Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vie de La Brochure
28 janvier 2022

Bourdieu le Gascon

Bourdieu

Parmi les liens signalés sur ce blog il y en a un sur les langues qui offre une partie des ses articles. Je ne peux reprendre que cette partie écrite par Michel Feltin-Palas. Mais c’est déjà instructif. J-P Damaggio

  

"C'est une phrase que l'on croirait prononcée par un autre, mais non ; c'est bien Pierre Bourdieu qui en est l'auteur. "Quand je descendais dans mon pays, quand j'arrivais à Dax et que j'entendais l'accent, ça me faisait horreur, ça me faisait physiquement horreur... Or, c'est l'accent que j'avais", déclarait-il en 2001 dans un film qui lui était consacré (1). Pour un intellectuel qui a soigneusement analysé les stratagèmes utilisés par les groupes dominants pour imposer dans la société leur manière de parler, on admettra qu'il y avait là comme une légère contradiction.

On ne peut la comprendre sans se pencher sur la vie de Bourdieu, né en 1930 dans un milieu modeste. Le futur sociologue grandit à Denguin, dans un village des Pyrénées-Atlantiques où le gascon est encore omniprésent. "Il disait que son père était "fonctionnaire", ce qui est formellement exact, à ceci près qu'il était facteur rural à pied et percevait une prime de chaussures. Cela montre que, s'il était fier de son parcours social, il en a aussi beaucoup souffert", souligne le linguiste Bernard Laks, qui l'a longtemps fréquenté. 

 Brillant élève, Bourdieu fréquente bientôt le lycée Louis-Barthou, prestigieux établissement de Pau où les enfants de la bourgeoise mènent parfois la vie dure aux enfants d'origine rurale. Puis le voilà à Louis-le-Grand, à Paris, où il prépare le très redoutable concours de L'Ecole Normale Supérieure. Le décalage entre cet enfant issu des classes populaires et ses condisciples est encore plus grand. C'est alors qu'il abandonne définitivement ses intonations béarnaises. "Quand on vient d'un petit milieu, d'un pays dominé, on a de la honte culturelle. Moi, j'avais honte de mon accent, qu'il fallait corriger", reconnaît-il dans le même film. "Il m'avait expliqué que c'était un passage obligé, reprend Bernard Laks. Il savait qu'il avait une chance d'entrer à Normale Sup, mais que, pour cela, il lui faudrait perdre son accent au plus tôt." 

 Nul ne saurait évidemment le lui reprocher : s'il n'avait pas fait ce choix, il n'aurait pu mener la carrière qui fut la sienne. En revanche, on peut s'étonner qu'à la fin de sa vie il ait encore eu "son accent en horreur", lui, le grand sociologue de la domination internationalement reconnu ! Il en avait conscience, d'ailleurs, puisqu'il ajoutait : "Moi, je ne devrais pas. C'est mon boulot de comprendre cela, c'est mon propre accent. Or, je ressens cela comme affreux.""

Publicité
Publicité
Commentaires
Vie de La Brochure
Publicité
Archives
Newsletter
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 1 024 847
Publicité