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Vie de La Brochure
2 novembre 2020

De Jean Malrieu à Jean Guilhem (1921-2002)

guilhem

J’ai souvent apprécié Jean Guilhem dont les fonctions à la préfecture du 82 étaient celle de Directeur de l’Administration Générale et de la Réglementation. Un titre étrange sans rapport avec son œuvre constante, celle de poète global. Je reprends en guise d’hommage cette préface à une plaquette poétique lancée, sur le thème de l’arbre quand la préfecture du 82 a quitté le centre-ville pour le parc Montauriol (depuis elle est revenue en son lieu d’origine !). Et parmi les poètes publiés le texte de Michel Ferrer.

J-P Damaggio

 Préface de Jean Guilhem

Il y a quelques années, Jean MALRIEU, l'auteur aujourd'hui disparu de «Vesper», du «Nom secret» de «La vallée des Rois»... m'avait adressé en guise de carte de vœux, un poème. Et comme pour s'en excuser, il avait ajouté ce bref commentaire : « Il faut bien que parfois la poésie envahisse la Préfecture». Qu'aurait-il pensé aujourd'hui de ce mois de Juin 78 où la Préfecture prit l'initiative d'une joute poétique, organisée au service, à la gloire de l'arbre et des forêts.

Bien que son œuvre ait beaucoup pris à l'univers végétal, il n'aurait peut-être pas été l'un des 413 (9/10e de scolaires, 1/10e d'adultes) qui nous ont adressé leurs écrits, ayant dépassé depuis longtemps le stade des petits lauriers et celui des compétitions-actions poétiques, mais il aurait sans doute aimé lire à nos côtés ces envois fervents. Son conseil nous a manqué. Et peut-être, comme nous, se serait-il posé là question : ceci eût-il été concevable, cette initiative aurait-elle eu un tel écho, du temps que les bureaux étaient au centre-ville ?

Oh ! Loin de nous, bien sûr, l'idée qu'il faudrait vivre parmi les arbres pour parler d'eux, en prose ou en vers, il arrive même que les poètes parlent mieux de ce qu'ils n'ont pas, mais comment ne pas marquer cette coïncidence ?

Ce signal aux poètes est parti du nouvel immeuble, situé à l'orée de ville, dans un parc aux arbres centenaires. Et le fait est qu'il a été entendu, au-delà des prévisions, au-delà des espérances. La poésie a franchi la grande grille.

* * *

Ce qui a fait le succès de l'opération, c'est sans doute pour une part sa nouveauté, c'est surtout, me semble-t-il sa cohérence, sa logique.

L'Arbre (mot dur mais douce réalité), est l'un des éléments de la Nature, qui est, quant à elle, — avec l'Amour et la Mort — l'un des trois grands thèmes chers aux poètes de tous les pays et de tous les temps.

Qu'on feuillette — c'est bien le cas de le faire — les anthologies, et les catalogues des disquaires, et on s'apercevra du nombre des poètes de l'écriture et de la chanson, qui ont été et sont aujourd'hui encore adorateurs et propagandistes de l'Arbre.

Ce qui a donné pleine signification à l'entreprise, c'est aussi probablement son opportunité : A en croire certaines confidences d'artistes ou d'écrivains Tarn-et-Garonnais, il semble bien en effet que la conjoncture était favorable :

-- les premiers considérant que l'écriture ne «suivait» pas et n'était pas au niveau des efforts et recherches des plasticiens,

— les seconds, créateurs démunis et perdus dans le labyrinthe de leurs pages manuscrites, estimant que personne ne faisait rien pour les aider à régler le sempiternel et lancinant problème de l'édition.

Bref, quelque chose était arrivé à maturité.

D'où ce concours réussi, d'où cette plaquette diffusée à l'entrée de la saison où les arbres perdent leurs feuilles et destinée à servir de rappel et de suite à la Journée printanière du 24 Juin 1978.

Plaquette ! Mot étriqué et minable (qu'on affuble parfois, au risque de pléonasme du qualificatif « petite ») alors que la poésie se veut suprême ambition capable d'embrasser et d'éclairer le monde !

Aussi pour faire éclater les limites de ce mince recueil, pour lui donner sa meilleure respiration, il nous est apparu nécessaire de brouiller les cartes en oubliant jusqu'à la genèse et la généalogie de cet arbre de poésie.

Préférence donc a été donnée au simple bouquet composé au hasard de la cueillette. Que les lauréats, déjà comblés, me pardonnent, puisque quelques-uns des non-élus trouveront en cette formule une apaisante compensation.

Que chacun, auteur ou lecteur, soit, en tout cas, attentif : Cette initiative presqu'insolite de l'Administration pourrait bien contenir promesse de fleurs nouvelles.

En ce qui me concerne, présentateur d'un jour, je n'ai voulu par ce propos liminaire, que certifier la Poésie conforme à l'arbre, que saluer l'annonce d'un renouveau de l'idée de nature sur le chantier culturel des régions.

Jean GUILHEM

 

L'ARBRE MORT

Il est dans la nature

     où toujours il vécut

un arbre invraisemblable

     que la mort a frappé

 

Figure de misère

     de douleurs érigé

c'est un totem de paix

     dressé sur les ronciers.

 

un grand noyer

    que l'automne gaulait

il n'est plus qu'une chose

    aux saisons immuable

 

Aux assauts ricanés

    du vent qui le brandit

il ne gémit plus

    il s'offre tout entier.

 

Plus n'est besoin pour lui

     de soleil et de pluie

Il n'a rien à donner

     qu'à montrer sa patience.

 

A Perry, près du bois

     où dorment les palombes

où s'insultent les geais

      et s'ennuient les hulottes

 

Au fond d'un large pré

     que limitent les ronces

il est un arbre mort

     sur un fond de ciel gris.

Michel FERRER

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