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Vie de La Brochure
22 août 2020

Serge Pey – René Durand

renat duran

Serge Pey et René Durand me revoient à quelques débats homériques du Festival d’Occitanie. Non seulement je ne partageais pas les idées nationalistes de René Durand mais je les aient toujours combattues au nom même du combat occitaniste. Et bien que peu habitué aux hommages des défunts, comme la poésie de Serge Pey est toujours à hauteur d’homme, voici ces deux documents. L’hommage à Renat Duran par les siens repris du blog du P.N.O. puis la poésie de Serge Pey reprise du facebook de James Gaudas.

J-P Damaggio

  

Hommage à Renat Duran

    Notre adhérent Renat Duran de Rodez

vient de nous quitter prématurément à l’âge de 78 ans.

     Enfant du faubourg de Rodez, il a baigné dans la langue occitane. Son parcours atypique l’a conduit à quitter l’école très tôt. Après avoir vécu un temps à Paris, il choisit par conviction anti-centraliste de revenir vivre dans sa ville natale.

    Anticolonialiste et insoumis, il entra dans la clandestinité pendant la guerre d’Algérie au moment où le fondateur du Parti Nationaliste Occitan, François Fontan, partisan de l’indépendance de l’Algérie, était emprisonné comme porteur de valises pour le FLN algérien puis contraint à l’exil dans les Vallées occitanes de l’État italien. C’est donc logiquement que Renat Duran, fit venir François Fontan à Rodez, adhéra au PNO et y milita jusqu’à sa mort.

    Ouvrier agricole, chanteur de rock occitan, poète, philosophe situationniste, journaliste sportif et écrivain, il était avant tout militant politique et culturel notamment au Larzac en 1973. Le festival l’Estivada où la revue lo Lugarn, organe du PNO a un stand tous les ans ainsi que la célébration du 50ème puis du 60ème anniversaire de la fondation du PNO, nous donnait l’occasion de le rencontrer chez lui. Il nous organisait aussi dans le cadre de l’Estivada off des débats enrichissants. Outre ses multiples talents, sa personnalité était attachante et sa bonne humeur inébranlable. Pour nous, il était plus qu’un compagnon de lutte. C’était un véritable ami au sens fort du terme, un frère dont nous pleurons la disparition.

    Le Parti de la Nation Occitane en deuil présente ses condoléances attristées à sa veuve et à toute sa famille. Adieu, amic Renat. T’oblidarem pas

 Joan-Pèire Alari, coprésident du Parti de la Nation Occitane 18 août 2020

 RENE DURAND mon ami

Poème écrit durant

son enterrement le 20 août 2020

 René est mort

Ce n’est pas vrai

La vérité ment

La mort aussi

puisqu’elle est aussi la vérité

Elle a un long nez comme celui de Pinocchio

Regardez elle ne sait pas comment faire

pour se moucher

et sa morve de marbre coule sur le miroir derrière

le comptoir du bistrot

La longue liste des fantômes

qui entourent

notre unique verre de vin

s’est agrandie autour

de la table de la salle centrale

Ils sont tous là à boire

en même temps

Ils aspirent le pinard

avec des fils de scoubidous

tellement

ils sont nombreux

dedans et aussi dehors sur le trottoir

On entend leur aspiration

dans les hauts parleurs

On ne voit autour du verre

au centre de la table

que leurs pailles telles des épines

autour d’un bogue de châtaigne

Dans ce verre de vin unique

qui semble écartelé la table

nous mélangeons nos larmes

avec le sang d’un objecteur de conscience

d’un président du Parti national occitan

d’un situationniste silencieux

escorté de cailloux et de poèmes

Ouvrez vos oreilles

Écoutez vous tous qui êtes venus

à l’enterrement

René joue

sur une poêle tendue de fils électriques

au milieu des pots de chambre et des roues de vélo

Une grande machine à laver

toute bleue l’accompagne à plein régime

sur la scène

Avec un Papillon majuscule armé de clefs

il fait rire la Voie lactée

Entendez

il provoque des tremblements

de soleils et de géométrie

La nuit n’en peut plus

de vomir de la bière et des gouttes de vin

ressemblant à du sang

Aujourd’hui le ciel s’est agrandi d’une étoile

Écoutez-le je vous en prie

Il crie Il crache

Le ciel vient d’accueillir

un nouveau bébé dans son berceau de merde

et nous comptons à l’envers ses étoiles

pour ne pas nous tromper sur le nombre final

de l’infini qui en a assez de ne pas se finir

Sur les arbres des chevaux rouillés

traversent la nuit froide

des chiens des chats des coccinelles aussi

des malades de Cayssiols

des anges aux ailes coupées

délogés par les pigeons de la cathédrale

et tous veulent aussi boire en même temps

dans un verre de pinard

installé au centre d’un bistrot de Rodez

La table

la place

les musées

la gare sont devenus vraiment trop petits

pour toute cette troupe de fantômes

échappés du cirque triste

de la poésie de l’espérance ou du désespoir

car c’est la même chose

À Rodez les maisons ont toujours été mortes

avant d’avoir commencé à vivre

et les amoureux dévorent les yeux crevés de la nuit

comme des cerises volées à un opticien

se nourrissant exclusivement de lunettes et de lorgnons

La « lengua nostra » fait bouillir les sources

devant le feu qui vieillit

sous les casseroles

Sur la place les arbres font la queue

et se rasent le visage pour être propre

à la fête

car c’est d’un mariage

avec un mort qu’il s’agit

René

celui dont le nom dit qu’il est capable de renaître

une autre fois

casse maintenant toutes les vitres de l’univers

ignorant d’ailleurs

jusqu’à ce jour que cet univers possédait

des fenêtres

Quant à moi

je porte soigneusement

une de ces vitres rescapées

sur mes épaules

sans me tromper de trou

et sans me couper la tête

en prenant soin qu’elle ne se brise

Évidemment

ce trou est celui de la fosse commune

de tous nos éclats de rire

qui inventent justement des bouches

qui continuent à rire

alors que nous ne sommes plus là

au centre du bistrot

et que le verre se boit lui-même

en rotant parfois

faisant croire que nous sommes là

 Serge Pey

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