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Vie de La Brochure
20 août 2023

Voici cinquante ans : l’extrême-gauche au Chili (6)

J’ai toujours lu avec attention les écrits de l’extrême-gauche sans pour autant les partager. Ils nous rappellent toujours que la critique est aisée mais l’art est difficile ou pour le dire autrement : quelles solutions proposées à la hauteur des analyses faites ?

« Notre réponse à ce bourrage de crâne est simple : les difficultés économiques du Chili ne sont pas dues au socialisme, mais précisément à l’absence de socialisme. »

L’extrême-gauche pense inévitablement (c’est simple) que si la gauche était plus à gauche elle gagnerait. Et l’adversaire majeur c’est toujours le parti communiste suivant la théorie que les communistes font obstacles entre les masses populaires et eux qui apportent le bon éclairage.

« Quelle est la solution que propose le gouvernement d’Unité Populaire et en particulier le PC chilien, qui en est la force réformiste la plus cohérente et la plus obstinée ? »

Bref, surévaluer le rapport des forces et proposer des solutions qui vont le détériorer ! N’est-ce pas la conclusion que l’on peut tirer de cette lecture vu la suite des événements ? Pour l’URSS célébrer la base contre le sommet qui a sclérosé les soviets ! Sans la dictatre des communistes le peuple soviétique ferait une vraie révolution socialiste. L’URSS est tombée et l’extrême-gauche avec. Car l'extrême-gauche n'a de poids qu'en fonction de la gauche ! Voici donc un article de Rouge l'hebdo de la LCF. JPD 

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 Le gouvernement Allende connaît depuis un certain temps des difficultés économiques croissantes : inflation galopante (114,3% en 1972), crise de ravitaillement avec disparition du marché de denrées nombreuses (surtout la viande) et, en conséquence, importation massive d’aliments, aggravation du déficit de la balance de paiements et épuisement des réserves en devises. Ces difficultés sont connues, et expliquent que l'Union de la Gauche en France a discrètement cessé de se réclamer de l'«exemple chilien» de voie électorale et pacifique vers le socialisme.

Les problèmes économiques du gouvernement d'Unité Populaire (UP) sont évidemment démagogiquement exploités par la droite chilienne, qui essaie d’utiliser le mécontentement populaire pour dénoncer les «méfaits du socialisme ». Ce thème retrouve un écho lointain dans la crapuleuse propagande anti-communiste de l'UDR en France, où le Chili est présenté comme un terrible épouvantail «socialiste».

Notre réponse à ce bourrage de crâne est simple : les difficultés économiques du Chili ne sont pas dues au socialisme, mais précisément à l’absence de socialisme. C’est l’incapacité du gouvernement réformiste au Chili à mettre en question les fondements du capitalisme et le pouvoir de la bourgeoisie, qui explique ses problèmes économiques actuels.

Le gouvernement UP n’a pas brisé l’hégémonie bourgeoise sur l’économie : 70 % de l’industrie reste dans les mains du capital privé, ainsi que la plupart du réseau commercial, bancaire, etc. En outre, l’UP a indemnisé les quelques capitalistes expropriés, ce qui revient à faire payer par les travailleurs le prix du réformisme, et à financer directement les pires ennemis de la classe ouvrière (et du gouvernement Allende lui-même).

 Saboter

Evidemment la bourgeoisie a utilisé son pouvoir économique presque intact pour saboter activement la politique économique de l’UP, à travers les innombrables moyens à sa disposition :

-        le retrait des dépôts des banques ;

-        la fuite des capitaux vers l’étranger : 270 millions de dollars en 1971, officiellement déclarés (les transferts clandestins sont bien plus importants) ;

-        l’arrêt des investissements ; non seulement les capitalistes se refusent à agrandir ou moderniser leurs installations, mais ils ont tendance à ne plus entretenir le matériel existant. Les réserves de certaines sociétés ont été distribuées entre les actionnaires, tandis que certains chefs d’entreprise vendaient une partie du matériel, souvent pour évacuer les capitaux à l’étranger (cf. Catherine Lamour, Le Pari Chilien, p. 169).

-        le sabotage de la production agricole : face à la menace de la réforme agraire, des propriétaires fonciers cessent d’investir ou font clandestinement passer leur bétail en Argentine; dans les régions où la réforme a eu lieu (d’après la loi bourgeoise du gouvernement démocrate-chrétien) les paysans se trouvent dans les pires parcelles, sans capitaux, sans engrais, sans semences, sans installations, sans machines, qui restent concentrées dans la « réserve » de 80 hectares restée aux mains de l’ancien propriétaire. Est-il étonnant dans ces conditions que la production agricole baisse et que les denrées manquent sur les marchés des villes ?

