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Vie de La Brochure
31 juillet 2021

Mon père, champion des pêches

dixired

Pour combler le vide d’un décès il ne reste que les souvenirs et je veux aujourd’hui conter un souvenir de pêche. J’aurais pu choisir la poire, la prune, le raisin ou les cerises mais c’est la pêche.

Et pour aller à l’essentiel je prends la pêche en fin de vie quand dans le sellier il fallait la calibrer. Raconter tout le chemin à parcourir pour en arriver à ce fruit merveilleux serait prendre en compte une année de vie et ici telle n’est pas mon intention.

Juste le moment où la pêche, dans son alvéole, rejoignait son destin. J’avais dix, onze ans, je ne me souviens pas du nom des calibres, peut-être A, B, C, mais par contre j’ai bien en tête les noms des variétés qui scandaient un été. Dixired, J-H Halle, Red Aven, Alberta, on disait les pêches américaines qui avaient détrônées les variétés françaises, qui depuis ont pris leur revanche. Est-ce bien l’Alberta qui, pouvant se dénoyauter à merveille servait à faire des bocaux pour l’hiver ? Même en bocaux une pêche est incomparable.

Bref, la pêche dans le plateau, les plateaux qui s’entassent dans le sellier à l’odeur inoubliable et alors tout était prêt pour le dernier voyage quand les plateaux étaient chargés sur l’Aronde camionnette. Mon père me disait : En route pour la SICA de Caussade.

La route le rendait toujours bavard ! Là c’est la maison de Vitriu, là l’usine de Lacaze et là le collège où tu seras bientôt.

pêche 1

Nous déposions le chargement mais pas avec une machine car les plateaux n’étaient pas sur une palette. Délicatement plateau par plateau. Puis mon père partait dans les bureaux chercher un justificatif. Un si beau chargement juste pour un justificatif.

Si je raconte ce souvenir c’est pour la pause qu’il décrétait ensuite.

A côté de la SICA il y avait un café où il avait plaisir à s’arrêter pour commander un demi-panaché. Pour moi je pense que c’était une limonade. Mais peut-être à un moment m’a-t-il jugé assez grand pour un panaché ? Les jours fastes il commandait aussi un petit pot en papier, avec une petite cuillère : vanille-fraise.

J’avais dix, onze ans et je le sais car ensuite un fil s’est coupé. Il a quitté la SICA de Caussade pour Rodolausse à Albias et là il n’y avait plus de café.

Papa, je ne t’ai jamais posé la question : Pourquoi un panaché ? On ne commande pas au café, une boisson au hasard, sauf le café à l’heure du café. Alors pourquoi un demi-panaché ?

J’en suis réduit au jeu des hypothèses en commençant par les plus matérialistes : le panaché était moins cher qu’un demi, plus sucré à cause de la limonade, à moins que tu aies voulu être fidèle à la boisson de tes vingt ans. Il existe parfois des réflexes inconscients surtout quand on a eu une vie panaché ! Au quotidien tu fus un Français mais dans tes rêves tu es resté un Italien. Parfois le quotidien l’emporte sur le rêve et parfois c’est l’inverse. Pour ceux qui préfères un demi car ils ont tiré un trait sur leur Italie, la vie était peut-être plus simple. Ce ne fut pas le cas de la tienne ; Surtout à la mort de ma grand-mère quand, les larmes aux yeux, tu as dit : « je vais devenir chauffeur-routier». Comme toujours ma mère était là pour te ramener sur terre, et le cultivateur est devenu vendeur sur le marché de Caussade et de Montauban. La très grande majorité des cultivateurs n'aiment guère perdre du temps sur les marchés. Ce n'est pas leur métier. Toi, tu as compris tout petit, qu’il te faudrait t'adapter et avec joie tu t'es partagé; dans les champs puis devant ton bel étalage. Ta vie fut panachée et il nous reste les souvenirs. Jean-Paul Damaggio

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