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Vie de La Brochure
30 décembre 2014

Réédition de N’a qu’un Œil

CLADEL-COUVERTURE

 

 

Les Editions de l'Arbre Vengeur viennent de rééditer N'a qu'un oeil de Léon Cladel avec de fines illustrations de Nylso et une préface d'Eric Dussert, écrivain que j'avais croisé au sujet d'un ami de Léon Cladel, Hector France.

Ce livre écrit entre juin et octobre 1877 a eu une certaine notoriété puisqu'il a été traduit en Chine et j'apprends avec la préface qu'il a aussi été traduit en russe.

Plusieurs fois réédités il était dédié à la Plèbe mais c'est seulement en 1886 que Cladel inclus l'explicatif ci-dessous au sujet de la Plèbe.

Je pensais avoir publié ce texte dans le blog mais après vérification ce n'est pas le cas aussi je l'offre aux lecteurs aujourd'hui (même la date n'est pas laissée au hasard). Il n'est pas dans l'actuelle réédition qui est courageuse car généralement c'est plutôt le Cladel paysan que l'on reprend. Avec N'a qu'un œil on est aussi chez les paysans chers à l'écrivain mais chez les paysans de la Révolution de 1789. Je préfère pour ma part le Cladel nouvelliste moins porté à écrire des phrases de trois kilomètres assez difficiles à suivre mais je rends en même temps hommage à cette édition d'une œuvre rare. J-P Damaggio

 

 

Dédicace de Cladel à N'a qu'un œil

 A la plèbe

 « Y consens-tu ? » « J’y consens. » « Hé bien , donc, écoute, ô toi, ma mère, ma sœur et ma fille » : issu de colons sédentaires et de manœuvres errants, tes nourrissons à travers les âges, actif, sobre et tenace ainsi que ceux de ta race, je vins du fond du Quercy, ma province natale, à Paris, il y a quelque vingt-quatre ans, et, la tête pleine du bruit des marteaux sur l'enclume, des plaintes du sol déchiré par les charrues, de la rumeur des treuils et du grincement des poulies, de la chanson des eaux refoulées par les rames et des clameurs des bêtes mêlées au verbe des hommes peinant ensemble sous un ciel toujours enflammé, je rêvais déjà telle épopée ouvrière et paysanne, où laboureurs, forgerons, carriers, pâtres, mariniers, bûcherons, mineurs, et cætera, tous les serfs autrefois inféodés à la glèbe et maintenant mercenaires salariés, prolétaires suant d'ahan et gémissant sous le joug capitaliste, eussent figuré chacun à sa place et dans son jour. Rude, oh ! fort rude tâche que celle-là. Néanmoins, elle n'eût pas été, je pense, au-dessus de mes forces, si j'avais eu le pain assuré comme les bourgeois qui nous régissent et nous leurrent, la plupart d'entre eux nés riches, les autres ayant capté la fortune au moyen d'une souplesse d'échine que je ne leur envie, certes, pas. Or, de l'œuvre que j'ai ébauchée et que mes cadets achèveront après moi, l'on aura du moins une des mille pages que je me proposais de graver, et ce fragment, il est de mon devoir de te l'offrir à toi qui me l'as inspiré, Plèbe, à toi d'où je suis fier d'être sorti. Que je succombe demain, nul ne saura m'accuser d'avoir jamais renié ma caste, la petite, excuse! la grande ; oublié ma classe, la basse, oh, pardon, la haute : et fini, comme tant de parvenus, en contradiction avec mon origine. Aussi, pourquoi le taire et ne pas m’enorgueillir, j’estime que c’est là mon honneur et ma gloire en ce temps de palinodies et d’impostures où triomphent des cyniques que flétrira plus tard irrévocablement notre vrai juge ç tous et le seul : la Postérité, qui rabaisse souvent ceux qu’on exalta sans mesure et vice-versa.

Léon Cladel 18 mars 1881

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