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Vie de La Brochure
22 juin 2022

Mary-Lafon à Lafrançaise encore

 Puisque Mary-Lafon va être à l'honneur à Lafrançaise samedi je reprends cet article de l'ancien blog. JPD

lafonlafrancaise

Un texte d'un descendant de Mary-Lafon, Patrick Ders, que je remercie pour m'avoir donné l'autorisation de le reprendre. JPD

26 mai 2010

Dans la salle du conseil municipal de Lafrançaise, dominant la table des débats il est un buste représentant un homme fier regardant droit devant lui. Il présente une bienveillante détermination. Que fait-il ? Qui est-il ? Depuis quand est-il là ? Rares sont ceux qui peuvent donner son identité. Cette statue qui siège dans la salle du conseil, telle la statue du commandeur, est là depuis très longtemps, elle veille sur les débats municipaux, c'est celle de Mary Lafon. La salle du conseil, il l'a fréquentée dans des temps plus lointains alors que Commissaire de la République, au nom du nouveau « Gouvernement Provisoire de la République » il participe de la dissolution du conseil municipal et de son remplacement provisoire, nous sommes le 19 mars 1848, il a 38 ans.

En fait cette statue n'est là que depuis juin 1910. C'est à cette époque que pour fêter le centenaire de sa naissance, la commune de Lafrançaise, organise de grandes manifestations commémoratives.

Mary Lafon, de son vrai nom Jean, Bernard, Marie Lafon est petit fils d'un médecin parti aux « Amériques » dans les armées de Lafayette acquis aux idées révolutionnaires. Le père de Mary Lafon est médecin à Lafrançaise et son engagement dans le bureau de bienfaisance, le verra surnommé le « médecin des pauvres ». Il est élevé par sa grand-mère aristocrate convertie aux philosophies des Lumières. Elle correspondra d'ailleurs avec Jean Jacques Rousseau qu'elle rencontrera à deux reprises. Les décès prématurés de sa mère, de sa première sœur et de sa grand mère, vont l'amener à se réfugier très jeune dans la lecture, les études et la nature. Il vivra sa jeunesse seul et concevra très tôt un avenir qu'il n'envisage que dans la littérature, sa vraie mère nourricière. Après des études secondaires classiques au lycée de Montauban, il ne rêve que de littérature moderne, il veut rencontrer les écrivains de son temps. Il veut être littérateur, il le sera. Pour cela un seul chemin, celui de Paris. Nous sommes en juillet 1830, il a vingt ans, c'est le temps où tout est possible.

 L'arrivée à Paris est extraordinaire. Il a 20 ans, des idées plein la tête, il a soif de découvertes, de rencontres, il a des projets, du temps, de l'ambition. Il se retrouve dans cette ville qui est l'origine et l'aboutissement de tant de destinées.

Premier signe, ce n'est pas dans un Paris calme et serein qu'il arrive, les élections viennent de voir l'opposition libérale l'emporter. Charles X en proclamant les ordonnances, rétablit la censure préalable, donne un coup de canif dans la Charte et le peuple parisien gronde. Voilà quinze jours que Mary Lafon est arrivé, il se retrouve en pleine révolution des «Trois Glorieuses ». Il s'y engage résolument avec des amis du midi allant jusqu'à faire usage de ses armes à feu. Il va d'ailleurs décrire ces journées de juillet où son regard vif et toujours bienveillants pour les plus humbles en font un observateur méticuleux, non pas des grands évènements qu'il est entrain de vivre, mais des anecdotes qui les côtoient.

Il se veut très proche des romantiques avec qui il veut bousculer les limites. Il a la fougue de la jeunesse et l'ambition de la liberté. Il se lie d'amitié avec de nombreux écrivains de l'époque, Balzac, Gautier...il en rencontre beaucoup d'autres.

Il existe en lui une dualité qui l'attire vers les romantiques, mais il refuse leurs excès car il ne peut pas se détacher d'un amour profond et d'un respect sans faille pour la tradition de «nos pères».

Depuis ses douze ans, il a conçu l'idée d'un ouvrage sur la langue occitane[1]. Il le publiera en 1842 sous le titre de « Tableau historique et littéraire de la langue parlée dans le midi de la France. » qui sera couronné par l'Institut. Il fouille les bibliothèques, sillonne les archives de France, et de plusieurs pays européens à la recherche des textes des anciens troubadours du moyen-âge qu'il va traduire et publier avec beaucoup de difficultés.

Son engagement politique est clairement républicain. En ces temps de révolutions, être républicain c'est être presque toujours dans l'opposition. L'opposition est pour lui plus naturelle, elle va mieux à son caractère entier, à son «sang chaud». Il faut dire qu'être républicain entre 1830 et 1870 n'est pas une sinécure entre les tentatives des légitimistes, des orléanistes, des bonapartistes de garder leurs prérogatives et des révolutionnaires, anarchistes de tous bords, de casser les rouages de l'état, pendant que l'église cherche à reprendre un pouvoir qui lui échappe. Mary Lafon contre vents et marées reste républicain. Il se présentera plusieurs fois aux suffrages des électeurs, mais ce n'est pas un politique, il ne peut se plier aux règles des appareils politiques.

 Il travaille, il recherche, il écrit, de l'histoire sur Rome, la France, l'Espagne toujours en défenseur du midi et d'un monde méditerranéen. Il écrit des poèmes, des romans, il participe à divers journaux, revues et sociétés diverses. Il lance l'idée et concrétise au sein de l'Institut Historique d'un congrès historique européen en décembre 1835 qu'il conclura lui même en ces terme:

« « Mais l'horizon, l'avenir est noir: lois, mœurs, institutions, tout tremble dans la vieille Europe, à l'approche de l'ouragan... nul ne sait ce qui adviendra...j'ai donc cru qu'il pouvait être utile, qu'il était digne devant vous de saisir cette occasion pour rappeler aux peuples qu'ils sont frères ! »

Dans les années 1850-1867 il publie beaucoup d'ouvrages et c'est en 1867 que devenu bibliothécaire de la ville de Montauban, il se marie. Il est considéré mais il reste un passionné de l'engagement pour la liberté. Il se présente sans illusions aux élections, toujours dans le parti républicain.

Dans son travail incessant sur la langue occitane, il refuse toujours les félibres et s'oppose à Mistral dont il ne partage pas les engagements. Il reste jusqu'à sa mort très critique vis à vis du pouvoir ecclésiastique, même s'il revendique toujours sa culture catholique.

Un jour du printemps 1884, alors qu'il vient de déjeuner avec son épouse, Nancy, il va s'assoupir à l'ombre d'un arbre dans son jardin « du Ramier » et ne se réveillera plus.

Il est passé, son temps est révolu, le XIX ème siècle ferme ses portes.

Un de ses amis ariègeois, collaborateur comme lui du « Musée des familles » Frédéric Soulié écrivait: « La seule espérance qu'un jour un bibliographe curieux, pénétrant dans le monceau d'idées que notre siècle a produites, écrira sur nos livres oubliés: Là était le germe de ce que d'autres ont mûri. »    Patrick DERS

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