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Vie de La Brochure
22 décembre 2023

Camille Delthil et le féminisme

Voilà la position d'un homme de gauche en 1868, un ami de Léon Cladel près à aider les femmes à rester dans leur rôle "naturel". JPD

5 septembre 1868 L’Emancipation

LES DROITS DE LA FEMME.

Les conférences du Vauxhall ont, parait-il, un succès fou ; c'est le great attraction du moment. Quinze cent personnes au moins assistaient à la dernière réunion, nous disent les journaux de Paris ; même quelques-unes de ces séances-là n'ont pu se passer de querelles. Que voulez-vous, quand les femmes s'en mêlent, c'est toujours un peu comme cela, les têtes sont si près des bonnets chez ces dames.

J'ai ouï soutenir, je ne sais plus où, par le plus femme de nos historiens, que si la République de 1848 avait mal tourné, c'est que les filles d'Eve n'avaient pas assez donné dans le mouvement, comme il se disait alors.

En 89, au contraire, ajoutait-il, depuis les dames de la Halle jusqu'à Mme Rolland, le ministre en jupon, depuis Theroigne de Méricourt et Olympe de Gouges jusqu'à Charlotte Corday, les femmes mirent toutes leur tempérament, diversement passionné au service de quelque noble ou périlleuse cause. Ce fut le temps des héroïnes, et si parfois, dans les moments décisifs et critiques, les hommes, par lassitude, firent mine de reculer, les femmes, elles, ne faiblirent pas.

La femme d'à présent, vise moins haut que ses devancières ; c'est le côté sérieux et positif de la vie qui, à bon droit, la préoccupe, car, pour elle, la question du droit au travail est une question de vie ou de mort. Triste est, en effet, la condition faite à la femme par cette société qui se vante si mal à propos de sa civilisation raffinée.

Ceux qui ont vécu dans des villes manufacturières ont pu voir quelle rétribution minime, je dirai presque dérisoire, est accordée à l'ouvrière de l'atelier.

En conscience, de pauvres jeunes filles gagnant de 10 à 15 sous par jour peuvent-elles vivre décemment avec un si misérable salaire ?

D'autres, moins fortes ou moins habiles, sont plus mal rétribuées encore , et j'en ai vu n'ayant pour toute subsistance qu'un morceau de pain sec sur lequel elles étendaient, comme un régal, le dimanche seulement, une cuillerée de fade mélasse.

Et, si elles sont jolies ces malheureuses, croyez-vous donc qu'elles puissent longuement résister, à l'heure de la tentation ? Non certes, et l'homme deux fois coupable, l'homme, jouira sans remords, de ce qu'il ose encore appeler sa conquête.

Sous le règne de Louis-Philippe, quelques hommes vivement préoccupés du sort malheureux fait à la femme, défendirent ses droits avec une persistante énergie ; mais bientôt, je ne sais quel mysticisme s'en mêlant, ils exagérèrent leur doctrine et firent de la douce compagne de l'homme une idole, un phénomène, un monstre, si bien que ce fut sous un ridicule mérité que finirent les prêches des frères de Ménilmontant.

Pourtant, toutes les saints-Simoniennes ne sont pas mortes.

Il est encore, je le sais, quelques femmes à barbe, anglaises et françaises, qui rêvent d'égaler l'homme en force, en activité, en science et cœtera ; cette thèse a été soutenue, paraît-il, non sans talent, au Vauxhall par d'énergiques conférencières.

Mais ces dames font, ce me semble, fausse route et dépassent le but. Ah ! n'est-ce pas plutôt par leur faiblesse, par le côté sensible et délicat de leur nature, le plus souvent même par leur naïveté si pleine de bon sens, — qui ne préférait Agnès à Philaminte ? — que les femmes régneront toujours sur le cœur des hommes. Que ne craignent-elles de perdre à jamais, en courant après de nouveaux dons inutiles, les précieux avantages dont la nature les a dotées et de lâcher ainsi la proie pour l'ombre.

