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Vie de La Brochure
20 mai 2023

Retour sur Ompdrailles de Cladel

On m'interroge qur le livre de Cladel aussi je donne cette présentation qu'en fait l'ami proche Jean-Bernard. J-P Damaggio

 

Le Radical algérien 27 mars 1884

TOMBEAU DES LUTTEURS Une des œuvres les plus saillantes de Léon CLADEL

Depuis plusieurs jours, nous annonçons à nos lecteurs que, très prochainement, nous commencerons en feuilleton la publication d’un roman de Léon Cladel. Ce roman, cette page d’histoire, devrions nous dire, est une des œuvres les plus belles du maître ; mais, avant de parler d’Ompdrailles, Le Tombeau des Lutteurs, permettez-moi de dire quelques mots de son auteur. Mon compatriote et ami Cladel appartient à cette, pléiade d’hommes qui se sont imposés la tâche vraiment démocratique d'étudier le peuple parmi lequel ils vivent ou ont vécu, de l’étudier sincèrement, tel qu’il est, sans parti pris, sans procédé parisien ; Léon Cladel n’est pas seulement un maître en l’art, de bien écrire, c’est aussi un socialiste convaincu, qui aime le peuple d’où il est sorti et n'écrit que pour lui. Exilé à Paris, loin de ce Quercy qu’il aime tant à décrire, Cladel, l’âme ensoleillée du soleil absent, pleine du souvenir de ces vastes horizons, est resté fidèle à ces braves paysans de Montauban et, de leurs passions, de leurs colères, de leurs réjouissances et aussi de leur gloire, il a rempli ses belles pages Le Bouscassié , l’Homme de la Croix-aux- Bœufs, Crête-Rouge, la Fête votive de Saint- Bartholomée-Porte-Glaive, les Va-nu-pieds, le Garde-barrière , Urbains et ruraux, actuellement sous presse, et Ompdrailles , le Tombeau des Lutteurs , tous sont des idylles farouches dont les héros, frustes et sauvages, sont des bûcherons, des forestiers, des travailleurs de terre, des bouviers et des lutteurs d’arènes populaires. Pour donner une plus puissante vision de réalité à ces sortes d’épopées démocratiques, dont le peuple de Quercy est le seul vrai personnage, Cladel a ramassé à brassées dans la langue même du peuple des mots, des tournures, des expressions, des phrases tout entières qu'il a assimilées, par un art souverain, à la langue la plus littéraire, la plus patiemment travaillée qu'ait jamais écrite un écrivain. Dans Ompdrailles le tombeau des lutteurs, que nous sommes autorisés à publier dans le Radical, Cladel nous raconte la vie d'un jeune carrier de Bruniquel qui fort autant que beau, doux comme un mouton, plus sobre qu’un âne, et non moins neuf qu’une pucelle, dompte dans les arènes latines de Maubors tous les athlètes qui osent l’affronter. Mais, pris dans l’amour d'une femme de la haute, la Scorpionne, qui l’épuise et l’avilit, il se tue dans le boudoir même où il s’est, émasculé dans ses bras.

Telle est l’histoire. Mais ce sont le développement et les détails qu’il faut lire ! On suit les luttes de cet invincible, vaincu par une Dalita avec une passion au moins aussi grande et aussi haletante que les amateurs de romans d’aventures se mettent à lire les extravagances de leurs héros impossibles. Il y a cette histoire dans Ompdrailles, mais il y a autre chose encore. Ompdrailles, au fond, est une allégorie : sa lutte avec Nabuchodonosor III, le bourreau des faubourgs, montre que Léon Cladel a personnifié, en ce beau mâle de Bruniquel, la République corrompue, trahie et enfin assassinée par la débauche et le crime bonapartiste, représentés dans Nabuchodonosor. Nul doute qu’Ompdrailles trouve à Alger, auprès de nos lecteurs, le même succès qui l’accueillit à Paris lors de son apparition.

