De Gaulle, le référendum et le Royaume désuni
La décision du peuple britannique ramène, à juste titre, le général de Gaulle dans les discussions.
Le référendum
Il a été une invention que la Révolution française n’a pas pu mettre en œuvre et qu’ensuite les empereurs changèrent en plébiscite. La Troisième république s’en méfia, comme la Quatrième. De Gaulle en 1945 pendant le court temps où il a eu le pouvoir, le mit à l’honneur et la Cinquième République en fit grand usage si bien que certains reprochèrent au Général « un pouvoir personnel » sauf que plus que quiconque, il se montra très républicain quand, en 1969, il démissionna suite à l’échec d’un référendum qui, avec le temps, s’est révélé crucial.
Après la France, bien des pays ont utilisé et utilisent le référendum dans des conditions très différentes.
A ceux qui y voient une tentative de lien direct entre un chef et son peuple (la version gaullienne) je réponds par le cas italien où le référendum était tout autre chose (il instaure le droit au divorce, la fin du nucléaire…), avant que les autorités, pour le court-circuiter, ne décident, pour le rendre valide, que plus de 50% d’électeurs participent.
Aucune forme politique n’est la panacée démocratique car tout dépend des conditions de sa mise en œuvre. Et les conditions tiennent fondamentalement aux rapports entre pouvoir économique et pouvoir politique.
Le référendum britannique vient de relancer la désunion de la Grande Bretagne qui n’a jamais été uni, pour assurer la domination sur le pays du pouvoir économique. Le centralisme français a eu ses raisons internes mais peut-être tout autant le refus du système anglais, afin d’avoir un pouvoir politique fort face aux puissances financières. La Révolution française a eu sa propre logique avec la double référence anglo-saxonne : la révolution anglaise de 1689 et la révolution aux USA. Depuis les années 80, ces deux ères géographiques toujours puissantes, ont produit le néo-libéralisme.
Dans cette histoire revenons-en au référendum crucial de 1969 en France.
Face au centralisme, De Gaulle a voulu introduire une part de régionalisation.
Face à la montée du pouvoir économique il a voulu faire coup double : en finir avec le Sénat et créer une institution économique et sociale.
La victoire du Non s’est transformée… en instauration d’une régionalisation et en création du Conseil économique et social ! Mais avec le maintien du Sénat toujours aussi réactionnaire et plus que jamais inutile !
Le Royaume désuni
Contrairement à une idée admise je ne pense pas que le néo-libéralisme soit une domination de l’économique sur le politique. Y compris Reagan, du temps de son pouvoir, n’a jamais cessé de renforcer le pouvoir politique des USA. Nous avons plutôt assisté à une démission des politiques. Et la construction européenne a été le cheval de trois de cette démission, puisqu’il s’est surtout agi de construire un territoire économique plus que politique.
Dès le départ, vu leur philosophie politique les Anglais auraient dû être enthousiasmé par cette domination du marché, à moins que sachant les dangers de cette domination, ils se soient méfiés de sa dimension européenne !
Bref, depuis trente ans les politiques n’ont jamais cessé de renforcer leur pouvoir tout en disant qu’ils avaient moins de pouvoir ! Un double discours très évident du point de vue fiscal : on a assisté à une augmentation constante des recettes fiscales de l’Etat… au nom d’une baisse des impôts. Il faut comprendre : augmentation des impôts indirects (masquée), et baisse des impôts directs (rabâchée) ! Je reviens d’Equateur où sous prétexte d’un tremblement de terre la TVA est passée de 12 à 14%. Si ce principe avait été adopté depuis des décennies vu le nombre de tremblements de terre, la TVA de ce pays devrait être à 100% (pour la justice il a été rappelé que les produits de première nécessité ne sont pas taxés) .
Si demain le Royaume est désuni (L’Ecosse devenant indépendante et entrant dans l’Europe) c’est que le pouvoir économique aura pris le dessus sur le pouvoir politique avec ou sans le consentement populaire.
Et l’Europe dans tout ça ?
Faut-il sortir de la crise par une Europe enfin politique ? C’est le rêve permanent des dirigeants italiens mais avec le Mouvement 5 étoiles qui confirme sa permanence loin du simple coup de colère, même dans la péninsule l’enthousiasme européen est en berne.
Sans aller vers plus de politique faut-il aller vers moins d’économique ? La commission de Bruxelles serait dans le collimateur mais que penser de notre Conseil économique et social ?
Au niveau régional chaque assemblée plénière doit commencer par une intervention du président du Conseil économique et social régional (CESER) qui donne la direction à suivre. Par ma lutte contre le tout LGV j’ai pu vérifier que si le CESER n’a pas un pouvoir équivalent à celui de la Commission de Bruxelles, dans la pratique les deux institutions se ressemblent. Pire le CESER travaille dans l’ombre, et de ce fait, ne reçoit presque jamais aucune critique. Syndiqué, il m’est arrivé de demander à mes représentants un compte-rendu de mandat (au CESER siègent les représentants des syndicats entre autres) sans la moindre réponse. C’est pour le syndicat une source de revenu et c’est déjà bien !
Le CESER est la manifestation la plus concrète de la démission des politiques… qui paient pour ça !
Conclusion
Je doute que par l’appel au peuple on puisse trouver les solutions capables de construire un rapport démocratique entre pouvoir politique et pouvoir économique et j’en doute tout autant par l’appel à une constituante tant qu’on ne fera pas des propositions révolutionnaires.
Entre le système soviétique du politique exerçant TOUT le pouvoir sur l’économique et le système dominant actuel où le politique se couche devant l’économique comment créer en France, en Europe et dans le monde un système alliant esprit d’initiative et justice sociale ? Le cœur de l’édifice passe par diverses approches : fiscale d’abord, médiatique (qui a le pouvoir sur les médias), sociale (le pouvoir des travailleurs) en sachant que tout équilibre est instable, mouvant et donc le fruit d’une lutte permanente. La démocratie sera toujours, par définition, inachevée sans jamais pouvoir se réduire à un adjectif du genre démocratie participative. J-P Damaggio