La révolution n’est plus ce qu’elle était
Pendant des siècles les révoltes et révolutions étaient portées par les forces de liberté contre celles de la soumission. En conséquence les révoltes étaient matées par la répression et quand la révolution marquait quelques points en accédant au pouvoir central, aussitôt une contre-révolution se mettait en chantier. Ceci étant, même battues, les révoltes et les révolutions ne pouvaient être totalement effacées.
Le bilan du livre de Tilly, les révolutions européennes 1492-1992 a de quoi surprendre. Très clairement le plus grand nombre de situations révolutionnaires s’est produit de 1642 à 1691 dans toute l’Europe et très clairement aussi la péninsule ibérique avec les Balkans-Hongrie sont largement en tête géographiquement.
Le tableau final est la synthèse des chapitres où chaque élément est mesuré avec minutie et bien sûr Tilly le précise : une situation révolutionnaire en France, le pays le plus crucial pendant longtemps a forcément plus de poids global qu’une révolution au Pays-Bas. Les 7 ans de la Russie de 1892 à 1941 pèsent plus que les 36 de la péninsule ibérique pour la même période.
Le tableau donne le quantitatif et non le qualitatif.
Avec pour le final des questions cruciales : la chute de l’URSS est-elle une révolution ?
Le chapitre sur la Russie est fondamental. La chute de l’URSS est « l’effondrement d’une révolution ». Sauf que j’aurais préféré que le cas Polonais soit au cœur de la réflexion. Car les révoltes en Pologne dès les années 1970 sont clairement des révoltes populaires et au-delà de la Pologne elles sont bien au cœur de la chute de l’URSS.
Il faudrait pouvoir mettre cette étude en lien avec la même concernant les Amériques avec la première donnant naissance aux USA.
Face cette histoire longue, à partir de la fin du XXème siècle les révolutions furent mises en œuvre… par les forces dominantes. Et j’emploie le mot révolution là où généralement il fallait employer celui de contre-révolution, mais en face les forces de liberté étant absentes car ailleurs, elles n’avancent pas une révolution. Les forces de liberté continuaient une histoire passée quand les forces dominantes changeaient toute la société. L’homme nouveau cher au communiste devenait l’objectif des forces capitalistes ! L’utopie était chez Hayek.
Ce renversement symbolisé par Reagan-Komeiny est réellement populaire. Avec ce constat : le chah d’Iran est parti se réfugier aux USA, quand dernièrement le maître de la Syrie est parti se réfugier… en Russie.
Quand je regarde l’histoire que j’ai vécue, les révolutions n’ont jamais manqué à l’appel. A Cuba puis au Nicaragua. A Téhéran puis en Afrique du Sud avec la victoire de Mandela. Comme fait majeur, la révolution populaire en Tunisie : un prof de philo était dans la foule le jour de la chute de Ben Ali à Tunis et nous téléphona : « on a notre 14 juillet ». A la télé française un homme jeta une douche froide sur l’enthousiasme ambiant : Albert Memmi. Il se réjouissait de la chute de Ben Ali mais craignait le pire pour la suite. Pourquoi avait-il raison ? Une réponse est souvent entendue : Hitler a été élu et les peuples peuvent donc se tromper. Aux dernières élections organisées par Hitler il a eu 33% seulement. Ce sont les forces adverses qui ne surent pas construire une alternative.
Aujourd’hui la situation est largement différentes sauf sur un point le forces de liberté ne cessent de faire des cadeaux à leurs adversaires.
Mais que signifie « forces de liberté » ? Un philosophe vient de se pencher sur les rapports entre liberté positive et liberté négative car en effet la liberté peut être négative. Je renvoie sur ce point à Isaiah Berlin.
La révolution conservatrice va pouvoir se répéter, s’élargir, se renforcer, tant qu’une contre-révolution démocratique n’est pas mise en œuvre après avoir revu tous ses fondamentaux. Les rapports à la religion. Hier le protestantisme a joué pour la liberté et aujourd’hui les religions jouent pour la soumission. La révolution soviétique a fait fausse route sur ce point dès le départ. Les rapports à l’économie etc.
Jean-Paul Damaggio