Jean-Bernard

Et à présent (malheureusement la pièce ne sera pas jouée)

Le Matin 20 août 1887

Quelques journaux ont annoncé que la Porte Saint-Martin donnerait cet hiver, avec Mme Sarah Bernhardt, un drame en cinq actes que Léon Cladel a tiré de son roman d'Ompdrailles, le tombeau des lutteurs, un des plus extrêmes et des plus caractéristiques de son œuvre.

Afin d'avoir les renseignements exacts à offrir a nos lecteurs, un rédacteur du Matin est allé visiter Léon Cladel. L'élève aimé de Baudelaire, le rugueux et puissant évocateur des plébéiens et des paysans, qui a écrit tant de belles pages, le Bouscassié, les Va-Nu-Pieds, l'Homme de la Croix aux-Bœufs, demeure aux environs de Paris, à Sèvres, 9, rue Brongniart. La maison, où grimpe du lierre et qu'ombragent de grands tilleuls, a un air idyllique. Elle est pleine des cris de quatre petites filles, rieuses et aux grands yeux noirs, « mes fauvettes », dit Cladel, et dans le jardin minuscule qui précède la maison, errent mélancoliquement je ne sais combien de grands chiens.

 On nous reçoit très affablement et on nous prie d'attendre dans un petit salon. Nous nous occupons à regarder le portrait de Cladel, un très beau groupe de sculpture et une tête d'homme par Rodin, des Félicien llops, et une très belle eau-forte pour illustrer les Va-Nu-Pieds, par Legros, un grand artiste, que nous avons méconnu, qui n'a pu trouver du pain en France, et qui, expatrié en Angleterre, est devenu directeur de l'Académie de Londres.

Mais Léon Cladel entre.

-Le bruit a couru que la Porte-Saint-Martin allait donner Ompdrailles avec Sarah Bernhardt. La nouvelle est-elle tout à fait sûre, et vers quelle époque alors passerait votre drame?

- La nouvelle est vraie. J'ai tout espoir que mon drame sera joué. Sarah Bernhardt est très emballée. Elle veut que le drame soit joué, et, vous savez, ce que Sarah veut. Enfin, j'ai tout espoir. Mon drame passerait à la Porte-Saint-Martin, aussitôt après la pièce de Sardou annoncée, Maintenant, la date?. cela dépend du succès de la pièce de Sardou.

 Comment est venue l'idée du roman.

-La pièce est-elle exactement tirée de votre roman ? continuai-je.

- Exactement, sauf que j'ai taillé un grand rôle à la Scorpionne, qu'on voit peu dans mon livre. Mais qui connaît Ompdrailles roman peut se faire une idée de la couleur et de l'allure que j'ai essayé de donner à Ompdrailles drame. Le public le sait. La curiosité a été éveillée, j'ai reçu plusieurs propositions de directeurs de journaux pour publier à nouveau mon roman. Mais j'ai refusé.

- Comment avez-vous conçu l'idée de ce roman si spécial et presque étrange ?

