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Vie de La Brochure
27 avril 2021

Nanni Moretti 21 mai 2001

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Dans l'encyclopédie Nanni Moretti qui hante ce blog, je pense ne pas avoir repris cet article.  J'y retombe dessus et je le voici. Publié sur Marianne il témoigne d’une époque. JPD

 Nanni Moretti n'est plus seulement le brillant écho de lui-même voyageant de film en film depuis vingt ans, de Sogni d'oro à Aprile, de Palombella Rossa à Caro Diario, il vient de faire le grand saut dans la fiction, se jetant du haut de la falaise de l'ego, non pas pour un suicide mais pour une renaissance. Il fallait ça pour dire l'indicible, la mort d'un enfant, avec une netteté, une dignité, une honnêteté admirables, ne laissant pas la moindre prise au mélodrame, racontant simplement, dignement, une catastrophe irrémédiable, ses prémices indécelables, ses conséquences incalculables.

D'abord il y a cette famille, complète, unie, sportive, avec ses petites aspérités intimes, Giovanni (Nanni Moretti) est psy, un bon psy de province, pas mondain, consciencieux, sa femme Paola, sensible, présente (Laura Morante), une fille, Irene, bonne en tout, à peine rebelle (Jasmine Trinca), son cadet plus fragile, Andrea (Giuseppe Sanfelice). Un dimanche où le père et le fils avaient projeté une promenade, Giovanni est appelé auprès d'un patient angoissé, Andrea va faire de la plongée sous-marine, et ne revient pas. Ce que Moretti donne alors de façon magnifique, unique, c'est l'après. L'après, ce qui s'appelle le deuil, cette asphyxie du quotidien, cette léthargie des sens, ce vide surpeuplé qui engloutit les vivants.

La mise en bière d'Andrea, tellement nue, crue. Les amis embarrassés, un dernier baiser, pas de Dieu consolateur, le ciel est vide et le cercueil scellé. Voilà. Et nos larmes qui coulent. Après, il n'y a plus que ce sentiment terrible de ne pas avoir compris avant, de ne pas avoir empêché l'instant, rien à voir, mais tout à voir, il y a eu ce camion qui roulait trop vite, cette embardée légère, cette bousculade de rien. Ce que dit Moretti, ce que lui-même et ses interprètes communiquent sans cesse, avec une pudeur bouleversante, c'est que l'on n'est jamais assez vigilants, et que notre seule culpabilité, s'il en est une, est de ne pas savoir dire qu'on aime.

A la fin, il y a un voyage improvisé, la jeune fille dont Andrea était amoureux est là, avec un garçon, ils font la route en auto-stop, Giovanni décide de les accompagner un peu, et puis plus loin. Sa femme, sa fille, sont là aussi, qui dorment. Certes, malgré un premier sourire qui les rassemble, Giovanni, Paola, Irene marchent encore séparés, mais, tout de même, une sérénité déchirante est en train de poindre, comme l'aube douce sur cette plage. Un jour viendra peut-être où l'ombre portée d'un enfant disparu cessera de cacher tout à fait le soleil  Danièle Heymann

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