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Vie de La Brochure
2 novembre 2021

Lutte éternelle entre démocrates et antidémocrates

Contrairement à un lieu commun il n’existe pas des démocraties face à des dictatures, mais partout la même lutte entre les deux camps avec seulement des moments et des endroits, où dans le rapport de forces, l’une domine plutôt l’autre. Le lieu commun vient de ce rapport de forces : quand la démocratie domine elle s’en glorifie pour faire oublier sa fragilité, et de ce fait, se fragilise encore plus car une démocratie qui fait du sur place, recule ! La démocratie est par définition inachevée, et découvrir qu’elle est inachevée est un des moyens de sa remise en cause par les antidémocrates. Comme pour la science.

Cette lutte éternelle sur le plan politique, est en lien avec la lutte des classes sur le plan social.

Il existe des forces économiques plutôt tournées vers la démocratie et à travers l’histoire, il s’agit du monde des petits, face au monde des gros. Petits artisans, petits paysans propriétaires, petits fonctionnaires et même dans l’église des curés furent longtemps des agents de la démocratie.

Le développement du capitalisme a donné force et organisation au monde ouvrier dont Marx a déduit qu’en se changeant en classe ouvrière, il devenait la force révolutionnaire, mais à condition de changer le rapport de forces entre démocratie et anti démocratie, au nom du besoin de dictature du prolétariat, face à la dictature du capital, l’objectif démocratique étant repoussé à plus tard.

Historiquement cette stratégie a conduit à deux impasses : l’Etat devenant la nouvelle force économique constitua une nouvelle classe dominante, et le lien coupé avec les anciennes forces de la démocratie dite bourgeoise, ne pouvait que renforcer la dite nouvelle classe dominante.

Dans ce rapport de forces la question paysanne a été majeure.

La preuve est venue de la Hongrie révolutionnaire de 1918. La décision de collectiviser les terres plutôt que de les distribuer à des paysans ne pouvait que rompre une alliance pourtant prometteuse, alliance qui a fait le succès de la révolution française de 1789 après l’épisode de la Grande Peur. En Russie la question était un peu différente vu que le petit paysan producteur y était plus rare qu’en Hongrie, mais la collectivisation qui se produira plus tard aura les mêmes effets : tuer la révolution.

La lutte politique n’est possible pour les démocrates que s’ils ont une part réelle d’indépendance économique les conduisant à susciter des forces porteuses de cette indépendance, d’où le statut des fonctionnaires en France.

Le capitalisme comme Marx l’avait analysé s’est concentré et se concentre de plus en plus et ce faisant il fait disparaître le tissus économique capable de le remettre en cause sur le plan politique.

Il existe donc pour les démocrates un dilemme : quelles forces économiques indépendantes sont capables d’affronter la dictature du capital ? La démocratie va-t-elle migrer dans les pays de production industrielle où la classe ouvrière peut se sentir devenir une classe ? Je comprends qu’il apparaît difficile de croire que la révolution démocratique puisse venir de Chine ! Sauf qu’en Chine comme ailleurs des forces démocrates existent ! Les pays à parti unique sont contraints à des discussions internes à ces partis, discussions peu démocratiques certes, mais preuves tout de même d’un rapport des forces, et il suffit de suivre l’histoire économique de ce pays, passant d’un statut paysan au statut industriel. La dictature conduit le plus souvent à l’immobilisme ce qui n’est plus le cas nulle part ou presque.

Aucun pays au monde, du fait de la révolution économique permanente du capitalisme, ne peut rester immobile mais dans le mouvement ainsi créé, où vont naître les petites forces économiques indépendantes capables d’élever la voix ?

Un exemple. Dans ce capitalisme mondialisé le transport est devenu une pièce maitresse avec bien sûr des multinationales pour le dominer mais il ne peut atteindre tous les secteurs. Avec la lutte des Gilets jaunes en France on a vu apparaître ces nouvelles forces économiques : chauffeurs routiers, petits propriétaires d’ambulances etc. Elles restent atomisées et pèsent peu et la dictature du capital veille à bien les atomiser, et quand elles se regroupent à leur donner comme horizon leur le corporatisme, loin de l’intérêt global.

Revenons sur l’histoire qui a fait que des cordonniers, des forgerons, des petits paysans ont pu se mobiliser pas seulement pour eux mais pour la démocratie. Le passage du social au politique n’a rien d’évident. Ce fut l’institution municipale et la création des partis politiques et des syndicats qui ont permis cette éducation au politique.

On mesure donc que la situation aujourd’hui est catastrophique pour la démocratie là où, grâce aux vestiges du passé, elle domine encore (l’Europe).

Pointons un élément particulier, la démocratie aux Amériques.

A partir du cas des USA, Tocqueville y a vu une nouveauté, face au monde ankylosé de la vieille Europe, en oubliant son acte fondateur : les forces économiques locales qui se sont séparées du pouvoir anglais étaient contraintes d’instaurer une république. Il ne s’agit pas d’une démocratie naissant à la base, comme en Europe, mais naissant par le sommet !

De quoi remettre en cause le lien que j’ai établi entre démocratie et monde des petits du secteur économique ?

L’Angleterre est devenu le pays capitaliste par excellence aussi quand les colons des Amériques se libèrent de ce joug, ils se lancent dans une autre forme de capitalisme appuyé sur la force politique nouvelle qu’ils représentent. Ce ne sont pas tant un univers de petits qui y alimentent la démocratie, mais l’affichage clair des intérêts divergents des puissants. La Guerre de Sécession que Tocqueville ne pouvait imaginer est une guerre civile formatrice en matière politique, puisqu’elle affiche douloureusement une lutte entre aristocratie terrienne et forces industrielles. Dans ce pays plus qu’ailleurs le modèle de Marx a été mis en œuvre puisque les ouvriers s’y sont organisés en classe et par leurs luttes sociales ont obligés les grand seigneurs du politique à lâcher du lest. Et, beaucoup plus qu’on le croit, la vie municipale a été vecteur de conscience politique. Les USA ont le cinéma en guise d’histoire et le Western fut le lieu majeur de ce miroir, et que voit-on souvent dans le Western ? Le shérif est un élu du peuple !

 

Est-ce à dire qu’on en revient à Marx, le capitalisme s’effondrant du fait de ses contradictions internes, cet effondrement étant tel, qu’il dispense la révolution de la dictature du prolétariat ?

L’histoire du capitalisme nous a appris que ses capacités d’adaptation, de reconversion et même de révolution interne sont infinies donc il est difficile de saisir le lieu basique, socialement et géographiquement, de forces révolutionnaires émancipatrices. Le seul élément sûr : la crise de la démocratie va devenir de plus en plus dramatique avec des conséquences sociales multiples, car c’est elle qui a mis en place des acquis sociaux en voie de disparition. Vers quel horizon vont s’orienter les inévitables révoltes à venir ? Le socialisme n’apparaît plus comme la solution pour deux raisons : son échec pratique là où il avait construit un contre modèle, donc son échec théorique global. Tout est à reconstruire à commencer pas la force politique capable de conduire la recherche de cette reconstruction !

J-P Damaggio

 

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