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Vie de La Brochure
25 février 2024

René Bousquet devant la Haute Cour de Justice en 1949

Bousquet sur Combat

L'histoire je la connais à travers le livre de Pascale Froment mais la relire dans l'actualité de l'époque c'est toujours un choc. René Bouquet est une de mes obsessions qui me vient du temps où j'étais combattif. Il est emblématique d'un passé toujours devant nous, non que le RN soit fasciste, mais dans le sens où le mensonge (dans TOUTES ses variantes), est plus que jamais au coeur du politique.

En 3 jours à partir du 21 juin 1949, le procès de Bousquet est un mensonge par le cadre choisi, la date et l'art du personnage. J'aurais pu prendre la présentation du procès par L'Humanité (peut-être une autre fois et la deuxième image est un titre de ce journal) mais celle de Combat est tout aussi parlante. J-P Damaggio

 

Combat le 22, 23 et 24 juin 1949

Huma 24 juin

DEVANT LA HAUTE COUR DE JUSTICE René Bousquet : “Laval m’a nommé secrétaire générai à la Police parce qu’il voulait un fonctionnaire musclé et républicain ”

ON l’a entendu proclamer assez haut pour pouvoir le répéter : la première journée du procès de René Bousquet, devant la Haute Cour de Justice, a été presque tout entière à l’avantage de l'accusé. Bien pris dans son complet bleu-roi, cravaté de soie, l’ex secrétaire général de la police de Laval est confortablement assis devant un bureau qui, sans être tout à fait ministre, tranche sur la sobriété des pupitres réservés aux jurés. Le connaissant par cœur, il écoute lire son acte d’accusation d’un air faussement attentif. Puis, il s’incline pour décliner son identité au président Noguères :

— Né à Montauban, en 1909. Quarante ans, c’est encore bien jeune pour avoir été déjà étudiant en droit, sous-préfet méridional, secrétaire général de préfecture, préfet simple, puis régional, et enfin sous-ministre. Il n’avait que vingt-quatre ans lorsque, les inondations de 1934 ayant coupé les ponts du Sud-Ouest, il mit son dévouement au service de l’habitant et gagna la Légion d’honneur.

 A la déclaration de guerre, il demeure à son poste de sous-préfet sur l’ordre de Mandel. Après avoir été, un temps, chef de cabinet de M. Cathala, Bousquet devait être nommé préfet de la Marne après la défaite. La parole, dès cet instant de l’histoire de sa vie, appartient à l’accusé. Il en usera, avec un réel talent de conférencier, durant plus de deux heures : — « Mon attitude, déclare-t-il, fut Inspirée par une indépendance totale. Durant toute l’occupation, j'ai toujours posé devant les Allemands le principe de ma responsabilité. On ne pourra pas me reprocher d’avoir manqué de courage. En tant que préfet régional, j’ai arraché un à un les otages au poteau. L’appartenance politique des victimes m’importait peu. »

Vivement intéressé par le récit de la « bonne période » de la vie publique de René Bousquet, le procureur général Frette - Damicourt opine :

— J’ai entendu avec plaisir les déclarations de l’accusé.

Mais nous voici en avril 1942. De retour au pouvoir. Laval appelle Bousquet. Il en fait son secrétaire général à la Police, « parce qu’il voulait un fonctionnaire musclé pour résister aux Allemands et un républicain pour tenir tête au pouvoir de Vichy ». L’accusé ne saurait nier ses relations avec l’homme de Montoire. Il les commente à sa manière :

— Pour moi, Laval présentait toutes les garanties qu’on pouvait exiger d’un Français face aux Allemands. Je suis l’ami de M. Laval. Il me témoignait, Il faut dire, une certaine patience. .

 Et de s’expliquer :

 — Peu d’hommes auraient, en effet supporté la brutalité et la franchise de mes propos. Laval m’a choisi en raison de ma politique anti- allemande dans la Marne.

