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Vie de La Brochure
21 octobre 2022

Léonard Cohen fête de l'huma 74

Leonard Cohen 74

Voyage dans le passé du Vendredi. L'Huma-dimanche de juillet 1974 présente Léonard Cohen qui va passer sur la grande scène de la Fête. J'aimais beaucoup Candida le Bris qui a rédigé cet article mais à l'époque je n'avais rien à faire de Léonard Cohen. Il m'a fallu attendre vingt ans de plus pour goûter son art ! Or au moment où il chantait je travaillais aux USA !  Sur la photo il est très jeune et ce rappel est un clin d'oeil à un film qui vient de sortir. J-P Damaggio.

 

Cohen Huma

Un grand nom de la prochaine Fête de l’Humanité : Léonard Cohen. Léonard Cohen, c’est un peu un point d’interrogation. On le connaît, on le célèbre, on l’admire, et personne ne peut prétendre l’avoir cerné tout à fait. Pas même lui, sans doute...

Etrange quête, maladroite. Ecouter la voix un peu triste, lire les textes, partir à la recherche des (rares) entretiens qu’il a accordés.

« Léonard Cohen est, aux Etats-Unis, considéré comme un romancier important. »

« Ce poète canadien de langue anglaise se situe aux côtés de Bob Dylan et d’Allen Ginsberg. »

Lire d’abord « The favorite Game » (1962). Peut-être la clé de beaucoup de choses. « The favorite Game » — le jeu favori — est son premier roman. Autobiographique.

« Wesmount se compose de grandes maisons de pierre et de beaux arbres disposés au sommet d’une colline comme pour humilier davantage les classes les moins favorisées. » Wesmount. banlieue de Montréal. Léonard Cohen y naît en 1934. Etudes primaires, secondaires et supérieures. Diplôme d’Histoire à l’université Mc-Gill. Enfance sans problèmes. Rien à voir avec Bob Dylan, qui multiplie les fugues dès l’âge de dix ans. Dans « The favorite Game », Lawrence Breavman (Léonard Cohen) va danser au Palais d’Or. « Les danseurs étaient catholiques, canadiens français, antisémites, antianglais et belliqueux. » Yvette, sa cavalière, demande à Breavman- Cohen : « Vous êtes Anglais ? — Non, je suis juif. » Cette particularité est la réalité première de Cohen. « A Montréal, chacun a une conscience de minorité : les Anglais sè sentent une minorité, parce qu’ils en sont une au Québec ; les Français se sentent une minorité, parce qu’ils en sont une au Canada ; les juifs se sentent une minorité, parce qu’ils en sont une partout... Il y a donc cette sorte d’entraînement à vivre parmi des gens inquiets de leur sang, qui m’a rendu extrêmement conscient de mon judaïsme » (1). Le père de Breavman-Cohen meurt lorsqu’il est très jeune. La mère est excessive, étouffante, possessive. L’univers rappelle celui qu’évoque Philip Roth dans « Portnoy et son complexe ». « The favorite Game » contient, avec ses souvenirs d’enfance et de jeunesse, l’été possible d’un Léonard Cohen avide d’amour, éternellement curieux de la femme. A travers les jeux enfantins qui copient d’une façon atrocement naïve les inquisitions nazies, il découvre l’autre, et son corps. Elle s’appelle Lisa. Après, elles s’appelleront Heather. Tamara, Shell.

Juif, historien, amant, poète : ses réalités. On les retrouve au fil des poèmes, ou des chansons. Poèmes, chansons ? « Il y a toujours eu une guitare invisible derrière toute mon œuvre, que ce soit dans ce qu’« ils » appellent prose, ou dans ce qu’« ils » appellent poésie, qui sont des distinctions que je n'ai jamais faites moi-même. »

A vingt-deux ans, un premier recueil de poèmes : « Let us compare mythologies ».

