D’une insurrection à l’autre : de1851 à 1871
En 1971 j’avais presque vingt ans, j’ai eu le bac et mon destin était tracé : je serai instituteur et communiste. La France fêtait le centenaire de la Commune et j’en ai quelques traces dans ma bibliothèque. Ma passion de l’histoire aurait dû me conduire vers l’étude minutieuse de la Commune figure tutélaire du communisme de France et d’ailleurs or, sans doute par hasard si le hasard existe, je n’ai jamais cessé d’étudier minutieusement l’insurrection oubliée de 1851. Encore aujourd’hui je viens de vende mes deux derniers exemplaires du 2 décembre vu de Sauveterre en Rouergue !
Preuve de cet écart entre les deux question : j’ai lu et relu à la loupe le livre de Marx sur Le 18 brumaire de Louis Bonaparte et si peu le livre de Marx sur La Guerre civile en France ! on peut le télécharger gratuitement dans la version courte). Ci-contre la version longue.
Si ma position est paradoxale celle du rapport général à Marx l’est tout autant car Le 18 brumaire est nettement plus connu que La Guerre civile en France alors que tout aurait du faire de ce dernier livre le best-seller de l’histoire de France pour les communistes !
Il m’est arrivé de me plonger, par un livre, sur le cas de Marx au sujet de son écrit sur Bolivar, un écrit qui n’est pas du goût du marxisme classique. Et j’ai alors la sensation que ma vie durant j’ai suivi les pas de l’école buissonnière pour emprunter les chemins peu orthodoxes.
Le communisme international comme national a transformé la pensée de Marx en marxisme en conséquence ce que dit Marx de la Commune de Paris ne correspond pas à la vulgate fixée par les Autorités. Heureusement le monde communiste a produit, par quelques historiens honnêtes, des travaux précieux dont le livre des Editions sociales sur la dite Guerre civile en France avec toutes les hésitations de Marx sur le sujet. De jeunes lecteurs s’il y en a, ne peuvent savoir ce que signifie Editions sociales, car il est aujourd’hui difficile de comprendre que le PCF a été aussi un éditeur puissant.
Donc le livre La guerre civile en France est devenu un gros livre de 350 pages sans qu’on sache cependant nommément qui a mis au point cette édition ! La Note d’introduction est signée : Les éditeurs.
Mais revenons au sujet : quels rapports entre 1851 et 1871 ?
En étudiant 1851 j’ai croisé le nom d’un insurgé qui avait 16 ans à Montauban, Léon Cladel, et mon ami Fabrice Michaux a rassemblé dans un livre les écrits de cet artiste sur la période 1870-1871 qui lui valurent d’ailleurs quelques mois de prison !
On retrouve en 1871 aux côtés de La Commune des insurgés de 1851 quand d’autres au contraire se sont opposés aux Communards.
Le problème est le suivant : en 1851 le pouvoir avait tellement peur des insurgés de Paris que des massacres tuèrent la révolte dans l’œuf, révolte qui se développa dans des départements français ; en 1871 le pouvoir n’ayant pu mater l’insurrection parisienne pris ses précautions en matant toute insurrection dans les départements. Un peu comme si l’histoire se croise. Sauf qu’en 1871 il y avait à Paris beaucoup de provinciaux parmi les communards. Parmi les massacrés il y avait plus d’une centaine de natifs de l’Aveyron par exemple.
Il y a donc une inversion des événements mais aussi une inversion politique pointée justement par Marx et je ne retiens que ce passage crucial à mes yeux :
« Le paysan français avait fait Louis Bonaparte président de la République, parce que, dans sa tradition, tous les bénéfices qu'il avait tirés de la première Révolution étaient chimériquement attribués au premier Napoléon. Mais les soulèvements armés de paysans dans plusieurs départements français et la chasse que leur firent les gendarmes après le coup d'État [en français dans le texte] prouvèrent que cette illusion se dissipait rapidement ! L'Empire fut fondé sur des illusions, devenues puissantes à force d'être artificiellement entretenues, et sur des préjugés traditionnels ; la Commune s'appuierait sur les intérêts vitaux du paysan et sur ses besoins réels. »
Pour Marx il y a eu une mutation dans la paysannerie qui a permis à La Commune de devenir son soutien… contre «les ruraux» c’est-à-dire contre les classes dominantes à la campagne ! La Commun ne fut pas un affrontement Paris-Province, monde urbain contre monde paysan, mais un affrontement de classe entre exploiteurs du pays et exploités de toujours, les paysans ! Le front de classe qui avait été au cœur des insurrections de 1851 s’était élargi en 1871 d’où l’action de Thiers et ses amis pour réduire La Commune à la folie de quelques faubouriens. Louis Bonaparte se sert des illusions propres à l’Empire pour exister. Thiers a besoin de casser les illusions propres à la République pour exister. Sa «république modérée» est dans les faits, pire que le Second empire ! J-P Damaggio