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Vie de La Brochure
22 août 2022

Bilan Vallejo

Vendredi suite

Est-ce la crémation de l’ami Patrick qui m’incite à ce bilan ? Je ne sais mais c’est ainsi. De 1967 à 2017 j’ai croisé de manière épisodique César Vallejo mais depuis je conduis une enquête de plus en plus méthodique qui peut fatiguer les lecteurs de ce blog. Pour écrire un livre ? Je ne sais mais le numéro de novembre 2017 de la revue Europe constitue en lui-même un mystère à déchiffrer. Pas par la couverture où la photo de Vallejo est la plus classique qui soit (trop classique peut-être, trop universelle ?) mais par l’annonce de  la présence de Jean Cassou. A ce moment là je ne savais strictement rien sur Jean Cassou et je n’ai pas prêté attention à cet écrivain sauf que, part la suite, je l’ai croisé (d'où une catégorie à son nom sur ce blog) et alors je me suis souvenu qu’il était présent sur la revue Europe sans que la dite revue ne m’alerte sur le lien profond qui unissait les deux écrivains !

Cassou avait un pied en France et l’autre en Espagne quand l’émigré Vallejo avait un pied en Espagne et l’autre en France. Dès 1925 Vallejo réfugié en France bénéficiait, grâce à un ami, d’une bourse en Espagne, qu’il devait aller chercher tous les six mois. Avec Cassou ils se sont retrouvés à la création d’une revue Hispano-américaine à Paris, en langue espagnole.

Cassou a rédigé un article sur cette amitié en 1969, pour une revue péruvienne, article dont je connais l’existence mais pas le contenu, et la revue Europe n’a pas eue la bonne idée de le récupérer. Or je sais maintenant qu’il doit être précieux car les deux hommes furent des communistes identiques car profondément communistes et profondément critiques ce qui pour tous les religieux du communisme n’était pas admissible. Vallejo fut sa vie durant passionné par Dieu… et si peu par la religion.

La religion c’est pour appartenir à une communauté, à une communion, sauf qu’elle peut devenir une prison. Cassou a pu beaucoup penser à Vallejo quand, comme lui, il se retrouva en prison, et, pour survivre, se mit à y écrire des poèmes. Leur drame fut simple : comment être seul et universel ? Attention, les deux hommes eurent beaucoup d’amis, ils cultivèrent des amitiés, sauf qu’à l’heure d’écrire ils étaient seuls et presque seuls contre tous ! Ils avaient la conviction que leur authenticité devant la page blanche les portait jusqu’à l’universel car ils partaient du sol pour devenir géants, quand les porteurs d’un universalisme abstrait partaient du ciel... et y restaient. Vallejo l’affirmera à un moment : son engagement politique pour le communisme ne l’empêcha pas de rester lui-même. Vallejo n’a pas vécu aussi longtemps que Cassou et n’a pas pu devenir un pestiféré parmi les siens.

Mais ce bilan peut-il se limiter aux liens avec Cassou, liens dont je connais à peine la nature ? Ajoutons en passant que Cassou fut lié à Tzara et que Vallejo travailla main dans la main avec Tzara. Non bien sûr, n'en restons pas à Cassou donc passons au point suivant.

Au départ, je ne comprenais rien aux poésies de Vallejo or depuis 2017 j’ai mesuré que ses poésies nécessitaient plusieurs lectures. Pas les fables de La Fontaine tout aussi universelles que l'art de Vallejo mais une fable est-ce une poésie ? Aujourd’hui quand un poème débute par « Oh ! les quatre murs de la cellule,» je comprends la référence à la prison : lire de telles poésies suppose une grande connaissance de tant d'éléments. Et j'ai la sensation que depuis les années 1967 un livre nouveau est publié chaque année pour décortiquer Vallejo, un colloque aussi, et son épouse n'est pas oubliée comme j'ai essayé de le rappeler. J’exagère un peu quand j’écris que je ne comprenais rien car en fait j’ai commencé surtout par ses poèmes sur l’Espagne et là je pouvais mieux suivre. D’ailleurs à titre de bilan je donne à présent mon poème préféré plus que jamais de saison :

 

Prends garde, Espagne, à ta propre Espagne !

Prends garde à la faucille sans le marteau,

prends garde au marteau sans la faucille !

Prends garde à la victime malgré elle,

au bourreau malgré lui

et à l’indifférent malgré lui !

Prends garde à celui qui, avant que ne chante le coq,

pourrait te renier trois fois,

et à celui qui t’a renié, ensuite, trois fois !

Prends garde aux crânes sans leurs tibias,

et aux tibias sans leurs crânes !

Prends garde aux nouveaux puissants !

Prends garde à qui mange tes cadavres,

à qui dévore morts tes vivants !

Prends garde au loyal cent pour cent !

Prends garde au ciel en deçà de l'air

et prends garde à l’air au-delà du ciel !

Prends garde à ceux qui t’aiment !

Prends garde à tes héros !

Prends garde à tes morts !

Prends garde à la République!

Prends garde au futur... !

 

J’ajoute en illustration l’ultime signature de Vallejo sur un journal, Vendredi du 16 juillet 1937, où avec d’autres intellectuels ils signent pour la République espagnole. Il est frappant de constater juste à côté de la sienne, celle de l’ami de toujours le Chilien Vicente Huidobro, puis un peu après, celle de Pablo Neruda, et pour finir celle de Malraux à côté d’Anna Seghers. Le texte fut signé le 6 juillet 1937 à Valence.

J-P Damaggio

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