M. Noguères s’étonne qu’un simple préfet, fut-il régional, eût pu accumuler assez d’autorité pour traiter, comme Bousquet l’a fait, d’égal à égal avec le général des SS Oberg.

Bousquet: 1),Cet accord est tout à mon honneur. Il soustrayait la police française de la tutelle allemande ;

2) Ce n’est pas mon pouvoir, mais la franchise de mon langage qui imposait le respect à l’ennemi.

« Heydrlch lui-même s’est mis au « garde à vous » devant moi et m’a dit : « Monsieur Bousquet, vous avez un langage noble ».

Aujourd’hui, changement de décor : les débats entraîneront les jurés (au nombre desquels figure M. Depreux) aux Vieux Port de Marseille et dans les bureaux des haute et basse police de Vichy, d’où on lançait, munis de coupe-file « français », les hommes de la Funk Abwehr à la recherche des émetteurs de la clandestinité. Robert COLLIN.

 Suite 

Devant la Haute Cour de Justice René Bousquet : «J’ai soutenu la politique raciale comme la corde soutient le pendu » Le verdict pourrait être rendu ce soir

COMMENCEE avec une heure et demie de retard, la seconde audience du procès de René Bousquet, devant la Haute Cour, s’est arrêtée à 18 h. 15, au bord de l’intérêt (c’est-à-dire de cette affaire de détection de postes clandestins qui est là pièce maîtresse de l’accusation), juste à temps pour que les jurés parlementaires pussent, en allant voter à l’Assemblée, accomplir ce que le président Noguères appela « leur devoir national ».

Ces trois heures de débats sans passion ont renouvelé le spectacle de ce Jeune accusé confortablement Installé dans la position du conférencier assis. Bousquet a parlé de soi avec beaucoup de conviction, et voilà pourquoi la défense fut muette.

M* Louis Noguères, certes, s’est fait entendre. Il donna lecture d’une correspondance télégraphique échan gée entre l’Allemand Schleler et les dirigeants nazis. Il ressort de ces textes que l’accusé aurait :

 1° donné l’ordre à ses polices de ne pas résister à l’entrée des troupes allemandes en zone libre ;

2® lancé un mandat d’arrêt contre le général de Lattre de Tassigny parce qu’il ne s’était pas présenté à l’heure fixée chez le préfet de l’Hérault ;

3° fait surveiller Weygand.

Bousquet se disculpe et relit au passage ses anciennes notes de service. De Lattre, notamment, a été arrêté sur l’ordre du ministre de la Guerre. — Quant au général Weygand, les Allemands m’avaient demandé son arrestation. Je n’ai pas transmis la note à mon gouvernement. J’ai répondu non, de mon propre chef, au général Oberg.

L’accusé affirme que c’est sur son Intervention que les Alsaciens et Lorrains, travaillant en zone sud, n’ont pas été livrés aux Allemands.

Il y a un léger accrochage entre le bâtonnier Ribet et le président, parce que le chef de file de la défense n’entend pas d'une bonne oreille qu’on fasse état de faits non retenus par l’accusation. Souriant, Bousquet apaise le différend :

PLAIDOYER « PRO DOMO »

— Je suis ravi de comparaître devant la Haute Cour. Il en profite pour accumuler les points favorables et, à l’occasion, conter des anecdotes.

— Savez-vous que, sous l’occupation, les travailleurs rouges espagnols étaient protégés par l’ambassade de Madrid à Vichy ? Tout le reste de cet interrogatoire à une voix n’est qu’énumération. — J’ai fait libérer les trois personnes arrêtées à Vichy le 11 novembre 1942 ; j’ai été le seul Français de Vichy à ne pas serrer la main du consul général d’Allemagne (sic) ; j’ai sauvé la garde mobile en la renforçant et je l’ai épurée de ses éléments politiques j’ai retardé de cinq mois la remise du fichier des étrangers aux Allemands ,’ j’ai dissous la police antiraciste pour la transformer en service de répression des menées anti- nationales.

