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Vie de La Brochure
8 janvier 2023

Finale du Championnat de France de rugby 1934

15 mai 1934

Petit retour vers le rugby au moment de cette finale basque ! Aujourd'hui encore Biarritz et Bayonne brillent dans le monde du rugby et un ami me disait que contrairement à Bordeaux-Bègles qui ont fusionné, jamais Bayonne et Biartz ne feront de même. Bayonne ne serait pas assez basque ? Toujours est-il, en 1934, cette finale signe la marginalisation du rugby des grandes villes. Le compte-rendu du Miroir des Sports est un chef d'oeuvre du genre et il donne au-delà du rubgy, une image de l'époque. JP Damaggio. 

 

 

 

APRÈS VINGT ET UN ANS D'ÉCLIPSE, L'AVIRON BAYONNAIS REDEVIENT CHAMPION DE FRANCE DE RUGBY EN BATTANT, PAR 13 POINTS A 8, LE BIARRITZ OLYMPIQUE

[DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL]

Toulouse, dimanche.

L'ÉQUIPE du dernier quart d'heure, l'Aviron Bayonnais, vient d'arracher à la force du poignet, la victoire sur le Biarritz Olympique et par là même, le titre suprême de champion de France de rugby. Rarement finale de rugby fut aussi angoissante, aussi dramatique et il faut remonter au match Quillan-Lézignan en 1929 pour trouver une rencontre aussi prenante, aussi passionnante. On se souvient que l'équipe lézignanaise, qui menait par 8 à 0, fut finalement remontée et battue 11 à 8.

Aujourd'hui, match analogue avec les fougueux Bayonnais qui jouaient toujours, prenaient la direction des opérations, avaient le plus souvent la balle, se la passaient à droite, à gauche, tâtaient du coup de pied à suivre ou du drop goal, mais se heurtaient à un mur infranchissable. Et les Biarrots ne se contentaient pas de briser les assauts des joueurs bayonnais, il ne leur suffisait pas d'écarter le péril par de longs coups de pied, ils contre-attaquaient, résolument, ramassant toutes les balles qui roulaient à terre, organisant à leur tour des attaques à la main, parfaitement conduites, donnant à la longue l'impression qu'ils pouvaient l'emporter, si Bayonne ne réussissait pas à donner un autre mordant, une autre efficacité à son jeu. Et cette impression prit corps quand, quelques minutes avant la mi-temps, le trois-quarts centre Guilhou marquait à l'improviste un essai sur un coup de pied tombé, ajusté par Haget. Au nez et à la barbe des défenseurs bayonnais qui ne s'étaient pas repliés avec vigueur, Guilhou plongeait sur le ballon et cet exploit donnait l'avance par 5 à 0 à l'équipe Biarrotte.

C'est alors que, sous la ferme direction de l'arbitre bordelais, Abel Martin, commença la partie la plus émouvante du match. Une lourde angoisse étreignait les 25.000 spectateurs écrasés par le soleil dans les tribunes du stade des Ponts-Jumeaux. Chacun était saisi par la beauté et la grandeur du duel engagé entre ces deux équipes basques et, jusqu'à la fin, c'est dans une ambiance de fièvre, d'enthousiasme, comme on n'en trouve qu'à Toulouse, que se poursuivit le débat. Cette foule-record de 25.000 spectateurs vibrait intensément, s'agitait fiévreusement et tous ces spectateurs, en toilettes claires et même en manches de chemise, faisaient de larges ondulations autour du terrain de jeu. Quelques Biarrots applaudissaient joyeusement en voyant les leurs mener par 5 à 0, puis, après un but Bayonnais suivi d'un essai de l'ailler Cussac, cette avance de Biarritz devenait, 8 à 3 et une Chorale Basque, habillée de chemises blanches et de tuniques rouges, lança fièrement des échos de victoire dans l'air surchauffé. Mais n'était-ce point là confiance excessive, car bientôt une attaque de toute la ligne Bayonnaise, renforcée par l'arrière Lespitaou aboutissait à un débordement par l'aile de Vigneau et ce dernier, près de marquer, recentrait à Zabaletta, qui ajoutait ainsi trois points au tableau bayonnais.

L'avantage biarrot se traduisait donc par 8 à 6. Etait-ce donc tout de même la victoire biarrotte ?

Il ne restait que huit minutes à jouer et le titre de champion de France allait-il couronner les efforts des équipiers rouge et blanc qui, depuis le début luttaient avec tant d'opiniâtreté contre les assauts répétés des joueurs bayonnais ? Haletante, la foule ne perdait pas un geste du demi de mêlée Cunibert, tentant de s'évader hors de la portée des avants biarrots, elle observait avec émotion les dispositions prises par les centres et l'arrière bayonnais. Où les joueurs bleu et blanc allaient-ils porter leur effort ? A la mêlée, au centre, aux ailes ? et chacun observait le rideau défensif, vigilant des Biarrots, quand d'un coup de pied mal ajusté du gauche, le demi d'ouverture bayonnais Ellissalde réussissait, on ne sait comment, un drop goal. Ce fut aussitôt une explosion d'enthousiasme, de délire chez la foule, elle applaudissait, non seulement l'exploit, non seulement ce coup de pied qui nous avait paru mal assuré, mais décidait, toutefois, de la victoire, mais encore ce retour de fortune, quasi inespéré dans les minutes ultimes du match. Et, du coup, la victoire changeait de camp, le combat changeait d'âme. L'Aviron Bayonnais prenait l'avance par 10 à 8, et c'en était fini du Biarritz Olympique.

