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Vie de La Brochure
25 avril 2017

1936 : Des écrivains à Madrid

Voici le manifeste écrit et signé par les membres de l'Association des écrivains pour la défense de la culture, présents à Madrid en octobre 1936, et contresigné par télégramme aux noms des dirigeants français agissant en Secrétariat international de cette organisation. JPD

 

«De Madrid, de ce Madrid où le peuple défend à l'heure qu'il est son indépendance, sa liberté, que le fascisme, destructeur de toute culture, menace, c'est de tous les intellectuels, artistes, hommes de science, quelle que soit à cet instant leur activité, que le secrétariat de l'Association internationale des écrivains pour la défense de la culture entend ici attirer l'attention sur cette lutte qui les met tous en jeu. Car cette lutte met en jeu la culture, et avec elle la liberté, l'indépendance, la dignité humaines, conditions de toute création. Il est de toute nécessité que les intellectuels suivent ce combat où se forge d'une façon héroïque l'avenir même de l'intelligence.

«L'héritage culturel que le peuple espagnol défend au prix de sa vie est ce qui correspond au plus profond des sentiments et des valeurs de l'Espagne. Toutes les civilisations modernes s'abreuvent de cette culture qui toujours est vivifiée par la sève populaire la plus pure. Pas un seul nom qui compte en Espagne, dans la poésie, la littérature, la religion, la musique ou la peinture, pas une œuvre maîtresse de la tradition espagnole, qui ne vienne du peuple, qui ne vive en lui, qui ne trouve en lui sa vérification.

«C'est à ce peuple que nous sommes redevables de ce qui fait l'essence poétique de cet immense trésor dispensé au monde entier par l'Espagne dans toutes les activités spirituelles, dans tous les domaines de la pensée. Ce sang aujourd'hui versé dans les assauts barbares et fratricides de ceux qui lancent des troupes mercenaires contre l'Espagne, c'est le sang même de ce peuple, inventeur, créateur de l'authentique culture qui fait la signification universelle de l'Espagne parmi les civilisations du monde. Nous tenons à le proclamer: vouloir détruire le peuple espagnol, c'est vouloir détruire le passé culturel de l'Espagne, sa vie présente, son magnifique avenir, c'est détruire l'une des bases de la culture universelle, qui pendant des siècles s'est enrichie des apports de la culture espagnole.

«Cet héritage culturel, que le peuple défend et conquiert chaque jour avec héroïsme, est l'affirmation d'une tradition populaire espagnole qui communique son espoir à l'Europe entière.

«Ne pas venir en aide à ce peuple, le laisser seul défendre un patrimoine qui n'est pas que le sien, qui est commun à tous les hommes, c'est s'opposer au peuple en lutte pour son indépendance et pour la conquête, payée par son sang chaque jour, de l'héritage culturel du monde. Qui affirmerait que cette lutte où s'affrontent les Espagnols ne concerne qu'eux-mêmes étendrait encore le domaine du mensonge et trahirait la dignité humaine déjà si gravement en péril.

«Les peuples qui la contemplent sont engagés par cette lutte des Espagnols contre le fascisme. Espérer le contraire et croire impartiale l'actuelle neutralité est une attitude que l'esprit ne peut concevoir. Elle aurait pour conséquence un suicide, et le plus lamentable des suicides: celui de l'homme qui n'a point conscience de ce qu'il fait.

«Nous demandons aux écrivains du monde entier de comprendre que la lutte du peuple espagnol ne met pas en question l'avenir d'un peuple, mais l'avenir de l'homme. Nous leur demandons de s'unir à nous et de se joindre aux voix inquiètes qui nous viennent d'Europe et d'Amérique pour aider concrètement au triomphe du peuple espagnol.

«Aider les Espagnols contre le fascisme, c'est vouloir le succès de ce peuple et le vouloir d'autant plus rapide qu'ainsi il sera moins sanglant. Et c'est du même coup vouloir aussi que par cette victoire soient saufs le destin humain de la culture, la liberté, l'indépendance de tous les hommes et de tous les peuples.

«Le secrétariat de l'Association confirme la décision prise au plénum préparatoire de Londres en juin 1936, où il a été décidé que le deuxième Congrès international des écrivains pour la défense de la culture se tiendrait à Madrid en 1937, et dès aujourd'hui convoque tous ses membres pour ce Congrès.»

Rafael Alberti, Jose Bergamin, Antonio Machado, Ilya Ehrenbourg, Mikhail Koltsov, Aragon, André Malraux, Georges Soria, Andrée Viollis, Louis Fischer, Gustav Regler, Ludwig Renn, Alfred Kantorowicz.

Madrid, octobre 1936.

 

En réponse à cette résolution, le télégramme suivant a été envoyé, à Madrid, aux écrivains espagnols Alberti et Bergamin:

«Ayant pris connaissance résolution secrétariat, acceptons avec enthousiasme rendez-vous Madrid 1937, et vous prions saluer pour nous héroïque peuple madrilène, aux côtés duquel nous tenons sans réserve.»

Pour le secrétariat de l'Association internationale des écrivains: Romain Rolland, André Gide, Jean-Richard Bloch, André Chamson, Aragon.

Ont contresigné: Paul Langevin, professeur au Collège de France, Gabriel Audisio, Georges Auric, René Arcos, Céline Arnauld, Charles Braibant, René Blech, André Bacque, Pierre Bathille, Jean Cassou, Jacques Chabannes, Enrique Camejo, Edouard Dujardin, Marie Dujardin, Paul Dermée, Louis Durey, Hermina del Portal, Jean Effel, Etiemble, Elie Faure, Georges Friedmann, Wilhelm Friedmann, Albert Fua, Ford Madox Ford, Grandjean, Francis Jourdain, Franz Hellens, H.-R. Lenormand, René Lalou, D. Lazarus, Jean Lurçat, Léon Moussinac, Frans Masereel, Berthold Mahn, Louis Martin-Chauffier, Paul Nizan, Austra Osolin, Georges Pillement, Erwin Piscator, Louis Parrot, Picart-Ledoux, Pierre Paraf, Ernest Pérochon, Tristan Rémy, Georges-Henri Rivière, Matéi Roussou, Georges Sautreau, Christian Sénéchal, Rolland Simon, Edith Thomas, Maurice Thomas, Simone Téry, Pierre Unik, Charles Vildrac.

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