Le plaidoyer « pro domo » de Bousquet hausse le ton lorsqu’on aborde les mesures antisémites.

— Pour moi, il ne pouvait pas y avoir de problème antisémite. Je n’étais pas anti-israélite. Et même si je l’avais été, j’aurais eu assez de bon sens pour ne point le paraître quand l’ennemi était là. « J’ai soutenu la politique raciale comme la corde soutient un pendu.» Après quoi, voulant terminer avec avantage cette audience accélérée, l’ancien secrétaire général à la Police «rappelle » qu’il a organisé l’émigration à Casablanca de 3.000 Israélites, qu’il a fait libérer 4,424 des 7.000 « internés raciaux » de la zone sud, et qu’il a fait supprimer le départ de 10.450 Juifs d’origine allemande. Aujourd’hui, débat sur la détection des postes. Il est possible que le verdict soit connu ce soir. Robert COLLIN.

 fin

BOUSQUET s'en tire avec 5 ans d’indignité nationale dont il est aussitôt relevé

CINQ ans d’indignité nationale effacés séance tenante pour « services rendus à la Résistance » : la Haute Cour a blanchi, sans lui laisser de taches, René Bousquet qui fut, durant près de deux ans, le premier policier de France, sous Laval. Hier, les deux dernières demi-étapes de l’aimable tour d’horizon, qui ont conduit l’accusé à une manière de Victoire, ont été parcourues contre la pendule. Côté accusation, comme côté défense, les abandons devaient se succéder. Un à un, les témoins des deux parties ont été rayés de la liste. Il n’en est demeuré que trois. Même procédé pour les plaidoiries, qui sont réduites, de l’un et l’autre côté de la barre, à deux « condensés ». Comme les jours précédents, le seul qui n’ait point censuré ses phrases fut l'intarissable René Bousquet. Affichant, à l’évocation des plus pénibles circonstances de sa vie publique, un moral à toute épreuve, ce haut fonctionnaire des mauvais moments « s’est interrogé » jusqu’au bout, au plus grand intérêt, semblait-il, de la Cour et des jurés parlementaires.

Une finesse de policier

— On m'a reproché hier d’avoir interdit l’écoute des radios alliées C’était une « finesse». Les Allemands avaient commencé à confisquer les postes. Ma circulaire devait permettre aux auditeurs de conserver leurs postes en fermant leurs fenêtres.

Un mot de M. Noguéres pour souligner que l’accusé n’a pas détruit le vieux port de Marseille, comme on l’avait cru, mais qu’au contraire il avait corrigé, en la diminuant de moitié, la surface des immeubles condamnés par la Wehrmacht.

Enfin — et c’est pour en arriver là que depuis trois jours les « débats » er.ent sur dès positions abandonnées par le ministère public — on en vient à cette .mission Desloges, chargée de détecter les émetteurs clandestins de la zone sud et que l’accusé avait pourvue de coupe-files destinés à favoriser de redoutables investigations.

La mission « Desloges »

Comme le nom de son chef le capitaine Desloges, (présentement commandant dans l’armée française), ne l’indique pas, cette «mission » était allemande. Vingt-six véhicules (dont quatre outillés pour la recherche des postes de radio), bourrés de policiers et de techniciens attendaient à la ligne de démarcation.

— Darlan, dit Bousquet, tenta de me persuader de la nécessité de l'entrée de cette caravane en zone « libre ». Il m’affirme que d’une part, elle ne réussirait pas, que d'autre part, elle nous permettrait de nous familiariser avec le matériel de détection. Je ne me suis pas occupé directement d’autoriser le passage de ces gens. On m’a seulement demandé de leur faire établir des cartes.

— C’est précisément ce qu’on vous reproche, souligne MM. Frette- Damicourt et Noguéres.