- le stockage clandestin des marchandises, pour provoquer une rareté artificielle et les vendre à des prix exorbitants au marché noir. En particulier, on fait « disparaître » les produits soumis à un contrôle des prix. Dans certains cas, les fabricants cessent purement et simplement de produire les articles à des prix contrôlés : les fabricants de chaussures, par exemple, ont abandonné certains modèles bon marché, sur lesquels ils estimaient leurs marges de profit trop réduites...

Cette politique systématique de sabotage économique est d’une part la riposte « instinctive » de la bourgeoisie à « l’insécurité » représentée par un gouvernement dominé par des partis ouvriers (même réformistes), d’autre part un plan délibéré visant soit à renverser Allende en créant une situation de « chaos économique », soit à gagner les élections en mars 73 en exploitant le mécontentement avec les difficultés.

 Produire

Quelle est la solution que propose le gouvernement d’Unité Populaire et en particulier le PC chilien, qui en est la force réformiste la plus cohérente et la plus obstinée ? «La bataille de la production» ! «Produire d’abord » disent les réformistes chiliens aux travailleurs (comme le PCF en 1945, toute ressemblance est naturellement pure coïncidence...), substituant ainsi une pseudo-solution économiciste à la vraie solution politique du problème.

Comment mobiliser les travailleurs pour augmenter la production, s’ils continuent à travailler pour les patrons, si la production continue dans le cadre de l’exploitation capitaliste, si les profits continuent à aller dans les poches de la bourgeoisie ? Transformer la bataille de la production en tâche prioritaire revient à démobiliser politiquement les travailleurs et à les dévier de la vraie bataille, la bataille pour le pouvoir, la seule capable de résoudre définitivement les problèmes économiques en coupant le mal à la racine.

Ce que les réformistes ne comprennent pas, c’est qu’il y a deux logiques contradictoires et irréconciliables : la logique capitaliste du profit et la logique de la planification socialiste. Toute tentative de «mélange», conciliation ou coexistence de ces deux logiques est impossible et immanquablement vouée à l’échec. La politique économique de l’Unité Populaire est juste assez «à gauche» pour irriter et inquiéter la bourgeoisie, tout en lui laissant le pouvoir économique réel. Le résultat inévitable est le sabotage économique par cette bourgeoisie qui utilise les leviers de commande entre ses mains comme une arme contre les travailleurs et contre le gouvernement réformiste. Rien ne serait plus faux que de penser que le gouvernement Allende est un gouvernement «de la bourgeoisie » ou la simple continuation du réformisme démocrate-chrétien de Frei. Par ses liens avec le mouvement ouvrier organisé et bureaucratique, il fournit à la bourgeoisie les armes pour le renverser ou le neutraliser totalement.

 Une autre voie

Il y a une autre solution possible, une solution politique et révolutionnaire, qui est logique, claire et cohérente. C'est la solution proposée par le MIR chilien':

« Si les patrons se refusent à produire, à transporter, à distribuer et à commercialiser, le peuple peut et doit prendre en mains ces activités. La classe ouvrière n'a pas besoin des grands capitalistes pour accomplir ces tâches...

La tâche fondamentale des travailleurs pour résoudre les crises et éliminer les causes qui en sont l'origine, c’est l’expropriation des grands capitalistes de l’industrie et du commerce, du transport, de l'agriculture et des mines, ainsi que les moyens de communication de masse qui les servent. Cette tâche doit être complétée avec le contrôle ouvrier des activités qui resteraient dans le secteur privé.

Cela ne pourra se réaliser que si l’on développe un pouvoir populaire alternatif au pouvoir patronal et bourgeois. Ce pouvoir populaire ne pourra surgir que de la lutte et la mobilisation du peuple, de son unification par en bas, et de son organisation au niveau communal, en créant les Conseils Communaux des Travailleurs ». (Déclaration du MIR, 19/10/72, in Punto Final No 169, Santiago, 24/10/72).

Contre la politique d’accaparement et de spéculation des gros commerçants promoteurs du marché noir, les masses ont constitué les JAP (associations d’approvisionnement et de contrôle des prix), composées de délégués des syndicats, d'associations de ménagères, de conseils de voisins, etc.

D’autre part, suivant l’exemple de certaines régions paysannes (Cautin), se sont formés dans certaines villes, communes ou quartiers (Cerrillos, banlieue ouvrière de Santiago, etc.) des Conseils Communaux de Coordination, rassemblant des délégués d'usine, des syndicats, des partis ouvriers (surtout PS, MAPU et MIR) des JAP, des groupes d'auto-défense des quartiers, etc. Ces conseils de coordination se sont développés surtout au cours de la crise d’octobre 72 (la « grève bourgeoise » des transports et du commerce) et constituent un premier embryon de double pouvoir. C’est en renforçant ces formes de pouvoir ouvrier, en créant partout des groupes d’auto-défense armée, en mobilisant les masses à la base pour lutter pour leurs intérêts, qu’on peut gagner la vraie bataille, la bataille pour le pouvoir, la bataille pour le socialisme. La morale de l’histoire vaut pour la France aussi... Carlos ROSSI

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