- Il y a bien longtemps de cela. J'étais à Toulouse. Je courais, dès que j'étais libre, voir les luttes qui se donnaient, et je m'y passionnai, comme tout bon Méridional se passionne aux exercices physiques. Il y avait dans le Midi un ancien coureur, mort depuis vingt ans au moins, et dont le nom est encore populaire, Lagalante. Mistral en parle dans Mireille. Vous savez avec quelle fureur le peuple suit ces luttes de la Provence jusqu'au Rouergue, de la Gascogne au Languedoc, aux arènes d'Arles, ou au Colysée de Nîmes. Ompdrailles est absolument vrai de type et de nom. Je l'ai connu à l'époque dont je vous parle, ainsi qu'un certain Balat, dit le Rempart du Midi, dont j'ai fait Anibial, l'Ours du Nord de mon roman. Ompdrailles était véritablement ce j'ai dit dans mon œuvre. Il ignorait totalement l'art de la lutte, mais il était d'une force tellement surhumaine que, du moindre effort, il tombait tous ses rivaux. En revenant d'un voyage, au bout d'un an, j'ai appris qu'Ompdrailles était mort. Il s'était tué pour un désespoir d'amour, en se battant la tête contre les murs. Le bruit courait qu'une très grande dame l'avait aimé, puis quitté, après quoi, Ompdrailles s'était suicidé. Véridique ou légendaire, cette tragique histoire s'empara de mon imagination. Toute une année, j'en eus l'obsession, et il y eut une longue gestation vague de mon roman. De grandes luttes furent données à Paris, rue Le Peletier.Il y avait là Marseille, le Lion de Provence, et un certain Farouët, le Tigre des Jungles. Avec tout Paris, je courus voir ces luttes, et mes souvenirs se réveillèrent vivaces. Justement, Vallès, qui était très épris des luttes, me demanda d'y consacrer un article pour la Rue, qu'il dirigeait. Je commençai un article, qui s'acheva en un fort volume. Vallès le refusa. Je le donnai alors (1866) à Camille Debans, directeur du Masque. Le roman parut, mais il fut interrompu à moitié de course. Notez cette date de 1866. Deux ans après, en 1868, apparaissait l'Homme qui rit, de Victor Hugo. Il y a, dans l'Homme qui rit, quelque chose qui rappelle la fable d'Ompdrailles vous savez que Josiane, la duchesse d'Angleterre, tente d'enlever Gwynplaine, l'histrion des carrefours de Londres. Je tiens à faire relever les dates. Le roman à Ompdrailles fut achevé à Cherbourg. On commença de le publier dans trois journaux, mais il fut constamment interrompu. Enfin, l'éditeur Cinqualles le prit et en donna une splendide édition, avec eaux-fortes.

 Comment est venue l'idée du drame.

C'est un ami, Charles Lamour, qui donna à Cladel l'idée de tirer un drame de son roman. Cladel jugea d'abord l'idée impossible. Mais; au cours d'un voyage en Belgique, il vit soudain un biais inattendu pour mettre debout les cinq actes. Et le drame fut écrit de verve. Gil-Naza, à qui il fut lu à Bruxelles, s'emballa pour le rôle d'Anibial. Ce même prompt enthousiasme a été partagé par Sarah Bernhardt.

 Interprètes et mises en scène.

C'est donc Sarah Bernhardt qui jouera le rôle de la Scorpionne.

Il y a là, pour la tragédienne, un rôle de femme perverse, monstrueuse, de coquette altière et de fantaisiste à outrance, qui devait tenter Théodora. A la fin du drame, la Scorpionne est punie par une mort effrayante, de ses yeux féroces de coquetterie, de ses caprices, qui ne sont peut-être que les tortures d'une grande âme inquiète et déviée.

Gil-Naza jouera le rôle d'Anibial, le vengeur d'Ompdrailles. On sera curieux de revoir à Paris, dans un rôle de brute déchaînée et terrible, l'interprète de Coupeau.

La grande difficulté est de trouver un interprète pour Ompdrailles. Songez donc; il faut en plus de toutes ces qualités requises d'un comédien, une beauté physique et des muscles peu ordinaires. On a songé à Decori, qui fit autrefois, dans la Glu, une création dont on se souvient. On a songé aussi à un comédien de province qui joue le drame avec un très grand succès.

Tous les comparses seront pris parmi des lutteurs de profession. La mise en scène devra être magnifique.

 Une séance de lutte sur les planches.

Comme il y a dans les opéras un ballet, il y aura dans Ompdrailles une vraie scène de lutte sur les planches, avec tous les hasards et la victoire n'étant pas réglée à l'avance. La troupe de Marseille fournira un important contingent de « doubles muscles». Un lutteur comique, un bossu, sera spécialement engagé à Londres parmi les clowns les plus fameux.

Léon Cladel a reçu, à l'apparition de son roman, une multitude de lettres de remerciements et de félicitations de la part de tous les lutteurs de France. C'est à merveille. On voit que MM. les lutteurs sont aussi sensibles à l'éloge, que susceptibles au dénigrement.

 

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