— Ces cartes de Français pour policiers allemands, déclare alors l’accusé, étalent établies de telle façon qu’elles parussent suspectes. A la place du signalement, j’avais indiqué la mention : « voir photos ». Les gendarmes de la zone sud ne s'y sont pas trompés. Ils ont arrêté beaucoup de ces investigateurs allemands ».

Nombreuses arrestations

Quel bon tour ! Ces policiers ont quand même arrêté de nombreux résistants, 11 à Marseille, 8 à Pau, 11 à Lyon.

— Je les ai sauvés en les faisant interner, puis en les déplaçant.

Restent trois témoins. MM. Fayol et Berliot confirment des faits évoqués. Le commandant Loustaneau- Lacau raconte une partie de sa vie et regrette de n’avoir point été libéré par Bousquet.

 Suspension. Le procureur général Frette-Damicourt ne réclame qu’une peine de prison modérée, et l'indignité nationale.

Le bâtonnier Ribet parle seul, mais peu, au nom de la défense. Les jurés parlementaires ont mis une heure pour délibérer et préparer le verdict que l’on sait. Robert COLLIN

 Article contre Bousquet : 28 juin 1949

Les services rendus par Bousquet sont démentis par un survivant des camps

A son récent procès devant la Cour de Justice, l’ex-secrétaire général de la Police de Pierre Laval avait, au cours des débats qui ont abouti à son acquittement, invoqué des chiffres qu’on n’avait pas cru devoir mettre en doute.

Un de nos confrères de la presse étrangère, M. Roesmer, qui fit personnellement la rude expérience des camps de concentration vichystes nous adresse une lettre émouvante dont nous extrayons volontiers de longs passages, car elle a la valeur d'un document incontestable. 

« Monsieur le rédacteur en chef,

Permettez-moi, au titre d’ancien déporté, évadé du train de transport vers l’Allemagne, de venir affirmer que les déclarations de René Bousquet sont inexactes. Devant la Haute Cour de Justice, cet accusé a prétendu qu’il y avait dans les camps 7.000 internés raciaux, dont 4.424 auraient été libérés par lui.

Or, il y avait, au camp de Gurs (Basses-Pyrénées), en août 1942 et en février-mars 1943, plus de 6.000 internés raciaux (en partie venus d’autres camps), qui furent tous les 6.000 livrés aux Allemands sous le gouvernement Lavai.

De ces 6.000 déportés, 287 seulement sont revenus, les autres ont péri dans les chambres à gaz.

Au camp de Rivesaltes (Hautes- Pyrénées), il y avait un « commissaire spécial », qui dressait, le jour et la nuit, des listes des victimes.

De ce camp qui devint un camp de triage, 14.000 personnes, hommes et femmes, furent déportées en wagon plombé, en automne 1942 (le dernier transport partit une semaine avant l’occupation de la zone libre par les Allemands).

De ces 14.000 personnes sont revenues seulement quelques centaines.

Ce faible pourcentage des survivants s’explique par le fait qu'il s’agissait, en général, de sujets âgés ou malades, incapables de fournir le travail forcé exigé par les nazis et destinés, par conséquent, à l’extermination immédiate.

Au camp de Milles (Bouches- du-Rhône), il y eut 5.000 déportations : moitié dans le camp et moitié récemment arrivés de Marseille à. la suite de rafles.

 On n’a jamais retrouvé trace de ces malheureux, transférés dans les camps d’Auschwitz et Bergen- Belsen.

René Bousquet prétend qu’il a libéré 4.424 internés sur 7.000 (« Combat », 23 juin), soit 65 %.

En réalité, la totalité des internés raciaux représentait cinq fois ce chiffre.

Trois pour cent seulement de ces internés ont été libérés. Peut- être, René Bousquet est-il pour quelque chose dans cet infime pourcentage, mais il faut surtout rendre hommage à l’initiative de certains préfets qui ont signé à leurs risques et péril, les papiers de libération. »

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