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Vie de La Brochure
3 mars 2023

Jean Malrieu et Lucien Andrieu

andrieu dessin

Dans le document sur Lucien Andrieu déjà évoqué avec Félix Castan, Pierre Bayrou. Voici l' point de vue du poète Jean Malrieu grand ami de félix Castan. J-P Damaggio

HOMMAGE

Qu’on le veuille ou non l’artiste est membre de la communauté. Notre demi-siècle qui par deux fois a vu le monde a deux doigts de sa perte, a une sensibilité nouvelle Les règles des «anciens jeux» sont démodées, les cénacles sont ridicules, les tours d’ivoire sont renversées. Nous avons appris que les civilisations sont périssables. Les hommes de cœur ne sont pas ceux qui acceptent «le coup de grâce». Il leur appartient de se réclamer de leur condition humaine, d’être fiers d’être au monde, de proclamer qu’ils ont à l’habiter moralement et spirituellement, à le connaître tous les jours davantage, à l’aimer, à le faire aimer, à le transformer, à le diriger, à s’y épanouir, à faire de lui le lieu vivable où la nature est fraternelle.

Dans ce monde menacé, qu’il est émouvant, ce combat du peintre désignant les choses, qu’elle est tragique la lutte du poète qui n’a que son verbe pour nommer! Mais un homme fréquente les hommes. Ainsi naît la chaleur.

C’est dans un tel climat que s’épanouit l’œuvre de Lucien Andrieu, le bien-vivant. Ce serait limiter et dénaturer son message que de le présenter venant d’un homme engagé uniquement dans son temps intérieur. Il le déborde... Mais c’est des données immédiates des formes qui tombent sous les sens qu’est parti Andrieu pour l’exploration d’un monde qui n’a rien d’arbitraire. Chacune de ses toiles, chacun de ses dessins est porte qui s’ouvre sur l’espace où tout est concilié. Là, rien qui n’ait été éprouvé, vécu n’a de place. On a dit : « L’homme est la, nature des choses», et cette maxime le définit, lui qui est harmonie, équilibre rigueur et sincérité. Ce qu’il a retenu se situe dans l’espace de l’urgence et de la nécessité.

Nous sommes avec lui au cœur même du réel où êtres et choses sont responsables ; visages, objets, pierres, soleils, nuages, tout en lui est lyrisme retenu où respect et liberté se confondent

Quand un peintre, un poète s’intéressent à la nature, c’est pour y reconnaître leur liberté et ce n’est pas hors de leur portée qu’elle existe puisqu’il s’agit de trouver avec elle correspondances, rythmes et affinités. Dans l’objet, dans le paysage, il y a qualités communes. Tout ce que l’on peint, tout ce dont on parle renferme un seul visage, celui de Bourdelle appelle : « notre visage éclairé ».

Choisir c’est se définir. Chez Andrieu, justement, tout est digne d’être aimé, depuis le plus humble brin d’herbe, depuis la page de soleil, jusqu’aux grandes marges d’étoiles qui nous entourent. Andrieu, porteur de cosmogonies, a un univers dans la tête, un univers en perpétuelle expansion où hommes et choses créent leurs lois Nous marchons à ses côtés sur rêves et terres mêlées, sur la géographie nouvelle des continents émergés ou, pour mesurer ces lieux où tout est vrai et possible, à l’échelle des éléments l’homme vivant sert de légende. Dans l’œuvre d’Andrieu, l’homme partout présent a sa place marquée.

Il est des hommes-fleuves, si divers dans leurs cours qu’à chaque tournant de leur vie et du paysage chacun y trouve son plaisir et reconnaît ses lieux familiers. Plus d’un s’exaltera devant l’humanisme d’Andrieu, d’autres reconnaîtront et vanteront son sens panthéiste de la vie, d’autres enfin s’arrêteront devant sa scrupuleuse fidélité de transcription. Quant à moi, je me suis depuis longtemps abandonné à sa fougue. Que de fois, dans son atelier, dans un long et immobile voyage, me suis-je enfoncé avec lui au cœur de son temps réel ! C’est chez lui que j’ai appris à nommer ce qui est vrai. J’ai vu le pain et le vin, débarrassés de leur symbole, calmer les faims et les soifs communes. J’ai connu l’amour humble des petites vies qui valent la peine d’être vécues parce qu’elles contiennent la joie. J’ai vu jeunesse et vigueur être de connivence. J’ai entendu conspirer ensemble le futur et la beauté. J’ai vu naître les terres arables de la bonté fabuleuses comme le vrai, mélodieuses comme les nombres. J’ai connu un homme dont l’ombre était lumière. J’ai appris qu’il n’est qu’un temps à imposer : celui de l’amour.

Jean MALRIEU, Prix Guillaume-Apollinaire 1954

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