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Vie de La Brochure
24 mars 2021

Nawal el Saadawi, la grande féministe arabe, est morte trahie

Nawal el Saadawi

Ceux qui connaissent Martine Gozlan ne seront pas étonnés par son ton sévère, expression sans nul doute de sa douleur en apprenant ce décès. J'ai envie d'ajouter la question des rares traductions en France depuis les années 70, évoquées dans l'article. 

Sur Marianne Par Martine Gozlan

Publié le 22/03/2021 à 16:44

La plus grande féministe égyptienne et arabe vient de mourir à 90 ans. Tout ce pour quoi elle s’est battue est aujourd’hui trahi par les néo-féministes.

La face cachée d’Eve : c’était le premier livre, publié aux Éditions des femmes en 1983, sur lequel on se précipitait à l’époque pour en savoir plus sur la vraie vie des femmes dans le monde arabe. Signé Nawal el Saadawi, ce texte vibrant, documenté et autobiographique, constituait un implacable acte d’accusation contre les lois de soumission imposées aux filles d’Eve sur les bords du Nil. L’auteur, à qui on n’avait pas encore ajouté dans l’édition et la presse le « e » de la bonne conscience égalitaro- typographique, y recensait tous les combats à mener.

Elle était contre, Nawal. Contre le voile, contre la polygamie, contre l’excision que les différentialistes oseront, ici, déguiser en coutume. Elle était contre l’invisibilité, la vraie : celle qu’assigne le tissu à un sexe forcément coupable jusqu’à la racine des cheveux. Contre le droit coranique évidemment qu’une majorité de jeunes Français musulmans, à en croire un récent sondage, estime aujourd’hui supérieur au droit civil de la République.

BÊTE NOIRE DES ISLAMISTES

Médecin, Nawal avait déjà beaucoup publié avant d’être découverte par les lecteurs français. Son ouvrage La femme et le sexe, en 1972, vite interdit au Caire, et ses prises de position lui valurent d’être virée du ministère de la Santé et embastillée pour avoir bafoué «les valeurs qui s’opposent au déshonneur». Libérée par Hosni Moubarak, exilée aux États-Unis, elle revint finalement s’installer au pays natal. Pour lutter, encore.

C’est la bête noire des islamistes qui tentent de contraindre son mari à divorcer car elle est accusée de ne plus se comporter comme une musulmane. Cependant, son combat commence à porter ses fruits et l’excision est interdite sous la présidence Moubarak et l’influence de Jihane, l’épouse du président déchu. Un fait totalement passé sous silence dans l’actuel récit sur la révolution égyptienne. Cette loi, les islamistes qui arrivent au pouvoir en élisant Mohamed Morsi en juin 2012, veulent l’abroger.

Nawal el Saadawi, avait tout espéré de la révolution et elle rejoint avec enthousiasme la jeunesse de la place Tahrir en 2011. Deux ans plus tard, épouvantée par la régression des mœurs prônée par les Frères musulmans, elle soutient le renversement de Morsi et l’avènement du maréchal Sissi. L’homme était appuyé – on omet là encore de le rappeler – par des millions de manifestants anti-islamistes.

TRAHIE EN FRANCE ET AUX ÉTATS-UNIS

Depuis, Nawal el Saadawi était vilipendée par ce qu’il est convenu d’appeler «le camp progressiste». Ses dernières années, elle les a sans doute vécues dans une grande souffrance. D’abord en raison de la victoire de l’islamisme comportemental imposé par le nouveau maître de l’Égypte qu’elle avait pourtant soutenu. Ensuite parce que ses convictions perdaient du terrain à l’étranger, aux États-Unis qui l’avaient naguère traduite et célébrée, comme en Europe.

Car Nawal el Saadawi a été trahie outre-Atlantique par la «cancel culture» et, ici, par ses navrantes retombées françaises. Celles qui se drapent aujourd’hui dans la bannière du féminisme soutiennent le voile, comme lors de la manifestation contre «l’islamophobie» le 10 novembre 2019 à Paris. On avait pu y admirer Maryam Pougetoux, responsable de l’Unef mais aussi Caroline de Haas, d’Osez le féminisme ou Clémentine Autain. La liste n’est, hélas, pas exhaustive.

Heureusement, de nombreuses figures se sont dressées dans le sillage de Nawal el Saadawi. Au Caire, l’ardente Mona Eltahawy. À Tunis l’avocate Bochra Belhaj M’hida, ou encore Sonia Amdouni, juste libérée de prison. En Turquie ou en exil, Pinar Selek, Asli Erdogan, Nora Seni. À Paris, Zineb El Rhazoui, Fatiha Boudjahlat, Najwa el Haite, Lydia Guirous, Sonia Mabrouk, pour ne citer que ces valeureuses, qui affrontent en direct les obscurantistes, hommes et femmes, remarquablement en cour auprès des pseudo- progressistes. Ces mêmes obscurantistes verseront une larme pour Nawal el Saadawi dans les gazettes qui flétrissent «l’islamophobie» à chaque critique du voile. On ne se joindra pas ici au chagrin des hypocrites mais au combat des héritières.

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