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Vie de La Brochure
9 avril 2022

Sociologie de LFI ?

populisme de gauche

Voici une présentation sur la revue Esprit d'un livre sur la socioilogue de la France insoumise. Je ne le commente pas aujourd'hui seulement pour retenir qu'il n'a pas échappé que le drapeau de la couverture est celui de 2017 et que depuis le 2022 a changé comme la ligne politique de LFI. Qaunt à savoir ce que sera celui de 2027 bien malin qui peut le dire ! A suivre JPD.

P.S. Par déontologie je n'achète jamais de livres publiés par La Découverte.

 

Le populisme de gauche. Sociologie de la France insoumise

de Manuel Cervera-Marzal

Par Xenophon Tenezakis

 Cet ouvrage richement documenté et fouillé a une double ambition : d’une part, présenter les lignes de force sociopolitiques du «parti-mouvement» que constitue La France insoumise (LFI), d’autre part, intégrer cette analyse à une théorisation plus large du populisme.

Le premier intérêt de l’ouvrage est de présenter la genèse, pas toujours connue, de LFI ; de la façon dont les lenteurs du Front de gauche (coalition de partis ancrés à gauche qui s’est présentée aux élections de 2012) ont incité Jean-Luc Mélenchon à en partir et à développer, à partir du Parti de gauche (parti qu’il a fondé après son départ du Parti socialiste), un nouvel objet politique plus souple et davantage adapté, selon lui, à la conjoncture. Cet objet, ce sera La France insoumise, organisation créée spécifiquement pour les élections de 2017, qui s’axe sur l’opposition à une certaine élite désignée comme «caste» financière globalisée, et qui met en sourdine la référence à la gauche au profit du peuple. On retrouve ici la stratégie populiste.

Mais ce n’est pas une simple reprise de la philosophie du populisme de Chantal Mouffe et d’Ernesto Laclau, ni une copie de ce qu’a pu faire Podemos en Espagne. Il s’agit plus précisément de prendre acte de la fragmentation de la classe ouvrière qui faisait le lit électoral du Parti communiste, sans pour autant renoncer à politiser la classe ouvrière au profit seulement des classes moyennes supérieures urbaines, comme le fera le Parti socialiste. On pourrait donc reconstituer un électorat de gauche en s’appuyant sur les classes urbaines qui dépendent de réseaux divers (de transports, de production, de communication, etc.) pour leur existence et sont touchées par les nouvelles formes du capitalisme (affaiblissement des services publics et des solidarités, précarité, chômage, déclassements de toutes sortes).

S’adresser à cet ensemble social divers nécessitait, pour Mélenchon, un autre type d’organisation, élaboré avec ses proches. Cette organisation est qualifiée par M. Cervera-Marzal d’«anarcho-césarisme». Dans une société où les structures intermédiaires sont affaiblies et où les médias de masse, y compris Internet, jouent un rôle essentiel, c’est l’image du leader qui porte le parti. D’où l’importance de centraliser et d’assouplir le plus possible la direction et la communication politiques du mouvement. Mélenchon et un groupe de proches (Mathilde Panot, Alexis Corbière, Éric Coquerel) gouvernent LFI par cooptation, sans démocratie de parti. Il n’y a pas dans LFI une diversité de courants; la répartition des responsabilités et pouvoirs est relativement opaque. C’est l’élément césariste.

Mais il y a aussi un élément anarchique : Mélenchon ne donne pas d’ordres explicites aux militants, mais des orientations générales, dispensées par exemple sur Twitter ou Telegram. Une marge d’action importante est laissée à chacun. Il n’y a pas de validation des actions a priori mais, en l’absence de lignes rouges, une action ou décision peut être invalidée a posteriori, laissant ainsi les militants dans un certain trouble. La mise en œuvre fidèle des consignes sera rétribuée en retour, symboliquement ou matériellement. Mais des remises en cause imprévues peuvent toujours arriver. Est ainsi décrite de façon troublante une forme de société de cour mise en place par Mélenchon. Pour éviter la création de fiefs et d’une aristocratie susceptible d’opposition, des générations de jeunes ambitieux bénéficient régulièrement d’une ascension et reçoivent pendant un temps des responsabilités importantes, puis sont mis en concurrence et enfin mis de côté. Cet effet de lessivage permanent permet l’arrivée de nouveaux talents sans que jamais ne se stabilise aucune écurie concurrente.

