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Vie de La Brochure
29 octobre 2023

A la mort de GEORGES D'ESPARBES

Georges_d'Esparbès

J'ai déjà évoqué Georges d'Esparbès à travers Camille Delthil. Je l'ai présenté dans mon livre sur de grands moissagais. Je le retrouve ici au moment de sa mort à une date cruciale sur une journal de la collaboration. Avec la victoire des alliés les catholiques vont très vite changer le fusil d'épaule et La Croix du Tarn et Garonne fait place à L'Eclair avec Théas en vedette. Ils ont été les plus rapides à se recylcler ! Ce qui n'empêche que l'article ci-dessous a son intérêt. JPD.

On le trouve aussi sur Wikipédia où j'ai pris l'illustration.

 

La Croix 12 août 1944

VALENCE-D'AGEN UNE FIGURE DE CHEZ NOUS GEORGES D'ESPARBES.

Georges d'Esparbès vient de mourir dans sa 80e année. Ce nom ne dira peut-être plus grand chose à certains Français d'aujourd'hui, mais ceux d'il y a un demi-siècle se sont sentis, un beau jour, secoués en parcourant ses vibrants récits. Né en 1864 à Valence-d'Agen, il y avait chez cet homme à la fois la pétulance du sang gascon et l'enthousiasme d'un fils de soldat. Tous les romans épiques, les contes étincelants qu'il publia : La Légende de l'Aigle, La Guerre en Dentelles, Les Demi-Solde (plus connu sous le nom d'Agonie des Aigles), La Soldate, Le Roi, La Légion Etrangère, etc... portent cette double marque. Il a évoqué en toute liberté et en pleine fougue patriotique, une série de tableaux historiques ou plutôt s'inspirant de l'Histoire. Romancier, portraitiste surtout, il nous a laissé des peintures et des types qui demeurent. Rien de comparable ne peut s'opposer à ces physionomies gravées au burin, à l'acide, colorées, fortes, suggestives, qui hantent l'imagination, la brassent, se collent à elle, tenaces et envahissantes. Comme un capitaine Danrit et un Edmond Rostand, écrivain de race, de notre race, parce que vivant et frémissant de ce qu'il couche sur le papier; homme qui a ressenti ce qu'il affirme et vécu ce qu'il ressuscite, d'Esparbès ne déçoit personne, ni admirateurs, ni détracteurs. Images touchantes de ces Grognards de l'Empire, des vieux soldats fidèles à l'étoile de leur chef, de ces gentilhommes enrubannés qu'illustra d'Assas à Clostercamp, elles deviennent épiques, démesurées. Toutes ces époques de fer et de foi réapparaissent à nos yeux comme d'ardentes évocations, sentimentales et impossibles. Vraisemblables ou non, authentiques ou romancés, les exploits passionnent le lecteur, parce qu'ils sont plus vrais, que réels, plus sentis qu'étudiés; avec toutes ces ombres héroïques de la vieille France, d'Esparbès entre, en quelque sorte, en communion intime. Il grossit leurs contours sans les déformer et en augmente le relief sans en altérer le caractère. Des lignes de ses romans se dégage une émotion presque sacrée qui enfièvre, un frisson qui se communique de l'auteur au lecteur et tout cet ensemble atteint au sublime pur. Ses critiques ont pu dire avec un certain dédain, empreint de jalousie, que « M. d'Esparbès avait un style fait à coups de sabre.» A leur insu, ils rendent ainsi au créateur du Capitaine Doguereau le plus bel hommage qu'on puisse lui décerner. Et pour bien camper ces figures nettes de militaires tout d'un bloc, d'Esparbès prenait le style du soldat; comme lui, il n'analysait point, ne discutait pas, ne jugeait pas : il voyait et faisait voir. Sa prose vigoureuse, sonore, allait, toujours pressée, les mots grossissant les mots, culbutant les liaisons, accentuant les contrastes. Comme une armée lancée au pas de charge, tantôt elle s'éparpillait en mille détails multicolores, tantôt elle se ramassait en un rebroussement suspendu quelques secondes, puis reprenait son avalanche, irrésistible. Elle entraînait comme un tambour comme un clairon, aux hauteurs de l'épopée et, lorsque vous fermiez le livre, c'est comme une extase excitante qui, longtemps encore, vous gardait sous le charme, faisant fondre en un instant: sang-froid, réflexion, scepticisme; ou revivait l'ivresse des charges à corps perdu, des grands carnages, les anxiétés des obscurs de l'ex-Garde, leurs espoirs enfantins et immenses, tout ce qui constitua, autrefois, la France combattante des années légendaires. Ce qui paraît, aujourd'hui, un roman outré, était alors la simple réalité; il suffit de lire Marbot pour s'en convaincre. Voilà la grande raison de l'incompréhension contemporaine pour ces lignes splendides, où l'on hurlait trop pour nos oreilles de salon, où le goût morbide et décadent du classement se trouvait saisi à la gorge, sans crier gare, par la poigne nerveuse de nos aïeux. Ces touches violentes, juxtaposées, manquaient certes d'une' apparente cohésion; il y avait dans le déroulement de l'action des vides creusés, où l'envolée sincère se soudait mal avec le réel trop étroit. Mais ce qu'écrivit d'Esparbès n'a jamais laissé indifférent un homme digne de ce nom. L'intrigue est très claire, parfois trop ténue. Cette œuvre est une galerie de portraits incomparables, une sorte de lanterne magique sans les fadeurs, les banalités et le charlatanisme coutumiers; galerie de portraits qui sont des modèles, des collections... L'homme qui vient de disparaître a coin- battu sur les mêmes rangs que Béranger, Victor Hugo et tant d'autres pour apporter sa pierre à l'édifice napoléonien. Et l'on ne sait qui est le plus admirable : l'Empereur, dont le souvenir engendrait, cent ans après, de telles ferveurs, ou l'écrivain patriote qui le ressuscita si profondément. D'Esparbès vient de mourir; nous saluons avec respect sa mémoire sans tache, en ne demandant qu'une chose : conserver la franchise, la vigueur et la fidélité de son Idéal ! André Compan.

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