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Vie de La Brochure
19 octobre 2021

Tabucchi utilise Don Quichotte

Dans le livre La tête perdue de DAMASCENO MONTEIRO, Tabucchi utilise Don Quichotte quand le jeune journaliste raconte à l’avocat surprenant comment il a découvert dans une boîte de nuit détenue par un flic qu’on y vend de la drogue. Et l'avocat l'invite à ne pas jouer Don Quichotte. Un jeune journaliste qui comme d’autres héros de cet écrivain aime le romancier italien Elio Vittorini qu’il me faudrait relire.

  

« — Vous êtes un brave reporter, jeune homme, s'exclama-t-il, avec certaines limites naturellement, mais n'allez pas jouer au Don Quichotte, car le sergent Titânio Silva est un moulin à vent très dangereux. Puisque nous savons bien que notre héroïque Don Quichotte se retrouva en mauvaise posture après avoir été accroché par la roue du moulin, et comme je ne peux ni ne veux être votre Sancho Pança pour recouvrir d'huile balsamique votre misérable corps contusionné, je vous dirai une seule chose, et ouvrez bien vos oreilles. Ouvrez bien les oreilles, car il s'agit d'un coup fondamental de notre Milligan. Vous allez à présent rédiger un communiqué de presse détaillé à envoyer à une agence, et ce communiqué de presse détaillé qui décrit point par point le « Puccini's Butterfly », avec ses petits salons tendres, sa musique d'opéra, ses enveloppes de substances variées et les dollars habilement comptés par le caissier très expert qu'est Titânio Silva, tout cela, disais-je, sera reproduit en bloc par la presse portugaise, toute la presse possible et imaginable, celle qui s'intéresse au destin magnifique et progressif du genre humain et celle qui s'intéresse aux voitures sportives des petits industriels du Nord, ce qui est d'ailleurs une autre manière de concevoir le magnifique destin progressif du genre humain, en bref, chacun aura sa façon de donner l'information, qui férocement, qui sur le ton du scandale, qui avec réserve, mais tous devront écrire que probablement, je dis bien probablement, suite à des témoignages précis, il ressort que dans la boîte de nuit déjà mentionnée on vend de la drogue impunément, adverbe conforté par la curieuse distraction de la Guarda Nacional qui n'y a jamais effectué la moindre perquisition, quand bien même on vend dans la boîte de nuit en question des poudres onirisantes, l'adjectif vous plaît-il ? au prix modique de deux cents dollars l'enveloppe, c'est-à-dire le tiers du salaire mensuel d'un travailleur portugais normal et, de la sorte, nous leur assurons, au « Puccini's Butterfly » et à monsieur Titânio, une belle perquisition de la police judiciaire.

L'avocat sembla reprendre son souffle. Il aspira de l'air comme quelqu'un qui se noie et sa respiration ressemble à celle d'un vieux bœuf. »

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