L’extrême-droite en Europe de Marine à Zemmour

En 1984 en entrant au Parlement européen le Front national bouscule l’histoire pour longtemps. Un fait circonstanciel est aussitôt devenu un fait structurel, ou si vous préférez en langage politique : un effet tactique est devenu une réalité stratégique.

En 1981 l’arrivée de ministres communistes à la tête de la France a achevé une histoire finissante (même si le fait se reproduira en 1997) et la politique ayant horreur du vide, la chute du PCF a favorisé la montée du FN, sans qu’il y ait pourtant un lien direct entre les deux (sauf pour les esprits simplistes).

A partir de 1984 le PCF n’a jamais cessé de pointer le moment de sa remontée qui n’est jamais venue, alors que le FN n’a jamais cessé de s’imposer alors que des observateurs voyaient venir sa fin.

La France fut donc pionnière en matière de mutation de l’extrême-droite. Il existait des groupuscules en Italie, Allemagne mais l’électorat FN, en le sortant du statut de groupuscule, a bousculé l’histoire.

Depuis, des partis d’extrême-droite se sont imposés de manière plus ou moins forte, avec des hauts et des bas, un peu partout en Europe.

Je ne vais pas détailler ici cette histoire, pour pointer la nouveauté de 2022, qu’il faudrait déjà oublier : le phénomène Zemmour.

Pour une part il ne s’agit pas d’une nouveauté, le FN ayant eu à affronter de manière répétitive plusieurs scissions qui ont toutes échouées.

Pour une part il s’agit d’une nouveauté car elle renvoie à une division de l’extrême-droite à l’échelle européenne.

Dans l’actuel parlement européen il existe deux groupes d’extrême-droite qui ont tenté de fusionner sans succès malgré l’enjeu considérable de la question. En fusionnant les deux groupes accédaient à une force de frappe beaucoup plus grande : l’accès à un poste de vice-président !

De manière tactique mais aussi stratégique le cas Zemmour est venu confirmer cette division de l’extrême-droite et en conséquence la France est à nouveau devenue pionnière sur ce point. Vox en Espagne préfère Zemmour à Marine.

Qu’est-ce qui différencie Zemmour et Marine ? Le retour avec Zemmour d’un langage d’extrême-droite plus cru, plus classique, allié cependant à un désir plus modéré d’alliances avec la droite?

La réponse est plus simple : comme toute force politique installée et le RN est installé, elle se divise ! Sauf que le FN, conscient de ce problème structurel, a toujours préféré éliminer la concurrence, plutôt que de s’unir à elle pour marquer des points. Le parti d’abord, son destin, plus tard.

Zemmour a perdu par l’effet du mode de scrutin, mais il a confirmé ce qui est révélé par le parlement européen : il existe bien deux extrême-droite et celle de Zemmour a eu un résultat paradoxal, vu qu’elle est plus dans le sens de l’histoire que celle du RN !

Celle du RN vient de la base à savoir un électorat enraciné.

Celle de Zemmour vient des médias, comme Macron et comme Mélenchon ! Zemmour, Macron et Mélenchon ont très peu de relais à la base et les médias qui veulent faire la politique à eux seuls, les aiment bien et inversement, ils crachent sur le RN et sur Marine qui ne sait pas débattre à la télé etc. sauf que son électorat est le plus solide !

Je me souviens de Georges Marchais devenu le chouchou des médias qui ainsi savaient qu’ils portaient un coup au PCF. Jean-Marie Le Pen a ensuite été l’homme de l’audimat mais sans que pour autant les médias portent un coup au FN !

La campagne des législatives est de ce point de vue un cas d’école : parce que Mélenchon opte pour un coup médiatique (élisez moi premier ministre) les médias lui renvoient l’ascenseur, et ils en font l’homme de l’élection alors qu’il n’est pas candidat ! Comme si Marine et Macron avaient disparu !

Nous sommes face à ce paradoxe : alors que Zemmour, Macron et Mélenchon marginalisent la démocratie en créant un fossé entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux, le RN peut négliger le pouvoir central lui préférant un ancrage local (présent à toutes les élections départementales), et joue donc la démocratie !

Et avec NUPES on a découvert un renforcement à gauche de ce fossé : quatre dirigeants politiques décident des candidats aux législatives sans rien demander à la base ! Le seul souci de Mélenchon : préparer les prochaines présidentielles en étant dès le premier tour le seul candidat à gauche pour arriver ainsi au second tour et peut-être contre Marine Le Pen pour avoir ainsi quelques chances de gagner. Déjà en 1981 Mitterrand était un piège pour la gauche (je l’ai compris bien après), et voilà qu’en 2027 son admirateur veut tenter la même opération. Pendant ce temps le monde entier devient trumpiste même là où les trumpistes ne sont pas au pouvoir! Vive l’avenir. Et les médias, dont Trump est l’enfant, vont lever les bras au ciel pour nous faire pleurer ! J-P Damaggio

P.S. Au sein de la France Insoumise un élu est à contre sens, François Ruffin dont le pouvoir vient de la base.