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Vie de La Brochure
18 juillet 2023

Le courage selon Marc Patin

A Avignon je venais d’écouter le discours de Jaurès à la jeunesse dit par Jean Claude Drouot quand peu après j’ai appris le décès de Marc Patin. Ce discours est un hommage au courage et, je le reconnais, je me suis rarement interrogé sur le courage. Pourtant la phrase de Jean Jaurès : « Le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire » est très connue et elle vient bien du discours du 30 juillet 1903, à la distribution des prix du lycée d’Albi. Cette autre définition est plus longue : « Le courage dans le désordre infini de la vie qui nous sollicite de toutes parts, c'est de choisir un métier et de le bien faire, quel qu'il soit : c'est de ne pas se rebuter du détail minutieux ou monotone ; c'est de devenir, autant qu'on le peut, un technicien accompli ; c'est d'accepter et de comprendre cette loi de la spécialisation du travail qui est la condition de l'action utile, et cependant de ménager à son regard, à son esprit, quelques échappées vers le vaste monde et des perspectives plus étendue.». Et je lis aussi : «le courage c'est d'aller à l'idéal et de comprendre le réel ».  Oui ce texte de Jaurès est très beau mais comme toujours, il ne brille que par son optimisme. Il ne mentionne pas que pour certains le courage c’est d’aller à la guerre et d’y mourir en héros.

 Bref, même si j’ai peu connu Marc Patin (sur quinze ans environ), au risque de me tromper j’en retiens son sens du courage.

Je me demande tout d’un coup quel est le contraire du courage : la lâcheté, le fatalisme, le découragement ?

Je sais que Marc Patin n’était pas du genre à se décourager et quant à comprendre le réel, il n’a jamais cessé cette activité. Avec lui, je ne pense pas à quelques courages de circonstances, mais à ce courage permanent qui habite quelqu’un ayant la chance d’être dans son bon droit. Face aux difficultés que Jaurès ne mentionne que deux fois dans son discours, il ne baisse pas les bras, il ne tente pas un contournement, il ne fonce pas non plus dans le tas pour réussir. Il avance avec courage.

Le contraire du courage pourrait s’appeler l’irresponsabilité. Celle de ceux qui sous prétexte qu’ils sont courageux veulent soulever des montagnes. J’ose l’écrire à présent : le courage consiste à se dispenser de toute utopie. Une juste ambition suffit. Non pas de tout idéal, comme le dit Jaurès qui précise : « Je ne vous propose pas un rêve idyllique et vain. » 

Tout ceci me revient en tête car j’ai d’abord connu Marc Patin par son refus obstiné du service militaire. Un exemple de courage ? Plus ! un symbole tout comme son éternelle barbe. Peut-être a-t-il été un jour sans barbe mais, là aussi, sans savoir, je ne l’imagine qu’avec sa barbe, pas une longue barbe style XIXème siècle à la Hugo ou justement à la Jaurès. Existe-t-il une photo de tels individus sans barbe ? De tout temps la barbe a eu un sens dont les «barbus» musulmans se sont emparés.

Pour Marc la barbe était un signe d’identité toujours soigné.

 Ceux qui me connaissent savent que Léon Cladel est mon symbole. Mon septième livre fut consacré à cet écrivain, en 1990 (à ce moment là j’avais la barbe), j’ai glissé la photo de la rue Léon Cladel à Paris. C’était un dimanche, la rue était vide, et seulement deux passants l’arpentent. Deux silhouettes à peine visibles. Il s’agit de Marc et sa femme. Ils m’avaient conduit en ce lieu et Marc, par son opiniâtreté, se chargea de m’éclairer deux points. D’abord la statue du fils de Léon placée au Jardin du Luxembourg en 1925. J’ai traversé le jardin en tout sens sans voir une statue que j’aurais reconnu de très loin. Je serais passé à autre chose mais pas Marc qui fit des pieds et des mains pour trouver l’explication : elle a été fondue par les Allemands pendant la guerre !

Et l’autre point était plus simple à résoudre : trouver la tombe de Cladel au Père Lachaise. La tombe pouvait m’éclairer. Je n’imaginais pas alors qu’il suffisait de téléphoner aux autorités du cimetière pour connaître l’emplacement. Ce point et très émouvant quand on découvre que dernièrement la petite fille de Léon, l’écrivaine Dominique Rolin y a trouvé place.

 

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Mais faisons le grand saut. Marc et sa femme auraient pu être en photo sur un livre de 2012 réalisé avec Marie-France au sujet de notre voyage au Chili. En effet, à l’aéroport de Madrid qu’elle ne fut pas notre surprise de les y croiser. Dans l’avion Nannie a proposé qu’on se retrouve le soir dans un restaurant et avec le Guide du routard, nous avons retenu le Rincon de las Canallas, un resto populaire proche de notre hôtel. Nous avons compris pourquoi canallas. C’est ironique car c’était le lieu de rencontre de «canailles» opposés à Pinochet. Nous avions pris la précaution de passer réserver dans l’après-midi car en effet le restaurant est très fréquenté. Le plat à quatre s’appelait El Terrorista et nous annonçait que comme les Argentins, les Chiliens sont de grands amateurs de viande. Pour clôturer le tout Nannie et Marc vont nous rendre un fier service en portant à l’hôtel de San Pedro de Atacama, ville où ils devaient passer peu après, la valeur de 30 euros pour y garantir notre réservation, les 30 euros que nous voulions envoyer de la banque sans y réussir. Je dis un fier service car cet hôtel était archi plein et sans ça, nous aurions eu des problèmes vu l’heure tardive à laquelle nous sommes arrivés dans cette ville si touristique.

Voilà des petites choses pour constater qu’en fait il n’y existe de courage durable, solide et généreux qu’à deux et celui de Marc était celui du couple.

J-P Damaggio

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