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Vie de La Brochure
2 octobre 2025

Le décès de Georges Vigne

Le décès de Georges Vigne

Beaucoup se souviennent du travail colossal, à Montauban, de Georges Vigne, en faveur de l’œuvre d’Ingres ou de Marcel Lenoir (d’où l’illustration choisie). Son décès devrait permettre de faire le bilan général de son œuvre. Pour Ingres je rêve toujours d’une étude critique englobant le cas de Jules Momméja. Pour aujourd’hui je m’en tiens à cette étude du livre majeur du Georges Vigne (je ne suis pas responsable de la perte, dans l’article, du s à Georges). JPD

Revue de l'Art, 1996, n°112. pp. 76-77

Georges Vigne Dessins Ingres Catalogue raisonné des dessins du musée de Montauban Paris Galli mard-Réunion des Musées nationaux 1995 852p. 820 ill et bl. 87 ill coul Ingres Paris Editions Citadelles et Mazenod coll Les Phares 1995 351 p. 97 ill et bl. 191

Le dessin reste fondamentalement un art caché au grand public. Cataloguer les dessins d’un artiste ou une collection œuvres sur papier remet à la lumière des trésors inconnus et peut parfois produire une véritable révélation. C’est certainement le cas avec le nouveau catalogue des dessins Ingres du Musée de Montauban rédigé par son nouveau conservateur en chef Georges Vigne. Cet ouvrage attendu depuis trop longtemps comble un vide majeur de l’historiographie et sera désormais indispensable à qui voudra approcher l’œuvre d’Ingres. Il étudie un peu plus de 4500 dessins tous reproduits dans des photographies en noir et blanc très intelligemment disposées (les proportions originales des dessins entre eux ayant été pratiquement respectées). L’ordre retenu suit, par sujets, l’académique hiérarchie des genres. Environ 180 compositions sont ainsi définies, des tableaux et des décorations murales aux aquarelles et aux gravures. Il est aussi tenu pleinement compte de catégories de dessins beaucoup moins étudiées, illustrations de livres, projets de compositions abandonnées, croquis de voyage, dessins érotiques ou copies d’étude. George Vigne qui s’est amplement appuyé sur les travaux pour la plupart non publiés, d’un de ses prédécesseurs au musée de Montauban, Daniel Ternois, a rendu à l’amateur et au chercheur un service essentiel, non seulement en réorganisant cette masse de dessins et en la diffusant par la photographie, mais aussi en transcrivant les nombreuses annotations d’Ingres lui-même, une écriture difficile et une orthographe souvent approximative.

Le principal caractère de la collection de Montauban est qu’elle est pour l’essentiel constituée de dessins de travail, dont l’objet est avant tout fonctionnel. Dans leur franchise parfois brutale, témoignage capital de l’artiste au travail, ils diffèrent évidemment dans leur aspect et leur portée de ceux sur lesquels se fonde habituellement notre appréciation d’Ingres dessinateur : élégants portraits études de figures et méticuleuses aquarelles. Toutefois quel qu’ait été leur caractère privé, la décision d’Ingres de les léguer sa ville natale révèle de sa part la volonté de partager avec la postérité les secrets de son atelier. C’est ce que démontre déjà la campagne photographique qu’il mit en œuvre avec Marville (et dont le but final demeure obscur), utilisant pour ce faire aussi bien son propre fonds que celui de son ami Gatteaux et son marchand Haro.

L’ouvrage de George Vigne outre qu’il permet de mieux apprécier un aspect bien connu de l’artiste, son perfectionnisme qui le poussait à reprendre interminablement quelques formes, présente le grand intérêt de souligner l’attention qu’Ingres portait aux aspects matériels du dessin. Papier et technique étaient choisis en fonction de l’objet recherché, ce dont 87 planches en couleurs permettent de mieux se rendre compte. On notera aussi la présence d’un index des filigranes. Cela n’en rend que plus surprenant que l’auteur n’ait pas précisé plus attentivement les supports dans ses notices, s’en tenant à «papier» ou «papier calque» et qu’il en ait été de même pour les différents types de crayon ou encre utilisés par Ingres. De telles informations sont essentielles dès lors qu’il agit de déterminer les relations entre tel ou tel groupe de dessins, surtout lorsqu’ils ne peuvent être physiquement mis côte à côte. Il est un autre regret, causé par absence d’un essai introductif qui aurait étudié de manière approfondie la méthode de travail d’Ingres d’après ses dessins. Cette interprétation synthétique manque malheureusement au catalogue Elle aurait pourtant permis de mieux cerner Ingres dessinateur et son rapport avec Ingres peintre.

Il en va de même dans la monographie que George Vigne vient également de consacrer à l’artiste (pour être juste il convient toutefois de signaler son étude technique beaucoup plus consistante dans le catalogue de l’exposition il ritorno a Roma di Monsieur Ingres disegni pitture Rome villa Medécis 1993). Cette monographie richement illustrée inclut des peintures récemment redécouvertes tel l’exquis portrait de Caroline Murat de 1814 et des œuvres rarement reproduites comme les vitraux de la Chapelle Saint-Ferdinand à Paris. Mais le livre offre en fait peu d’interprétations nouvelles. L’auteur suit ainsi traditionnellement un développement chronologique mêlant les apports bien intégrés de l’érudition aux remarques critiques contemporaines du peintre (citant libéralement les textes d’époque). C’est encore la direction générale de l’œuvre que l’on suit le mieux et on saisit très bien où Ingres fit porter ses efforts aux différents stades de sa carrière (ont d’ailleurs été transcrites et annotées en appendice les pages tirées de ses carnets où il dressa lui-même l’inventaire de ses œuvres). Ce survol de la production d’Ingres est ailleurs d’essence moderne en privilégiant des œuvres longtemps tenues pour marginales. L’illustration le démontre aisément : des dessins peu connus y voisinent avec des esquisses à l’huile et des études qui démontrent l’intérêt d’Ingres pour la reprise de sujets particuliers (on y reconnaîtra la marque de la dernière exposition consacrée à Ingres qui a apporté des conceptions vraiment neuves : In Pursuit of Perfection The Art of J.-A.-D Ingres Louisville et Fort Worth 1983-1984 dont le catalogue est dû à Patricia Condon). George Vigne de ce point de vue est parfaitement au fait des développements récents de l’historiographie critique mais de façon purement passive. Il refuse, à l’évidence, de s’engager dans les débats récents et ne cite d’ailleurs même pas les travaux étrangers qui ont renouvelé l’interprétation, et parfois déterminé la réévaluation d’œuvres qu’il met pourtant en exergue. Citons entre autres les monographies de Robert Rosenblum (1967 rééd en 1990) et de John Whiteley (1981), les travaux plus spécialisés d’Ed Munhall sur La Comtesse Haussonville (1985-1986) et de Ste Germer sur la peinture murale en France au XIXe siècle (1988), pour ne rien dire d’ouvrages interprétatifs aussi importants que ceux de Ch Rosen et Zerner ou de Bryson (1984). Il en va de même de nombreux articles par exemple, entre autres, C. Duncan, A.Rifkin, A. Boime, C. Ockman et A. Solomon-Godeau. Pour un livre qui se veut malgré tout savant, ignorer ce point l’érudition étrangère récente est un défaut majeur, encore plus lorsque l’ouvrage en question fait partie d’un projet érudit d’envergure basé à Montauban : un lieu qui a toujours largement accueilli et recherché les contacts internationaux. Susan Siegfried

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