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Vie de La Brochure
29 septembre 2020

Dinguirard professeur à l’E.N. de Montauban

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Quand, à la rentrée 1968, je suis entré à  l’E.N. de Montauban, j’ai eu la sensation d’entrer dans une vieille histoire. Et tous les profs symbolisaient cette antiquité, avec le prof d’histoire qui prendra sa retraite un an après, le prof de gym qui était une figure à lui tout seul, le prof de sciences nat qui semblait avoir toujours été là etc. Seul le prof de maths était nouveau mais nous savions que c’était dû au fait que la femme du directeur qui exerçait cette fonction, était devenue très malade. Dans ce contexte, le prof de français M. Dinguirard, qui avait sa salle un peu à l’écart, après le bureau du directeur, me semblait aussi une institution.

En apprenant grâce à un lecteur du blog qu’en 1966 il était l’auteur du discours de distribution des prix au CES de Valence d’Agen, j’ai été très surpris. Il n'était arrivé à l'EN qu'en même temps que moi ! Et à lire ce discours j’ai cru le retrouver devant moi !

Dès les premières lignes il allie comme à son habitude, l’ordinaire et l’érudition, une fin d’année et Léonard de Vinci ! Pour lui, il ne pouvait y avoir d’un côté un simple fumeur de cigarette et de l’autre la grande culture.

Je ne dis pas qu’il était insensible à la hiérarchie (ça je ne sais pas) mais il ne cherchait pas à hiérarchiser. Il faudrait que je me souvienne de sa façon de rendre les rédactions. Certains profs aimaient bien utiliser la cérémonie de l’ordre des notes (de la meilleure à la plus mauvaise ou l'inverse). Lui je ne suis pas sûr mais par contre je suis incapable de dire s’il y avait en classe de bons élèves et des mauvais. J'étais totalement mauvais en français (et des profs me le faisaient sentir) et j’étais devenu un élève comme les autres. Ni bon, ni mauvais mais actif.

Le discours est à son image sur un autre point qui rejoint le précédent : le lien entre travail et le loisir. Donc les vacances face à Virgile !

Pour le Français de modèle courant, le loisir est une absence de travail quand en face le latin définit le travail comme absence de repos.

M. Dinguirard enseignant classique voulait déplacer les frontières établies. Il enseignait toujours assis comme le prof d’histoire ou d’espagnol quand le prof de philo enseignait toujours debout, tout comme les profs de maths, physique ou sciences naturelles. Il ne paraissait être ni l’homme du travail ni l’homme du loisir. Toujours paisible il était peut-être l’homme de la méditation. Il avait élevé la tranquillité au rang de vertu comme il le dit pour des Romains !

On retrouve cette façon de déplacer les frontières quand il déclare : « mais qui se soucie de prendre un humoriste au sérieux » ? Et les élèves auraient pu répondre : M. Dinguirard. Il avait un humour toujours discret.

Quant aux «idées couramment admises mais irrémédiablement fausses » il va en développer quelques-unes dont j’aurais aimé voir les effets sur la tête des présents dans la salle, ses collègues, les officiels, les parents, les enfants. Je pense que les enfants furent sans doute les plus réceptifs s’ils arrivèrent à suivre le propos complexe mais cependant très pédagogique.

Ecoutez plutôt : « Toujours l’homme a été exploité par l’homme, et ce sont les exploiteurs, malins, qui ont presque persuadé les exploités que le travail était noble et saint. De cet habile effort de propagande sont nées toutes les inégalités sociales… »

Un révolutionnaire M. Dinguirard ? Peut-être à sa façon mais là n’est pas la question.

Je ne cherche pas à commenter son discours mais à le confronter aux souvenirs du professeur que j’avais devant moi. Quand il dit : « Ce qui fait la grandeur de l’homme c’est son esprit. » ça me rappelle les nombreuses fois où j’étais d’accord avec lui. Et j’en suis encore là quand aujourd’hui ceux là même qui glorifiait le travail pour faire travailler les autres, viennent dénigrer la pensée humaine source de tous les maux de la terre ! Je suis un écolo dans le sens où l’homme peut penser l’écologie mais pas dans le sens où les animaux seraient des écolos naturels !

Quant à sa note féministe en 1966, je peux en témoigner, elle n’était pas un artifice de langage, un propos de tribune ou pire une envie de provoquer une salle de machistes, elle était le fruit d’une pensée solide déjà en 1966 !

Et enfin cette frontière encore déplacée : « le vrai paresseux, celui qui aime plus que tout ne rien faire, de par son caractère est amené à travailler sans arrêt. » Il travaille à chercher le moyen pour ne pas travailler.

Ceci étant il y avait un peu de naïveté volontaire ou involontaire dans son discours. Je pense à ceux qui se creusent la cervelle pour vendre de la drogue à une jeunesse sans boussole. Mais c’est vrai, en 1966 nous étions loin de cette question. J-P Damaggio

P.S. J'apprends à l'instant avec Wikipédia, son lien avec l'OULIPO, dont une des figures orne le premier message du blog pour cette année !

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