1990 : opinion sur le FN et le fascisme
En rangeant mes vieux dossiers je retrouve cette lettre de 1990 à Politis où je conteste l’attribution du nom « fasciste » au FN. Je pourrais l'écrire à l'identique aujourd'hui. Le débat n’a fait que s’amplifier au fur et à mesure que «l’extrême-droite» s’est développée dans le monde, dans la foulée de l’émergence du FN en France. J’ai fini par écrire un livre à ce sujet.
Au départ j’ai été un promoteur et défenseur de Politis car il s’appuyait sur une expérience double : Bernard Langlois /Michel Naudy, deux journalistes à l’histoire différente qui se retrouvaient. Comme souvent, quand il y a deux chefs, l’un est de trop et c’est Michel Naudy qui s’est fait viré. J’ai envoyé un mot de protestation et j‘ai eu droit à une lettre d’insulte manuscrite de Bernard Langlois. Michel Naudy, né le 2 juillet 1952 à Oloron-Sainte-Marie et mort suicidé le 2 décembre 2012 à Ascou dans l'Ariège, est un journaliste et homme politique français que j'ai tant lu avec joie ! Dans le livre j'ai évoqué le cas Politis face au FN.
Je connais très bien l'arguments donné' en boucle depuis 1990 pour expliquer que le FN est fasciste : des fondateurs le furent. Il a eu beau être répété sans cesse depuis quarante ans pour effrayer, il n’a jamais fait reculer son score électoral.
L’accusation de fascisme a un inconvénient majeur : elle masque la révolution opérée dans le capitalisme autour des années 1980 qui, depuis, est à la source de nouvelles formes d’«extrême-droite». Ce succès du FN (souvent réduit à de l’éphémère par la gauche) prouve qu’il est erroné de plaquer l’histoire des années 30 sur celle d’aujourd’hui (ce qui ne signifie pas qu'il ne faut pas en tenir compte).
Il est plus précieux d’analyser la dite révolution conservatrice que d’exécuter le FN d’un mot. Pour l’anecdote je précise qu’en 1992, ayant contribué à la naissance de «Gauche 92 » pour les élections régionales de cette année là, nous avons été traîné devant les tribunaux par la candidate FN, plainte qui fut classée sans suite. Refuser de dire que le FN est fasciste ce n'est pas refuser de le combattre, au contraire ! Depuis 1990 nous avons d’autres cas dans le monde et celui de Melloni en Italie, qui elle aussi a témoigné de ses liens avec Mussolini, au pouvoir aujourd’hui, met en place le fascisme ? Non. Elle comme le FN et d’autres, ont su capter les oppositions à l’histoire nouvelle, même si leurs solutions, d’un point de vue démocratique, ne changent pas le sens de l’histoire.
Il reste un problème : comment dans ces conditions qualifier ce courant ? Je mets des guillemets à «extrême-droite» faute de mieux. Souvent le mot « populiste » est servi à toutes les sauces. Pour « extrême-droite » c’est faire référence aux schémas politiques d’avant 1980.
On fête en ce moment les 80 ans de la Sécurité sociale conquête géniale de 1945, un modèle pour le monde, mais on célèbre en évitant deux éléments.
Un militant CGT-PTT de 1950 a suivi la consigne : "ne pas s’inscrire à une mutuelle car prochainement la Sécu va tout couvrir". Quand il est tombé malade il s’en est mordu les doigts. Les Mutuelles sont devenues des éléments classiques du système capitaliste. Je le vérifie tous les jours avec ma chère MGEN.
De plus la Sécu a aidé à la construction d’une industrie pharmaceutique qui, en France, trouve son bonheur (tout en plaçant une part de la production ailleurs). La révolution conservatrice a consisté, sur bien des points, à doubler la gauche… sur sa gauche (d’où le titre de révolution). Voilà pourquoi droite et gauche sont devenues deux formes d’adaptation au système. Je pourrais évoquer la mondialisation etc.
Le chemin sera long pour sortir du piège et désigner avec des mots appropriés les forces politiques actuelles. Peut-être faut-il demander à l’IA ? J-P Damaggio