Chaque sexe a ses armes et n'en doit pas changer. La massue d'Hercule se brisa jadis contre la quenouille d'Omphale, et cela est moins un mythe qu'une réalité. Les armes de la femme ce sont le dévouement, l'amour, la beauté. Dieu ! les femmes raisonneuses et non raisonnables ; celles qui voudraient avoir plus de fibres dans le cerveau que dans le cœur ; celles qui lisent les fantaisies érotiques du vieux Michelet et les romans de George Sand, première manière, vrai, je les plains sincère- ment celles-là, — quand je n'ai plus le cou- rage d'en rire. Femmes, soyez des sœurs, des épouses, des mères et non point des bas-bleus, non point des amazones ; imitez les matrones antiques filant la laine et gardant la maison ; c'est moins poétique cela, il est vrai, que de courir les aventures, mais c'est plus honnête, plus naturel, plus grand. Quant à moi, au risque de me faire emporter le visage, je croirai toujours avec le bonhomme Chrysale,

Qu'il n'est pas bien honnête et pour beaucoup de causes,

Qu'une femme étudie et sache tant de choses.

Proudhon qui a parié si éloquemment, en divers endroits de la vie de famille qu'il comprenait et pratiquait si bien, Proudhon estime que la femme doit vivre dans le gynécée et non sur la place publique. Ménagère ou courtisane, il n'y a pas de milieu, disait-il avec Rousseau. C'était aussi, ou à peu près, l'avis de Montesquieu. « L'être que la nature a chargé du plus imposant, du plus grand des devoirs humains, —ce sont ces dames elles-mêmes qui le reconnaissent, — cet être a, ce me semble, un rôle, assez beau à remplir sans rêver une égalité de sexes anti-naturelle et une émancipation insensée."

— Halte-là, va me répondre la plus intrépide de nos conférencières ! que parlez-vous , Monsieur, d'infériorité féminine, n'avons-nous pas nos célébrités dans tous les genres, n'avons-nous pas les Jeanne-d'Arc, les Maine- Thérèze, les Rolland, les Sévigné, les Staël, les George Sand, les Girardin, les Rosa Bonheur, etc. — Trêve donc de tirades sentimentales. Nous n'avons que faire de votre pitié, Trop longtemps l'homme s'est arrogé la part du lion ; à notre tour de montrer la griffe. Aujourd'hui, c'est moi qui commence : Ego no- minor. (Léo André). — Doucement, Madame, ne nous échauffons pas s'il vous plaît, ces hommes-femmes dont vous me citez les noms avec orgueil, sont, je n'en disconviens pas, des êtres exceptionnels, affreusement beaux, des esprits réflecteurs, merveilleusement éblouissants; mais qu'est-ce que cela prouve, il est aussi des hommes qui sont femmes, par système de compensation.

Toute exagération mise de côté, il est nécessaire, il est juste que la condition de la femme s'améliore, et vite, sous bien de rapports, dans notre société démocratique. Si, jusqu'à un certain point, la femme doit rester la subordonnée de l'homme, elle ne doit en aucun cas lui tenir lieu d'esclave. La société doit aux femmes, instruction, moralisation et travail.

«Fixez, disait Diderot dans son admirable écrit sur les femmes, fixez avec le plus de justesse et d'impartialité que vous pourrez les prérogatives de l'homme et de la femme ; mais n'oubliez pas que faute de réflexions et de principes, rien ne pénètre jusqu'à une certaine profondeur de convention dans l'entendement des femmes ; que les idées de justice, de vertu, de vice, de bonté, de méchanceté, nagent à la superficie de leur âme ; qu'elles ont conservé l'amourpropre et l'intérêt personnel avec toute l'énergie de nature, et que, plus civilisées que nous en dehors, elles sont restées de vraies sauvages en dedans, toutes machiavélistes, du plus au moins. »

Combattons donc de notre mieux cette sauvagerie native de la femme par une éducation solide et raisonnable, dégagée de tout esprit de superstition et de vanité ; formons, en un mot, dès aujourd'hui, des épouses chastes et des mères laborieuses, et nous aurons, plus tard, des fils honnêtes et courageux. Camille Delthil.

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