au meeting voilà que devant, pas l’ombre d’un drapeau LFI mais seulement le drapeau tricolore. Des amis ont en effet trouvé le geste exagéré. Pas moi car il correspondait à la stratégie LFI : oui à la nation face à l’Europe d’où le plan B face à Bruxelles (thème abandonné). Alors ? Contre le discours nationaliste la gauche aurait du garder le discours national ! Et oui la gauche ne doit en aucun cas laisser le drapeau tricolore à l’extrême droite…. Et cette question va au-delà du symbole.
2 la laïcité
Les deux thèmes se tiennent et sur ce point le FN a mis du temps à le comprendre mais au fur et à mesure de cet autre abandon de la gauche (y compris le PCF) il s’est emparé de la laïcité pour mieux habiller son refus des musulmans.
Je prône un discours laïque contre le laïcisme du FN mais là aussi Mélenchon s’est rangé derrière les bon sentiments de la fausse gauche. La laïcité serait française preuve des caractéristiques locales de notre nation or la laïcité comme le système métrique est à vocation universelle… et ce n’est pas là un propos colonial !
3 la sécurité
Encore un thème profondément populaire laissé à l’extrême-droite car la police serait une plaie de nos sociétés… La sécurité sociale n’est pas qu’une question de santé…
Voilà trois thèmes en mesure de capter l’électorat FN si la diversité de cet électorat est prise en compte ce que Mélenchon a toujours refusé d’analyser. Sa position de 2017 était juste opportuniste comme l’éco-socialisme, la créolisation etc.
Gérard aime les analyses électorales de Roger Martelli un historien que je connais depuis 1977 qui s’est toujours vu en conseiller du prince, ce qui signifie qu’il étudie, mais qu’ensuite il tire les conclusions justifiant sa ligne politique d’union de la gauche (il a gardé du PCF cette idée connue : « j’ai toujours raison »). Donc après l’éclatante victoire de Mélenchon il a écrit un article : « Mélenchon 2017 le populisme ou la gauche ». Et en 2019 nous avons eu la réponse : la gauche et non le méchant populisme !
Sauf que l’alternative était bien différente dans la réalité : Mélenchon a cru qu’après avoir éliminé le PS il allait éliminer le PCF, et il a cru qu’après avoir lancé un mouvement il pouvait lui aussi l’éliminer ! Je ne lui reproche pas d’avoir changé de stratégie mais la méthode par laquelle il a changé. Il ne cesse de vouloir donner le pouvoir aux citoyens sans donner seulement le titre de membre de son organisation à ses sympathisants. Ce n’est même pas pyramidal car dans une pyramide il y a une base c’est juste autocratique. De ce point de vue le FN est pyramidal, il a une base et je l’ai pris au sérieux dès le départ quand j’ai découvert dès 1986 qu’il était capable de présenter des candidats aux cantonales presque partout avec certes des scores minables mais il était là. La vérité de LFI a sauté aux yeux aux élections départementales par son absence totale. Le FN existe en dehors des médias (nous verrons pour Reconquête) alors qu’en s’alignant sur l’union de la gauche Mélenchon s’est aligné sur les médias qui crient toujours contre le méchant populisme. Il suffit de voir le poids dans les médias du journal de Martelli Regards qui pourtant ne représente rien. L’ Humanité devrait être au moins aussi présente…
Venons-en à la question du jour :
Qu’a fait l’électorat Mélenchon au second tour de la présidentielle de 2017 ?
Les sympathisants ont été consultés et partagés en trois : un tiers pour l’abstention, un tiers pour le vote blanc, un tiers pour le vote Macron (je schématise). L’éventualité du vote Marine n’était pas une option.
Oui mais dans l’électorat ? C’est 30% en moyenne qui a voté Marine ! C’est une étude…. de Roger Martelli !
Je ne dis pas que Mélenchon a pris 30% à l’électorat FN mais que suivant l’enquête de l’IFOP 3% des votants JLM avaient votés Marine en 2012. Dans les deux cas il ne s’agit pas de sondages mais d’enquêtes à la sortie des urnes : dans un cas on étudie une intention et dans l’autre une réalisation.
Donc 3% c’est peu mais une élection se joue avec très peu d’autant que ce sont 3% des électeurs FN de 2012 mais ils auraient été plus nombreux sans doute par rapport à 2017.
J’ai envie de noter que les abstentionnistes les plus forts en 2017 furent de très loin les sympathisants EELV 34%. Comme ils seront très nombreux en 2022 les soutiens du Mélenchon de 2017.
Bref, je suis d’accord avec Gérard « La réalité est que le pourcentage d'électeurs FN venant de la gauche n'excède pas 20% » Pour lui ce n’est presque rien et pour moi c’est beaucoup ! On le voit dans les législatives, quand au second tour il y a un candidat de droite et un de gauche trois comportements apparaissent, le blanc et abstention ; le vote pour la droite ; le vote pour la gauche.
Preuve que l’électorat FN n’est pas le diable.
La stratégie Mélenchon 2022 en considérant qu’au premier tour il lui faut rassembler la gauche a un effet pire qu’en 2017. Il suscite la colère des autres forces de gauche, ce qui avait été nettement moins le cas en 2017 même si Mélenchon et le PCF n’ont pas pu gérer correctement l’étape législative. Et tout comme Jospin accusa – à juste titre – Taubira de l’avoir fait échouer, Mélenchon accusera Roussel de l’avoir fait échouer sauf que le PCF est une entité toujours là.
La création de LFI aurait pu inaugurer une autre forme de politique et une autre stratégie mais c’est perdu, et dans les faits que peut-on observer : en Allemagne Die Linke (premier modèle de Mélenchon) s’est effondré, au Portugal (deuxième modèle de Mélenchon) le Bloc de Gauche s’est effondré, en Espagne Podemos qui a fini par s’unir avec Izquiera Unida (comme si le PCF et LFI étaient unis) gouverne avec le PSOE et est en train de s’effondrer.
En 1984 la France a révélé au monde que l’union de la gauche faisait le bonheur de la social-démocratie et qu’en même temps l’extrême-droite pouvait s’imposer dans le débat électoral ! En 30 ans plutôt que d’insulter l’extrême-droite la gauche aurait pu beaucoup apprendre d’elle pour mieux la combattre. Mais encore en 2022 c’est totalement raté, avec une gauche qui décide de taper sur Zemmour… pour le bonheur de Marine ! J-P Damaggio
Le message de Gérard :
"Encore une fois, je m'inscris en faux contre l'affirmation selon laquelle Mélenchon a su capter une partie de l'électorat FN en 2017. L'électorat de Mélenchon, il y a 5 ans provenait exclusivement de la gauche. Au contraire, le discours nationaliste de Mélenchon ne pouvait que favoriser Le Pen. Toutes les études (y compris mes analyses des élections locales depuis des années) montrent que l'électorat de Le Pen est un électorat de droite radicalisé. Le fait que des ouvriers (et des syndicalistes de tout bord, y compris à SUD) votent Le Pen n'infirme en rien cette analyse car il y a toujours eu un vote ouvrier de droite. Le vote Le Pen est un vote de périphérie et la gauche ne s'intéresse pas aux électeurs périphériques. Là est l'enjeu que Roussel semble avoir compris mais qui ne lui apporte pas grand chose. Par contre, au second tour, les électeurs lepénistes votent à gauche dans une proportion de 20% (surtout si le candidat est PCF voire LFI)"