Edouard Forestié, Olympe de Gouges, Marcel Maurières

Ma conférence sur Olympe de Gouges m’a conduit à revisiter la question sous l’angle Edouard Forestié.

Voici le début de son intervention à l’Académie de Montauban en 1900 :

« Une femme sans éducation, d'une moralité plus qu'équivoque, servie seulement par un esprit primesautier, un tempérament impulsif et un cœur généreux, émerge de la tourmente révolutionnaire où sombrèrent tant de personnalités diverses. Son nom est resté au lugubre martyrologe ; sa mort sur l’échafaud rachète les défaillances d'une vie aux étranges et douteux recoins. C'est Olympe de Gouges. »

Ce propos reflète parfaitement les idées d’Edouard Forestié et y compris les idées de l’Académie de Montauban de l’époque.

Olivier Blanc va reprendre, en le citant, de tels propos. Félix Castan va reprendre, sans le citer, de tels propos. Mais si on s’arrête là alors on contourne l’essentiel à savoir le travail d’historien d’Edouard Forestié.

Il se trouve que quand on lit le premier chapitre du livre d’Olivier Blanc pour l’essentiel, sur le plan historique on retrouve la même démarche : la comparaison entre les documents et le Mémoire de Madame de Valmont où sous une forme cachée Olympe raconte sa vie.

Et la recherche des multiples documents a été accomplie par… Edouard Forestié. Il est le premier par exemple à découvrir l’acte de naissance d’Olympe, acte sans la signature du père. Il dénoue les mystères du Montauban de cette époque là.

Reconnaissons que cet effort, il ne le fait pas de lui-même, il l’accomplit pour rendre service à un auteur parisien qui l’a sollicité.

« L'an dernier, M. Léopold Lacour faisait paraître dans la Revue de Paris, un article très documenté, très fouillé sur Olympe de Gouges, et étudiait cette physionomie au point de vue du « Féminisme  ». A cette occasion, des relations confraternelles s'établirent entre M. Lacour et moi, un commun objectif nous rapprochait, mais comme chacun de nous partait d’un point de vue spécial, nous résolûmes de garder notre liberté d'allures, particulière, estimant que les deux études pouvaient parfaitement être publiées sans se nuire ; bien au contraire, en se complétant l’une l’autre. »

A ce jour je ne suis pas allé lire l’œuvre de M. L. Lacour pour voir l’utilisation qu’il fait du travail d’Edouard Forestié: Les origines du féminisme contemporain : Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt et Rose Lacombe ; Plon 1900.

 Mais un point plus considérable quand il précise :

« Il y a plus d'un demi-siècle, mon père, chercheur infatigable et dont la sollicitude investigatrice s'étendait à tout ce qui intéresse notre région méridionale, avait recueilli les œuvres d'Olympe de Gouges, montalbanaise de naissance, et colligeait tout ce qui pouvait se rapporter à son existence mouvementée. »

 Au-delà de l’œuvre d’Edouard il y a donc celle de son père qui permet de comprendre la richesse du fond Olympe de Gouges à la bibliothèque municipale de Montauban sans lequel il est difficile de découvrir l’écrivaine dans sa globalité.

 Et alors je me suis demandé comment Edouard Forestié était présenté sur le livre 800 auteurs (je reprends l'illustration). La notice est rédigée par Marcel Maurières dont tout le monde sait son engagement communiste.

Elle fait l’éloge du travail de l’historien avec juste cette phrase : « Si nous voulions être complet, il conviendrait d’insister sur le redoutable talent de polémiste dont E. Forestié a fait souvent preuve dans la presse de l’époque. »

J’aurais écrit la même notice avec seulement deux petits points en plus : la référence à sa publication sur Olympe de Gouges qui est oubliée, et j’aurais précisé que le redoutable talent du polémiste s’exerçait dans «la presse de droite de l’époque».

Les historiens devraient être les premiers à rendre hommage à leurs prédécesseurs mais cette courtoisie me semble s’être perdue. J-P Damaggio