Les partis sont partis, J-Cl Héral

Jean Claude Héral évoque ici la commune de Réalville, ma commune. Il a en effet était socialiste jusqu’aux élections régionales de 1998 quand il refusa de s’aligner sur les décisions de J-M Baylet imposées au PS local. Il créa sa propre liste qui échoua et ensuite, à côté de son métier, il est devenu chroniqueur hebdomadaire sur Le Petit Journal. Il évoque avec émotion une période que j’ai bien connue (j’étais membre de la cellule communiste qui revendiquait en effet 70 ou 80 membres mais qui n’avait cependant que 20 membres actifs ce qui était déjà beaucoup). Je ne pense pas comme lui que le phénomène soit strictement français et seulement causé par l’individualisme ambiant, mais son propos invite à réfléchir.

J-P Damaggio

 Partis… pris

J'ai participé, avec beaucoup d'autres, à la construction du PS avant 81. J'ai participé, avec beaucoup d’autres, à l'élaboration du projet : Changer la Vie, qui a servi à composer les 110 propositions de François Mitterrand et à gagner les élections présidentielles. Ce que je retiens de cette période, c’est cette myriade de réunions, de colloques, de conférences où les gens venaient, avec enthousiasme, participer. Ils n'étaient pas tous socialistes. Mais, ils amenaient leurs compétences, leurs vécus, leurs attentes. Il s’est ainsi bâti une communauté suffisamment puissante pour que la gauche gagne cette élection et gouverne .Le Parti avait des relais de sections sur quasiment l'ensemble du territoire. Dans mon village d’un millier d'habitants, la section socialiste comptait une cinquantaine de membres, la cellule communiste en revendiquait 70 ou 80. Ce qui, en potentiel électoral, représentait la moitié de la commune. Aujourd’hui, la commune vote à plus de 60 % Le Pen. Les seuls immigrés sont d'origine italienne, espagnole ou portugaise. Pas de voile, pas de burqa ni de burkini à l'horizon. Le conseil municipal de l’époque comptait 15 membres, 12 socialistes encartés, 3 radicaux encartés. Pourquoi je vous raconte cette histoire ? Parce qu’elle est représentative de ce qui s’est passé dans notre pays ces trente dernières années. La disparition des corps intermédiaires qu'étaient les partis politiques, les syndicats, les associations, les églises etc. Il n'y a plus de section socialiste, ni de cellule communiste dans mon village et l’église est vide. Vous avez sans doute remarqué que les candidats aux élections, locales, régionales ou nationales se parent d'étiquettes exotiques, comme s’il était honteux d’être PS, PC, LR. Je ne cite pas RN et LFI car il y a parfois tromperie sur la marchandise. La disparition de ces corps intermédiaires a plusieurs conséquences. La première : c'est la formation de relais d'opinion, de militants d'où se dégageaient des élites qui avaient une colonne vertébrale politique, le sens des responsabilités, du dialogue, de la solidarité. Et, ils avaient des comptes à rendre à leurs camarades. Cela n’existe plus. De plus, l’assemblé nationale, hormis Mélenchon, n'a plus de grande voix. La recherche du consensus a fait place à l’affrontement, à l’obstruction et à l'invective. La seconde ! L’information qui infusait à travers ces structures passe directement par les médias et pire par des réseaux dits sociaux. L'information est donc la traduction du ressenti de celui qui la diffuse en supposant qu’il soit de bonne foi ? Alors, chacun peste devant ses écrans, se dit isolé, pas consulté ... Toutes les statistiques prouvent que le Français s’est volontairement isolé, notamment par le choix de son habitat et sa non participation à la vie de la cité, à laquelle il reproche de ne pas être invité. Ce comportement individualiste et toujours protestataire pourrait bien nous entraîner dans une catastrophe démocratique. Quel généticien pourrait m’expliquer d'où nous vient ce chromosome typiquement français ? S’il l’isole, merci de bien vouloir le transmettre à madame Élisabeth Borne.... Elle va en avoir besoin !!!

Jean-Claude Héral 20 mai 2022