Lucienne Baudé fut instit à Mouillac
J’étais à la banque aujourd’hui et en attendant mon tour j’ai pu lire La Dépêche où un article ne pouvait qu’attirer mon attention. JPD
Photo la belle-fille avec deux petits-enfants et deux arrières-petits enfants.
La Dépêche 24 avril
Ils étaient près d’une centaine mercredi 23 avril devant la nouvelle plaque qui décore la mairie de Mouillac dans le Tarn-et-Garonne. Une plaque qui rend hommage à Lucienne Baudé une institutrice et résistante de la seconde Guerre Mondiale. Pour l’occasion, ses descendants reviennent sur les souvenirs et l’héritage laissés par la native du Gers.
À l’extrémité du Tarn-et-Garonne, la discrète commune de Mouillac, peuplée d’une centaine d’habitants, était l’épicentre du département ce mercredi 23 avril. De nombreux élus et institutionnels se sont rassemblés autour de la nouvelle plaque apposée à la mairie. Elle rend hommage à Lucienne Baudé, une figure locale de la Résistance et de l’enseignement : "Elle a étudié à Montauban, mais c’est dans le Gers qu’elle était institutrice à ses débuts", raconte Anne-Sophie Molinié, sa petite-fille.
Mathias et Elie, les deux arrière-petits-enfants, se sont dits "émus et fiers" d’avoir lu le journal du maquis d’Ornano, pour perpétuer la mémoire de leur ancêtre.
Après une cérémonie empreinte d’émotions, durant laquelle les arrière-petits-fils ont notamment lu le journal du maquis d’Ornano, une dame âgée s’approche. Elle interpelle les cinq membres de la famille, venus de Paris ou de Lyon pour assister à l’hommage envers leur ancêtre. De son sac, elle sort une photo en noir et blanc : "Regardez, c’était mon enseignante !", indique fièrement Jeannine Garrabet. La retraitée se souvient parfaitement de son année 1953-1954 dans la classe de Lucienne Baudé : "C’était une femme formidable, d’une telle simplicité qu’elle arrivait parfois en tablier à l’école. Tout le monde disait que c’était le bon Dieu. En revanche, il ne fallait pas la déranger", glisse-t-elle.
Une femme dévouée
Effectivement, bien que ses petits-enfants, qui ne l’ont connue qu’une poignée d’années, parlent d’une femme réservée, l’institutrice cachait un caractère bien trempé. C’est d’ailleurs parce qu’elle a refusé de se plier aux règles qu’elle a atterri dans le Tarn-et-Garonne : "Dans le Gers, elle avait eu des difficultés avec un représentant de la mairie venu la voir. Il n’y avait pas les affiches attendues dans sa classe, et elle avait expliqué qu’elle n’en voulait pas." Punie par les administrations, elle fut exilée le plus loin possible de son Gers natal, au nord-est du Tarn-et-Garonne.
Des échanges précieux ont eu lieu à la suite de la cérémonie. Ici une ancienne élève discute avec Anne-Sophie et Elie, appartenant à la famille de Lucienne.Des échanges précieux ont eu lieu à la suite de la cérémonie. Ici une ancienne élève discute avec Anne-Sophie et Elie, appartenant à la famille de Lucienne. DDM - KC
C’est ainsi qu’elle est arrivée à Mouillac, où elle n’a cessé de se dévouer à ses élèves : "Elle leur apportait beaucoup d’aide par exemple s’ils avaient besoin d’un cartable, elle les accompagnait", confie Annie Molinié, sa belle-fille. Parallèlement, elle a joué un rôle essentiel dans le maquis d’Ornano : "Elle protégeait les maquisards, servait de boîte aux lettres, et était liée à l’Armée secrète. En plus d’abriter des résistants blessés, elle cachait des armes et facilitait les liaisons entre ceux qui cherchaient à rejoindre la Résistance", poursuit la descendante de celle qui était surnommée "SIM".
Décédée il y a 41 ans, cette femme au courage honorable a souvent été dans l’ombre de l’Histoire. La cérémonie de ce jour lui rend la place qu’elle mérite : "Elle a été un peu oubliée, par rapport aux hommes du maquis. Donc ce n’est que justice aujourd’hui qu’on lui rend hommage", glisse encore sa belle-fille. Pierre, son petit-fils est ému à la suite des divers hommages rendus : "On a plein de gens qui ont des souvenirs. On a l’impression qu’on redécouvre aujourd’hui à quel point cette femme a eu un rôle important, et qu’elle incarne des valeurs auxquelles tout le monde croit".
L’enseignement et l’Histoire en héritage
Bien que non-résidente du département, sa famille garde un lien indissociable avec le Tarn-et-Garonne. Mais l’ancrage territorial n’est pas le seul héritage qu’a laissé Lucienne Baudé : "La maison où nous passions nos vacances était remplie de livres, de manuels, de cartes… On sentait que c’était un endroit où le savoir se transmettait. Et finalement, mon père est devenu prof, il s’est marié avec une prof, et nous sommes profs tous les deux", sourit Pierre Molinié en pointant sa sœur Anne-Sophie.
Au-delà de l’enseignement, la native de Montesquiou (32) a transmis un véritable amour de l’Histoire, nourri par son propre parcours : "Mémi, notre grand-mère, avait cette passion. On nous a toujours raconté les souvenirs de la Seconde Guerre mondiale… Le fait d’être enracinés dans un moment fort de l’Histoire française, ça nous a marqués."
Cet amour a ensuite irrigué les générations suivantes. De la belle-mère, spécialiste de l’histoire de l’Espagne du XVIe siècle, jusqu’à l’arrière-petit-fils actuellement en études d’Histoire, tous ont été touchés par ce goût de la transmission. Au cours de sa vie, Lucienne Baudé n’a jamais cherché la lumière, mais son parcours, fait de courage et de transmission, rayonne aujourd’hui bien au-delà des frontières de Mouillac.