Robert Linas face des questions sociales

J’ai souvent croisé Robert Linas sans être un intime (je ne suis jamais allé chez lui). Aujourd’hui voyons comment son parcours nous conduit à diverses questions sociales.

Comme moi il fut un fils de petit paysan devenu instituteur et j’ai montré par ailleurs comment, en 1880, la République construisit un statut de l’instit copié sur celui du petit paysan propriétaire, pour qu’il institue la République. Encore faut-il se comprendre. Le socle de ce paysan s’appelle la sécurité de l’emploi, thème crucial dans la vie d’un homme du peuple. Et la République donna aux enseignants la sécurité de l’emploi, valeur que le capitalisme a toujours combattu au nom des merveilles de la mobilité. Rester avec le même métier c’est s’encroûter, manquer d’ambition etc. Il faut être capable de saisir « les opportunités » terme fondamental de la philosophie made in USA. Cette sécurité de l’emploi a un revers : quand l’employé ne fait pas son travail on le conserve tout de même ?

Et Robert Linas a débuté son parcours professionnel par un double échec au CAP (épreuve pratique réalisée sur le premier poste) ce qui devait conduire à son exclusion.

Le Syndicat a obtenu par une action déterminée son maintien (et celui d’une autre collègue). Nous étions au début des années 1970 et par cette action le Syndicat ne se posait pas la question de savoir si l’instit était apte ou pas, mais il tenait à faire la preuve de sa puissance face à l’administration, une administration qui, auparavant, face à une incapacité, pouvait trouver une place en dehors de la présence devant les élèves. J’ai connu au moins un ami qui refusa ensuite de se syndiquer ayant jugé cette action néfaste pour l’école.

Bref, il s’agit là d’une grande question : bien sûr les enseignants sont inspectés et notés suivant leur « mérite » mais que faire quand l’un d’eux, souvent suite à des problèmes personnels, perd les pédales ? Le privé ne fait pas de sentiment, le secteur public oui. La vie professionnelle de Robert a été chaotique avec parfois de bonnes rencontres comme à la maternelle de Falguières où il s’entendait bien avec l’ASEM, et parfois avec des besoins de soins majeurs.

 A présent la politique. Le hasard a voulu qu’en 1976 ma compagne d’alors soit nommée à Monclar de Quercy, sa chère commune. En 1977 il y avait les municipales et comme nous étions communistes nous avons présenté une liste incomplète (c’était alors possible) à laquelle Robert Linas a voulu se joindre en tant que socialiste sincère. Le maire se présentait comme radical contre une liste de droite. Au second tour sur injonction de la direction du PCF (qui avait reçu des ordres de Baylet) il y a eu accord avec le maire radical seul moyen pour qu’il sauve son poste et il le sauva. A l’élection suivante il préféra soutenir la liste de droite contre la liste de gauche conduite pourtant par un radical mais lui authentiquement de gauche ! Et la droite est depuis au pouvoir à Monclar. J’ai raconté cette histoire dans le livre sur La Baronnie de J-M Baylet. Robert Linas était un homme de gauche mais pas celle de La Dépêche, aussi il se trouva très actif aux côtés du Petit journal !

 A présent le « journaliste ». Comme d’autres instituteurs Robert Linas considérait que c’était une part de son rôle que de rendre compte de la vie locale autour de lui. Au Petit Journal, d’autres personnes étaient (et sont) dans le même cas. N’étant qu’un lecteur occasionnel du journal je ne peux faire le bilan de son action sur ce point mais il est frappant de le voir sur les quelques photos disponibles de lui sur le net, avec son appareil photo.

 Puis le militant occitaniste. J’ai été membre de l’Institut d’Estudis Occitans de 1982 à 1995 quand il n’y était pas et il y participa quand je n’y étais plus. Là aussi on s’est donc croisé de loin. Simplement, à l’inverse d’autres, il fit preuve de générosité puisqu’il accepta de donner à l’IEO le moyen d’obtenir des aides européennes pour la publication du livre sur Frédéric Cayrou réalisé grâce au travail de fourmi de Jean-Marc Buge. A ce moment là Linas dirigeait l’associacion per el reviscol occitan. Il n’a jamais eu besoin d’apprendre la langue occitane et s’il en est devenu un défenseur c’est pour rendre hommage au peuple des paysans. Une action qui l’a conduit à naviguer à travers diverses associations où il n’a pas laissé que de bons souvenirs car telle est la vie associative.

Je n’ai jamais suivi ni compris son association pour faire venir des Autrichiennes à la rencontre de la vie locale.

 Les salons du livre. Ne l’ayant pas assez connu je ne sais d’où lui venait cette passion pour le livre et d’ailleurs très peu pour le livre occitan ! La défense de l’occitan s’apparentait plutôt aux cours de langue, à la musique, au folklore. Il a donc commencé par un salon qui nous ramène à… Monclar de Quercy, un salon qui débuta juste au moment où je lançais les Editions La Brochure. Ce qui fait qu’au début j’y ai été très présent. L’inscription y était gratuite pour l’espace d’une table. Puis ce fut celui de Nègrepelisse autre ville qui m’est chère. Pour défendre le livre il rassembla toutes les cordes qu’il avait à son art : ses chroniques sur le Petit journal, ses capacités d’organisateur qui parfois passaient à côté (je me souviens d’un passage de Claude Sicre à Monclar sur la place au début des années 1980 qui fut un échec), ses relations multiples et diverses.

Il alla jusqu’à créer un blog pour défendre son association, blog qui est depuis longtemps en référence sur le mien.

A travers le cas de Robert Linas je vois défiler une série de questions dont le pivot est politique car c'est lui qui détient les clefs de l'argent capable de faire vivre (ou de faire mourir) des associations et donc des envies d'actions culturelles diverses. J-P Damaggio

P.S. Sur la photo : au salon du livre de Monclar devant ma mère et de dos ma soeur.