Le 16 janvier 1979, le Chah doit quitter Téhéran.

Le 17 juin 1979, Somoza doit quitter Managua.

Le 27 décembre 1979, l'Armée rouge entre en Afghanistan.

Pour moi, trois dates qui valent un siècle ! Quoi de plus beau alors que de voir les USA à genoux ! Après la victoire des Vietnamiens, les USA semblent perdre totalement l'initiative. Malheureusement l'URSS en déduit aussitôt que son heure est arrivée !

 Aujourd'hui, l'écrivain Sergio Ramirez rappelle les rêves nés dans le monde suite à la victoire des Sandinistes, une victoire atypique dans le cadre d'une alliance sociale qui annonce des jours nouveaux pour les Amériques. J'ai participé comme beaucoup à la solidarité envers cette révolution qui va s'achever dix ans après, et qui deviendra la dernière révolution aux Amériques. On me dira que les USA ne furent pas sans responsabilité dans cet échec mais après avoir battu Somoza, comment perdre à l'heure de la revanche ?

Sergio Ramirez indique qu'alors le Nicaragua attirait les plus grands intellectuels comme quatre prix Nobel de littérature : Günther Grass, Harold Pinter, Gabriel García Márquez et Mario Vargas Llosa; quelques-uns qui auraient dû l'être comme Graham Greene, William Styron, Julio Cortázar et Carlos Fuentes, et d'autres qui pourraient le devenir comme Salman Rushdie. Que d'espoirs gigantesques firent naître le mot "Managua".

 L'intervention de l'URSS en Afghanistan est présentée par Brejnev comme totalement normale, à l'appel du gouvernement en place. Comme le gouvernement du Vietnam avait appelé à l'aide les USA avec le succès que l'on sait !

Dès le début de janvier 1980, dans une journée d'études sur l'agriculture, qui se tenait au restaurant du marché-gare, j'ai tenu, avant toute intervention sur le sujet du jour, à dire, en tant que membre du PCF, que cette intervention était une catastrophe annoncée. Une catastrophe redoublée par la position du PCF en faveur de la révolution en Iran alors qu'en très peu de jour la théocratie avait mis la main sur le pays ! Là aussi, le soutien des USA à l'Irak, dans la guerre contre l'Iran, faisait du pouvoir à Téhéran un allié circonstanciel de l'URSS.

 Comme au Nicaragua, le USA décidèrent de jouer en Afghanistan, la carte de la guérilla et en conséquence, ils ont combattu les islamistes de Téhéran, et soutenu ceux de Kaboul. Un partage des rôles dont on allait apprendre très vite qu'il recoupait une histoire très ancienne, celle de la lutte entre chiites et sunnites ! Après la chute de l'Armée rouge des combattants sont revenus dans leurs pays d'origine comme en Algérie et il s'en suivit une guerre atroce.

 Dix ans après

Le 3 novembre 1989 les accords de Tela entre Sandinistes et Contras signent, sans que personne ne le sache, la fin de la révolution sandiniste.

Auparavant, le 15 février 1989, le dernier soldat soviétique quitte l'Afghanistan dans le cadre d'un Pérestroïka qui, sans qu'on le sache, signe la fin de l'URSS.

Etrangement, la veille, le 14 février 1989, l'ayatollah Khomeini publie une fatwa de mort contre Salman Rushdie en mettant en cause son œuvre, les Versets sataniques, et force l'auteur à entrer dans la clandestinité. Je considère qu'est ainsi signé l'acte majeur de la naissance de l'islamisme global.

Et accessoirement, je ne suis plus membre du PCF.

 Trois ans avant, Salman Rushdie avait fait le voyage au Nicaragua et sans l'avoir prévu décida de faire un livre de son séjour : Le sourire du jaguarSalman Rushdie est au cœur de cette histoire de désespoirs annoncés en 1979. A ceux qui disaient, les Sandinistes peuvent perdre face aux Contras, et perdre les élections, Tomás Borge, l'homme fort du sandinisme, répondait que "c'est impossible car les Contras sont à contre-sens de l'histoire." Et la chute de l'URSS était aussi à contre-sens de l'histoire ?

 Pour répondre au tournant de 1979 les Etatsuniens ont élu Ronald Reagan et la contre-révolution conservatrice s'est mise à marcher face à la révolution théocratique. Les islamistes payés par les USA tournèrent leurs armes contre leur allié, et les USA d'aujourd'hui viennent de tourner le dos à l'histoire passée en devant des amis de l'Iran car l'islamisme y serait à présent "modéré".

 Une chose est sûre, si jusqu'en l'an 1979 le sens de l'histoire allait vers les Révolutions, depuis, l'histoire n'a plus de sens, et il faut vivre avec. Le désespoir ne peut plus signifier découragement dans la lutte pour un retour du balancier vers le chemin des démocraties. J-P Damaggio

P.S. : Un prix Nobel pour Salman Rushdie serait bien.