Cinq ans s’écoulent — il est à New York ou à l’université de Columbia — et sort alors son second volume « The Spice Box of Earth ». Celui-ci, ainsi que le troisième recueil « Flowers for Hitler » (1964), son premier roman « The favorite Game » (1963) et « Beautiful Losers » (« Les perdants magnifiques ») sont écrits à Hydra, une petite île grecque. « Du bateau, j’ai vu les murs blancs, le linge qui séchait au soleil, alors j’ai débarqué. Quelqu’un m’a offert une maison. J’ai rencontré une fille et je suis resté » (2). La Grèce, la maison, la fille inspirent «Songs from a room» : chansons venues d’une chambre. Cet album, qui n’est pas le premier mais qui, pour certains, lui ressemble, contient les thèmes favoris de Cohen : mysticisme (« Story of Isaac »), amour (« You know who I am »).

Admirateur de Dylan. Cohen n’a pas de point commun avec lui, sinon qu'ils se refusent, l’un comme l’autre, à porter une étiquette. Léonard Cohen n’a jamais voulu s’intégrer à une quelconque démarche folklorique. Pourtant, « Suzanne » devient un classique du folk-song américain, ainsi que « Bird on the wire » (L’oiseau sur un fil ). C’est la chanteuse Judy Collins qui, ayant inscrit plusieurs de ses chansons à son répertoire, révèle Léonard Cohen au public américain lors du « Newport Folk Festival » en 1967.

Chanteur « révolutionnaire » ? Non plus, bien qu’il y ait de l’« engagement » dans certains de ses textes : intérêt pour l’indépendance du Québec et l’extermination indienne dans «Les perdants magnifiques», ce roman convulsif écrit à Hydra, qu’il quitte lorsque les colonels fascistes prennent le pouvoir en Grèce : « ...Je ne veux pas que ce départ soit tout de suite interprété comme simplement un geste politique. J’ai senti que ce changement de régime était te signe extérieur de changements bien plus profonds qui affectent les nations et les individus.» Ambiguïté ? Lui-même ne parvient pas à cerner les problèmes : « ...en un sens, nous combattons tous, en un autre, nous collaborons tous, et je ne sais pas qui est l’ennemi... » Pourtant, il chante « The partisan » dans « Songs from a room », une chanson dont il n’est pas l’auteur mais qui rend hommage à la résistance française, et aussi « The old revolution ». Il se rend dans la baie des Cochons, à Cuba, en 1962, lors du putsch manqué de la CIA. Plus tard, il précise : « J’ai fait en réalité beaucoup de choses, en tant qu’individu privé, que je n’ai pas l’intention de rendre publiques. » Et encore : « Ma «mythologie» personnelle du courage et de la bravoure, c'est la Guerre civile d’Espagne, la Résistance française et... les camps de concentration. »

Soucieux de rester malgré tout en deçà, Léonard Cohen surprend par la force de son langage, l’honnêteté qu'il met à traduire le plus justement possible ses sensations. Il y a quelque chose d’éternellement écorché dans ses personnages, ses amours. De lointain et d’inaccessible aussi. Une sorte d’impuissance à saisir réellement l’instant, les êtres, ou à les retenir. Le besoin de les posséder, celui, aussi impératif, de les détruire. « Lorsque je parle du bonheur, cela sonne faux. »

Ce désespoir pudique est présent dans sa musique : douce, lente, nostalgique. Des ballades. Une manière de chanter amère, ironique. L’accompagnement à la guitare sèche accentue le caractère intimiste de son œuvre, qui comprend aussi bien romans et poèmes que chansons, les unes ne pouvant se dissocier des autres.

Aujourd’hui, Léonard Cohen mène ces deux carrières qui n’en forment qu'une : écrivain et auteur-compositeur anglophone, dans une ferme du Tennessee. « Je n’ai pas le goût de combattre des taureaux ou d’escalader les montagnes, alors, mon épreuve à moi, ce sont les feux de la rampe, la scène. Pour qu’on puisse dire en m'entendant : voilà la voix, voilà qui il est. »

Candida LE BRIS.

—      Discographie CBS.

—      Œuvres : « The favorite Game », « Les perdants magnifiques » (romans), « L’énergie des esclaves » (poèmes), « Poèmes et chansons » : collection 10/18.

(1)     Rock and Folk No 41, juin 1970, et 29, juin 1969.

(2)    Entretien avec Pierre-Yves Pétillon, Le Monde

 

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