Cette organisation s’adapte aussi au nouvel individualisme des temps. Il s’agit de proposer un engagement sans limitation et sans contrainte ; on n’adhère pas à LFI, on vient participer selon ses envies à des groupes d’action. Ceux-ci sont essentiellement actifs en temps d’élections, et se réduisent au noyau de militants les plus convaincus en dehors. Essentiellement axés sur des modalités classiques de militantisme (tractage, collage d’affiches, etc.), ils n’en utilisent pas moins également des formes plus innovantes, comme l’atelier des lois, qui consiste à rédiger de façon participative une loi sur un problème donné, loi qui pourra venir nourrir le travail des députés LFI. Ou encore le porte-à-porte, qui a permis dans le cas de François Ruffin de réveiller les sympathisants potentiels de LFI dans sa circonscription. Cependant, le pouvoir de ces groupes d’action est faible, car ils disposent, faute d’adhésions, de peu de moyens. Ils doivent essentiellement s’autofinancer, ce qui limite aussi la participation massive de militants d’origine populaire. Le parti met également peu de moyens dans la formation des militants. Cette insuffisance des ressources, en plus du manque de pouvoir des militants et de l’opacité organisée de la structure du parti, favorise la désaffection des militants très engagés.

Cet ouvrage a aussi le mérite de contrebalancer certaines idées reçues. Tout d’abord, il rappelle, contre les formes de rapprochement entre LFI et le Rassemblement national, l’ancrage du projet de LFI à gauche. L’appel au peuple n’est pas quelque chose de nouveau pour la gauche, ni l’opposition au capitalisme. Par contre, cette opposition est mise en œuvre dans un projet de planification écologique, en référence à l’éco-socialisme. L’usage des symboles nationaux se fait, lui, en référence à la Révolution française. Enfin, l’importance du programme «L’avenir en commun», diffusé sous forme de livre, réactive une référence importante de la gauche, celle du programme commun de la gauche dans les années 1970.

Ensuite, l’auteur réfute l’idée d’une porosité entre l’électorat de LFI et celui du RN. Contrairement à l’électorat des Républicains ou de La République en marche (mobilisant davantage des classes aisées, anciennes ou nouvelles selon le cas), ou encore du RN (mobilisant essentiellement des ouvriers et employés), l’électorat de LFI est interclassiste, et plus jeune que celui des autres partis. Il comprend ainsi de façon relativement équilibrée à la fois des individus issus des classes populaires et des classes moyennes supérieures. Le propre de cet électorat est à la fois de se sentir déclassé en rapport à son niveau de diplôme, tout en partageant une conception progressiste du monde, à l’opposé d’une vision identitaire. Ce caractère interclassiste est permis par la persistance de références de gauche, mobilisant les classes moyennes éduquées, mais aussi par un discours plus agressif, revendicatif et véhiculant davantage d’affects, incarné par Mélenchon. Ce discours est plus proche de l’ethos des classes populaires, mais éloigne des classes moyennes éduquées plus attirées par un discours apaisé et jouant sur la rationalité. Dans son ensemble cependant, l’électorat de LFI est volatil, plutôt abstentionniste, et peu fidèle à un parti déterminé, s’évaporant facilement d’une élection à l’autre. D’où les déconvenues récentes du parti, aux européennes par exemple.

Toutefois, cet ouvrage ne se limite pas à une étude de LFI, mais comporte aussi l’ambition de théoriser de façon plus précise le phénomène populiste. M. Cervera-Marzal, qui assume son positionnement à gauche du spectre politique, propose ainsi de se cantonner au concept de populisme de gauche, à savoir une action fondée sur la parole d’un leader charismatique, une mise en opposition des élites et du peuple, et une lutte contre le productivisme et le capitalisme. Cette action s’appuierait sur les mobilisations sociales, et reprendrait aussi certains symboles qui étaient l’apanage de la droite pour en faire des symboles de gauche. Elle mettrait en avant les affects autant que la raison.

Cependant, cette mise de côté du concept de populisme au profit d’un populisme de gauche a quelque chose d’artificiel : si le populisme peut être de gauche, il peut être aussi de droite. En enlevant de la définition du populisme de gauche les éléments se référant à un projet progressiste (réduction des inégalités, vision plurielle de la nation), on retrouve une stratégie qui peut aussi être utilisée de façon identitaire. Le caractère protéiforme du concept de populisme est sans doute dû aussi à l’impossibilité de fixer de façon définitive, du point de vue descriptif, des concepts qui relèvent toujours aussi d’éléments normatifs, et sont donc sujets à des polémiques. Il y va ainsi, dans l’ouvrage de M. Cervera-Marzal, d’une volonté d’ancrer fermement le concept de populisme à gauche, en rejetant les populismes dits de droite du côté du nationalisme et du chauvinisme.

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