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Vie de La Brochure
3 août 2022

La Rotonde vue par César Vallejo

rotonde

 

J'ai déjà croisé La Rotonde, ce café mythique, et Foujita, dans mon livre sur Zadkine. Il est amusant de voir le portrait des lieux fait par Vallejo qui avec l'article a pu publier les deux dessins. J-P D

La Rotonde vue par César Vallejo

 Voici cet hypogée ambigu, planche irisée, alvéole bruyante d’un groupe cosmopolite. Voici le café sonore, aimé des artistes, des clochards, des snobs et des jupes incertaines, entre Mimi et Margarita, entre grisette et garçonne.

La Rotonde ! Le boulevard Montparnasse, sous la nuit d'automne avec sa pluie triste, et avec les temples veinés de câbles subaériens qui, des baies, viennent se relayer à travers les châtaigniers du boulevard autour des silhouettes qui passent et autour de l'escargot de la pâle oreille perdue de l'exil.

La Rotonde ! Étrange feu de joie, de flammes de vilo [ ?], dans le mont des oliviers de la nuit.

La Rotonde ! Voici les longs et interminables canapés chauds ; les toiles furieuses de la dernière exposition NOVIESPACIAL ; le maître d'hôtel, avec la jaquette correcte et la paille ou mouche, de la moustache. Une foule polyglotte envahit les dancings, les salles d'amourette et les terrasses. On y voit Aichia, la Sénégalaise riant sous son turban bleu-vert, alors qu'elle pose pour l'Académie Montparnasse ; ce Suisse triste, au turban blanc drapé à la manière de Haiderabad... Vers ce coin, où deux Anglais grenat et innocents ont le cœur d'abricot, se trouve la figure ronde de Foujita, le peintre japonais, aux larges lunettes d'écaille, à travers lesquelles se perchent ses yeux expressifs et jubilatoires. Entre alors Mme. Lourioty du théâtre Pitoeff ; tandis que viendra plus tard Hilda de Nys, la belle chanteuse qui a récemment donné une magnifique audition de Wagner, et à l'aube presque, Emilienne d'Alençon, avec son violon d'Ingres.

La Rotonde ! Le café où Maurice Maeterlinck aime habituellement bavarder ; découverts ses longs cheveux de neige, avec le non moins âgé Enrique Gomez Carrillo, qui lui est inséparable ; où avec Claudio Farrère passe, d'une pâleur distinguée, un crépuscule pluvieux, reposant et contemplatif sur le continent ; et où Tristan Tzara, Max Jacob, Pierre Reverdy et tout le cœur dadaïste boit et jubile à travers les galeries, avec leurs masques d'absurdes voleurs de hasard,

Une physionomie assez facétieuse occupe cette place au mélange bruyant et nerveux au prestige saturnal; une mèche tressée de plusieurs peaux orageuses de l'artiste semble y brûler; du millionnaire excentrique, qui vient par curiosité voir des effigies importantes; de la femme moderne et parisienne ; du pèlerin et du sybaritique, hypogée ambiguë, dis-je, alvéole bruyante de la gale cosmopolite, où il y en a de cachés qui nous provoquent une blessure intime et ineffable.

Le cœur est assis ici, à sa place gauche ; il se secoue comme une boîte d'allumettes pour voir s'il y a des cendres dedans, et toute la nuit il brûle ses bâtons jaunes. La pluie a continué à tomber, et parfois un bâton a coulé en grosses gouttes de graisse sucrée [ou douce je ne sais].

Mais voici, le grand peintre espagnol, mon ami ultraïste, Francisco Miguel, qui entre, déjà très tard :

« Tu connais la dernière ?... Julio Herrera Reissig est le père de Vicente Huidobro !" À plus tard !... »

J’ouvre devant moi le dernier numéro du dernier magazine d'art espagnol, Alfar, dans lequel je lis une critique de Guillermo de Torre : « Antécédentes del creacionismo : Julio Herrera Reissig ».

Et une conversation plus inquiète commence dans la Rotonde.

(El Norte, 22 février 1924)

Le café du dôme par Touchanges

Touchanges

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