Les religions aux USA
Voilà une question que j’ai souvent abordé mais que je reprends ici en complément d'un important dossier de Marianne sur la laïcité à travers le monde annoncé en Une par ce titre : le tour du monde des arrangements avec Dieu. Pour les USA il y a deux pages sous ce titre : « Le pays où la liberté religieuse passe avant toute autre ».
Pour chaque pays un petit tableau donne le rapport des forces religieuses : Chrétiens : 70% ; musulmans 0,9% ; juifs : 1,9% ; hindous : 0,7% ; sans religion : 22,8% (étude du Pew Research Center).
Sauf que ce tableau est ensuite affiné avec la référence à… 3000 affiliations religieuses. Bref, in God we trust (en Dieu nous croyons). Dieu est-il au-dessus des religions ? Le point concret qui est étudié est l’âge du mariage pour les filles avec aussitôt les différences entre Etats.
Cette carte permet de compléter.
Entre 2000 et 2010 248 000 mineurs ont été mariés (à 80% des mineures). Celle qui se bat contre ce moyen-âge, Sherry Johnson a été mariée de force à 12 ans en Floride suite au viol de l’évêque évangélique de l’église et du diacre. De 12 à 17 ans (au moment où elle a pu divorcer) elle a donné naissance à six enfants ! La loi générale dit que le mariage doit se faire après 18 ans mais les Etats décident etils sont... trois dans ce cas.
Conclusion de Marianne : « La laïcité libérale pluraliste du pays peine donc à trouver un équilibre entre protection des libertés religieuses et maintien du principe de neutralité de l’Etat. » En fait en deux pages il est impossible d’entrer dans le sujet car si d’un côté il est existe 3000 affiliations religieuses et de l’autre 70% sont chrétiens, entre mormons et évangéliques l’écart est immense.
Comme le Pape a le Vatican les mormons ont l’Utah. De leur côté les évangéliques veulent le monde à leurs pieds. Si j’ajoute les Témoins de Jéhovah qui en Tarn-et-Garonne, à Bressols, possèdent une église (18 hectares et 4000 places) qui devient encore plus immense les jours où le parking est plein de voitures, la concurrence religieuse fait rage.
Le pourcentage qui m’étonne est celui de 22% de sans religion qui est certes moindre que celui de l’Allemagne (38%), du Canada (34%) ou même de l’Espagne (25%) mais qui me semble tout de même considérable. En fait ce sont les « nones », c'est-à-dire ceux qui cochent la case, non à toutes les autres religions, et qui peut comporter aussi bien les athées que les membres de la Scientologie si elle n’est pas dans la liste. Il s’agit de la case qui évolue le plus : 16% en 2007, 23% en 2014 et chez les jeunes 18-24 ans, 36% (mais seulement 3% qui se disent athées).
Consommer de l’alcool
Des forces religieuses imposent l’interdiction de l’alcool dans certaines communes ! Bien sûr, la mesure est hypocrite car vous faites quelques kilomètres et vous achetez de l’alcool dans la commune voisine. Mais ce point permet de vérifier que s’il existe le poids de l’Etat fédéral, il ne faut ni négliger le pouvoir des Etats eux-mêmes et celui des communes ! Sur cette carte en rouge les communes « dry » sans alcool, en jaune celles qui sont à la fois avec et sans alcool (je ne sais comment) et en bleue les communes avec alcool (wet).
La religion et les droits civiques
Il n’existe pas aux USA ce qu’on appelle ailleurs, pour les catholiques, la théologie de la libération mais pour les protestants la religion a été au cœur du mouvement pour les droits civiques.
Le catholicisme
A partir de 1920 un frein considérable a été mis à l’immigration italienne pour des raisons religieuses : limiter l’arrivée des catholiques. Avec l’arrivée des latinos la question est revenue mais en même temps les évangéliques font des percées considérables chez les latinos ce qui fait qu’à présent il est difficile de parler d’un vote latino qui était généralement démocrate.
Généralement les catholiques votent comme la moyenne des Etasuniens mais ils ont un rôle crucial en Pennsylvanie, Michigan et Wisconsin si bien qu’en 2016 ils ont fait pencher la balance pour Trump dans le cadre d’une évolution de ce vote blanc en faveur des Républicains.
Si on regarde la carte des religions sur la base du plus fort nombre de membres par communes, les catholiques sont favorisés car ils ne sont pas comme les protestants éparpillés en de multiples chapelles. On a en gris les Mormons autour de l'Utah. En rouge la Convention baptiste du Sud.
L'Etat est neutre aux USA mais ls religions pèsent de plus en plus comme on vient de le voir avec l'abandon du droit à l'IVG par la Cour Suprême, renvoyant ainsi la question aux Etats.
Ce n'est pas le seul soutien aux religions de Donald Trump. Il a publié le 04 mai 2017, un décret facilitant l'implication des groupes religieux dans la vie politique en contournant une disposition fiscale nommée l'amendement Johnson, du nom de l'ancien président des Etats-Unis Lyndon Johnson (1963-1969).Cet amendement, qui date de 1954, permettait d'exempter d'impôts les associations à but non lucratif, dont les Eglises, à condition qu'elles ne participent pas à des campagnes politiques. Elles peuvent à présent financer les campagns politiques.
Et voyons un dernier point. L'administration de l'ancien président Barack Obama (2009-2017) avait prévu, dans sa loi sur l'assurance maladie, que toutes les entreprises commerciales prennent en charge des moyens de contraception. Mais en 2014, la Cour suprême des Etats-Unis avait jugé que la liberté de religion s'appliquait aussi aux entreprises. La Haute Cour avait alors donné raison à la chaîne familiale de matériels d'arts créatifs Hobby Lobby et à sa librairie religieuse Mardel, ainsi qu'à une petite entreprise de fabrication de placards, Conestoga, qui refusaient, au nom de leurs convictions religieuses, de se conformer à la loi Obama sur l'assurance santé en ce qui concerne quatre moyens de contraception: deux pilules du lendemain et deux types de stérilet, qu'elles assimilent à un avortement.
Le pouvoir des religions s'infiltre partout en ce pays laïque sur le papier. J-P Damaggio