Dans les cinq dernières minutes du match, les joueurs Biarrots n'offrirent plus qu'une pâle résistance comme le firent huit jours auparavant, sur ce même terrain, devant ces mêmes adversaires, dans les mêmes conditions, les joueurs du Rugby Club de Toulon. A huit jours d'intervalle, le même drame se déroulait dans les circonstances encore plus extraordinaires, devant un public encore plus vibrant, sous un soleil encore plus chaud. A la force du poignet, au prix d'une tenace persévérance, à force de courage et de volonté, les joueurs bayonnais avaient fini par imposer leur loi. Comment, dans les cinq dernières minutes du match, le score ne s'aggrava-t-il pas d'une quinzaine de points au lieu des trois marqués par l'avant Dauga ? C'est ce que seuls peuvent expliquer les maladresses étonnantes des Bayonnais, jouant pourtant sans aucune opposition, mais encore une fois, cette fin n'avait plus de signification : la pièce s'était jouée dans l'exploit d'Ellissalde et c'est dans son drop goal que le drame avait trouvé son dénouement. Ainsi par 13 à 8, l'Aviron Bayonnais gagnait la finale du championnat. A vingt et un ans d'intervalle, la fameuse équipe basque se parait, à nouveau, du titre glorieux de champion de France.

On épiloguera longtemps sur cette émouvante finale, on pourra discuter des considérations qui influèrent sur le choix du terrain, mais en dépit du match de rugby à treize de Pau, qui retint nombre de fervents en la cité béarnaise, la journée d'aujourd'hui a été un triomphe pour le rugby, et ce n'est décidément pas à Toulouse que l'on pourra prétendre que le rugby se meurt. 25.000 spectateurs et 200.000 francs de recette, tel est le bilan du succès populaire de la finale du championnat. Au point de vue strictement technique, le match fut-il de grande envergure ? Nous ne serons pas aussi affirmatifs, car si la rencontre valut par son étonnante ambiance, sous un ciel lumineusement bleu, dans un cadre de verdure d'une grande richesse de tons, il parut bien que la qualité même du rugby ne fut pas étincelante. Les joueurs vont, viennent, courent, sprintent, plaquent, mais rares sont ceux qui jouent suivant une tactique bien déterminée et avec un but immédiat. Certains spectateurs toulousains, dont on connaît le sens critique particulièrement avisé, disaient :

— C'est l'équipe qui courra le plus longtemps qui gagnera.

Sans souscrire à ce qu'il peut y avoir d'excessif dans cette appréciation, il est juste de convenir que les deux équipes pratiquèrent un jeu, où la part était faite trop belle et trop grande au hasard. Ce ne sont plus des considérations d'ordre technique qui interviennent souvent, ce sont les conditions athlétiques des équipiers qui jouent le rôle important.

Chez les Bayonnais ce style très prenant, très agréable du continuel déplacement, manquait chez certains, de mordant. Vigneau n'est, évidemment, pas à critiquer sur ce point, pas plus que Celhay, car chaque fois que l'un ou l'autre des deux ailiers possède la balle, un mouvement agressif est entrepris. Vigneau aura encore été l'une des grandes vedettes de l'équipe et sa joie ne doit pas être mince d'enlever, à dix-neuf ans et demi, ce titre de champion de France, que vingt et un ans auparavant avait enlevé son père, grand « as » de l'équipe bayonnaise de 1913. Les demis furent plus entreprenants que de coutume, Ellissalde fut l'auteur du drop goal qui renversait la situation. L'arrière Lespitaou, incertain au début, fut par la suite adroit et précis. H n'a sans doute pas le sens de la meilleure place à occuper en défense, mais il est vrai qu'en retour il appuya quelques attaques avec beaucoup de jugement. Il est dommage, pourtant, que les attaquants bayonnais ne fixent pas davantage la défense adverse, qw a ainsi tout le temps de se replier. Chez les avants, Garin fut le plus mobile et le plus empressé à déjouer les combinaisons adverses et toute la ligne fit, du reste, preuve d'une folle activité. Un spécialiste, Ainciart, lui valait au reste une supériorité au talonnage. En définitive, une équipé bien homogène, remarquablement entraînée, en parfaite condition athlétique et qui a enfin réussi à faire triompher un style consacré par la grande équipe de 1913.

Dans le « quinze » de Biarritz Olympique, qui frisa de peu la victoire, Haget, par ses coups de pied adroits, par ses interventions toujours heureuses, par ses initiatives, fut le pivot de la formation. Il fut bien secondé par le trois quarts centre Guilhou, perçant, avisé, par Cluchague, qui manqua de bien peu de mener à bien une trouée, toute en puissance et décision. Et toute la ligne d'avants, où le chauve Lefort se signalait aux touches avec le jeune Portet, international à venir, résista longtemps à l'assaut.

Match d'une parfaite correction, animé, qui aura mis à l'honneur le rugby de la Côte Basque.

MARCEL DE LABORDERIE.

 

Aviron Bayonnais : Lespitaou ; Vigneau, Théodoly, Zabaletta, Celhay ; Ellissalde, Cunibert : Garin, Brouzeng, Arotça, Lecha, Chirles, Haitce, Ainciart, Dauga.

Biarritz Olympique : Sallenave ; Cluchague, Guilhou, Haget, Cussac ; Rumeau, Laborde ; Portet. Lafourcade. Lascarray, Ithurralt, Lefort. Guinée, Mouillian, Daguerre.

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