Mélenchon et la religion

Mélenchon avait décidé d’annoncer sa candidature sur TFI le dimanche 8 novembre sans imaginer que ce jour là Joe Biden serait déclaré élu. Il n’a donc eu que 6 minutes pour s’expliquer ce qui fait que je ne vais pas lui reprocher telle ou telle question oubliée.

Aussi je m’en tiens à une phrase qu’il a prononcée et peu reprise par les commentateurs alors qu’elle confirme clairement que le Mélenchon nouveau est arrivé :

«Je veux qu’on recommence à parler des conditions de vie sociale, de l’éco- système, des gens, comment ils vivent, ce qu’ils attendent, leur dignité, au lieu de passer notre temps à se disputer sur la religion ou d’essayer de les mettre au pas métro auto boulot dodo.

Pour la mise au pas, elle contredisait les premiers mots sur le danger du virus qui certes n’oblige pas à une mise au pas, mais provient d’une réalité.

La question cruciale concerne plutôt la religion qui fait référence à une autre réalité.

Quand un prof se fait décapiter, quand des fidèles sont assassinés il s’agirait d’une question de religion… qui en plus, ne vaut pas la peine de se disputer !

Il fait référence à l’instrumentalisation par la droite, l’extrême-droite et d’autres de l’islamisme, mais voilà une bien piètre façon de leur donne raison, et qui est très dangereuse. Il réduit l’islamisme à une question de religion ce qui pour un homme aussi intelligent que lui, est catastrophique !

A laisser à la droite et surtout à l’extrême-droite la dénonciation de l’islamisme, c’est renforcer ainsi le face à face des extrêmes qui en se renvoyant la balle s’épaulent l’un, l’autre !

Un sondage d’août 2020 (avant les derniers attentats) indique que 38% des musulmans sont d’accord avec l’affirmation que la loi islamique est plus importante que la loi de la République et chez les 15-24 ans ils sont 57%. Une tendance très dangereuse quand on se souvient qu’autrefois la jeunesse était porteuse de la revendication démocratique.

Soit on utilise cette réalité pour dénoncer une religion et on alimente ainsi le racisme antimusulman, soit on utilise cette réalité pour expliquer la nature politique des lois de la République contre la nature privée des principes de la religion, et on fait avancer la laïcité. La stratégie consistant à opposer les questions sociales ou écologiques aux questions laïques est devenue la stratégie de Mélenchon : par ce petit mot il souhaitait confirmer à une part de sa mouvance, qu’il désertait ce combat ! Désertion qu’il affiche sans vouloir la reconnaître au nom de son passé de militant laïque ! Il me fait penser à Daniel Cohn-Bendit qui n'a jamais déserté son passé révolutionnaire, se contentant de l'actualiser.

Cette stratégie est d’autant plus dangereuse quand, en même temps, il remplace en fait les questions sociales par les questions sociétales (les défenseurs des animaux sur sa liste aux Européennes aux côtés de membres du PS recyclés), stratégie qui a causé la marginalisation du PS et d’une bonne partie de la gauche !

La question laïque n’est pas une question sociétale mais un pilier de la fraternité, né de la Révolution française, qui a structuré la gauche, et que la classe politique de gauche a négligé au fur et à mesure de sa disparition, sans se rendre compte qu’elle était toujours très populaire.

Quant à la dispute, elle fait partie de la démocratie. Le communisme a cru que la religion était destinée à disparaître, ce qui fut un des aspects de sa crise, alors qu’elle reste et restera une dimension humaine sur laquelle il y a d’autant plus à discuter quand évangélistes et islamistes en font une question politique pour revenir aux temps anciens quand 10% des impôts allaient non pas à la religion mais aux religieux. On explique souvent qu’en France la laïcité fut une réponse aux guerres de religion, ce qui n’est qu’une part de la réalité : elle fut aussi une réponse au souci d’égalité sociale par la réforme fiscale. J-P Damaggio